Sous l'effet de la crise qu'ils ne peuvent plus nier, les pouvoirs publics cherchent des solutions alternatives. Parmi celles-ci le recours à l'emprunt obligataire privilégié à l'endettement externe. Si certains observateurs estiment que c'est le bon choix face à l'endettement, d'autres, en revanche, pensent qu'au contraire, l'option de l'emprunt obligataire n'est «en aucun cas» une alternative au financement de l'économie. Younès Djama - Alger (Le Soir) - Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a déclaré, à l'ouverture de la session de printemps du Parlement, le 2 mars dernier, que le gouvernement allait lancer un emprunt obligataire national pour faire face à la baisse des recettes due à la chute des cours du brut qui oscillent actuellement entre 30 et 35 dollars. C'est quoi un emprunt obligataire ? Selon l'économiste Mohamed Achir, enseignant à l'Université de Tizi-Ouzou, un emprunt obligataire est un titre de créance. «C'est comme un crédit bancaire sauf que celui-ci se fait par voie de titre de reconnaissance», explicite-t-il d'emblée. Il s'agit d'un titre négociable à échéance avec des coupons (intérêts). Selon Mohamed Achir, il existe plusieurs types d'emprunts obligataires : fixe et variable. Pour le premier, on fixe au lancement de l'opération le taux d'intérêt ainsi que les échéances de remboursement, et enfin, on fixe la date d'échéance de remboursement du capital global de la créance. Il y a également des titres avec des taux d'intérêt variables qui évoluent en fonction des taux d'intérêt. Selon l'expert, un emprunt obligataire développe plus le marché financier obligataire. A ses yeux, le recours à ce moyen alternatif est «pertinent» dans la mesure où il évite au pays de recourir à l'endettement extérieur. Il l'est tout autant dans la mesure, relève M. Achir, qu'il (l'emprunt obligataire) permet de mobiliser des fonds non bancarisés, se plaçant ainsi comme une forme de bancarisation des fonds informels. Cependant, observe-t-il, il ne s'agit pas seulement de lancer un marché obligataire mais plutôt de permettre la «négociabilité de ce titre le marché secondaire «pour permettre à la fois la liquidité du titre et aussi la possibilité d'échanger ce titre à tout moment contre des liquidités». Le taux de rémunération de 5% est jugé intéressant dans la mesure où le taux ne dépasse pas actuellement les 3%. Le taux de 5% est d'autant plus intéressant que le souscripteur n'est pas exposé au risque de change et la dépréciation de la monnaie nationale, juge Mohamed Achir. Pour sa part, l'économiste Chérif Belmihoub, cité hier par l'APS, a estimé que l'emprunt obligataire constituait une «bonne chose» car «c'est le seul moyen qui reste pour mobiliser l'épargne nationale et faire face aux engagements budgétaires du pays». Il évitera un recours précipité à l'endettement extérieur, explique ce professeur en économie institutionnelle et en management. Mais l'expert Ali Aït Ferhat ne partage pas cette analyse notamment sur le fait que l'emprunt obligataire était une alternative à l'endettement externe. Présenté comme une alternative à l'endettement extérieur, cet emprunt interne est d'autant plus incongru qu'il va générer des dépenses d'importation sur les réserves en devises du pays. «Expliquez-moi comment une levée de fonds internes en dinars va-t-elle remplacer l'endettement externe pour les acquisitions de la Sonatrach par exemple ? Il faudra bien payer en devises l'équivalent de ses acquisitions, non ? Et dans ce cas, il faudra les ponctionner sur nos réserves et rien d'autre», analyse-t-il. Selon M. Aït Ferhat, cette levée de fonds va alléger le fardeau du déficit de l'Etat mais pas de sa dette qui sera envers les épargnants ciblés. Clairement, l'économiste affirme que cet emprunt finira avec un endettement extérieur un peu plus tard. «Combien lèvera cet emprunt au plus s'il réussit ? Un maximum de 2 000 milliards de dinars disponibles hors des mains des pouvoirs publics en circulation, dont une bonne partie est constituée des réserves de liquidités inutilisées des banques publiques, cela couvrira un an de déficit budgétaire, pas plus», dit-il. Avant d'asséner que cette formule «n'a aucune chance» de réussir et n'est «en aucun cas» une alternative au financement de l'économie. «Le gouvernement est piégé dans une politique anti-économique et écoute toutes sortes de sorciers de village coupés de la réalité économique du monde, je crois que c'est cela l'origine de ces sorties qui n'ont aucun sens économique», conclut-il.