De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Les avocats de l'Union européenne ont demandé - et obtenu - une prolongation pour le dépôt du recours qu'ils comptent introduire contre la décision de la Cour européenne de justice d'annuler, avec effet immédiat, l'Accord agricole avec le Maroc et englobant le Sahara occidental. La défense de la Commission a donc jusqu'au 28 du mois en cours pour déposer l'appel. Cette démarche des défendeurs de l'UE n'est, pourtant, ni un caprice, ni une manœuvre dilatoire. Le casse-tête pour eux est réel. Un recours, ça doit se justifier et les magistrats de Luxembourg exigent des réponses précises sur les points contre lesquels l'Europe s'insurge. La représentativité du Polisario comme unique et légitime interlocuteur sur le Sahara occidental. En première instance, l'Union européenne elle-même avait validé cela. Le Maroc est-il puissance administrante du S. O, territoires non autonomes, relevant des Nations-Unies en matière de décolonisation ? Bruxelles ne peut aller en justice pour contester le consensus international autour de la question. Selon les indiscrétions recueillies dans la capitale belgo-européenne, les avocats de l'UE traînent les pieds pour deux raisons majeures. La première est qu'ils savent que le Polisario est en droit aussi d'aller en appel pour exiger l'application immédiate de la sentence et demander des dommages et intérêts pour toute la durée de l'Accord agricole. Pourtant, les Sahraouis laissent la porte du dialogue politique ouverte avec la Commission européenne et sont prêts à trouver des arrangements si seulement Bruxelles acceptait de se conformer à la légalité internationale et de ne plus, désormais, s'adonner au pillage des ressources naturelles du Sahara occidental. Agricoles, halieutiques ou autres. Etant entendu que sans doute l'Accord de pêche conclu entre Européens et Marocains et englobant la façade maritime du Sahara occidental sera, dans un avenir tout proche, cassé et invalidé par les magistrats de Luxembourg-City. L'effet de jurisprudence du premier jugement de l'Accord agricole. La deuxième raison qui explique ce retard pris dans le dépôt de l'appel est, tout simplement, liée à des divergences au sein même de la Commission européenne autour de l'affaire. Il n'est un secret pour personne que ni le président Jean-Claude Juncker, ni la numéro 2 du gouvernement des 28, Federica Mogherini, ne sont des fervents partisans du piétinement des résolutions onusiennes sur le dossier sahraoui. La France, pour des choix politiques doctrinaux, et l'Espagne pour des intérêts commerciaux, sont ceux qui cavalent ces orientations contraires au droit international. Le Polisario, intelligemment, ne laisse rien filtrer de ses intentions. Le principal avocat de la cause sahraouie auprès de la Cour européenne de justice, maître G. Devers, barreau de Lyon, est d'une confiance et d'une sérénité désarçonnantes pour les lobbies pro-Makhzen... Il est vrai aussi que les Européens ne veulent pas aller en appel contre une décision de leur justice au moment même où Ban Ki-moon annonce une importante visite dans la région. Sans doute, laisseront-ils le soin aux avocats d'aller, discrètement, à Luxembourg pour tenter un tant soit peu d'obtenir quelque chose...