Tout le monde a entendu parler des péripéties qui collent au projet de la construction de l'autoroute Est-Ouest. La presse indépendante a divulgué en temps utile toutes les affaires de trafic d'influence, de malfaçons et de corruption qui s'en étaient suivies lors de la signature des contrats de réalisation. Mais cette fois-ci, il s'agit de vies humaines ou plutôt d'un carnage qui découle, selon des sources bien informées, de ces malfaçons. Jusqu'à ce qu'un démenti ne soit apporté, chaque citoyen de ce pays est en droit de pointer un doigt accusateur au sujet de la longue liste de morts. Les preuves techniques ? Elles finiront par être mises sous la lumière. Un processus est en cours et des voix, astreintes par l'obligation de réserve, commencent à protester contre cette situation dramatique. Mais la preuve tangible est ce sinistre bilan. Et pour cause, les statistiques sont dans ce dossier parlantes. Selon les chiffres que nous a communiqués le commandant Amar Zair, chef du service sécurité routière au niveau du Groupement de la gendarmerie de Boumerdès, sur une distance d'une douzaine de kilomètres et sur une seule voie (Est vers l'Ouest) les gendarmes ont enregistré, durant 2014 et 2015 et jusqu'au 10 mars 2016, soit un peu plus de 26 mois, 63 morts et 639 blessés constatés suite à 347 accidents recensés. Ces accidents sont survenus entre la sortie Ouest du second tunnel de Bouzegza et la limite Ouest de la commune de Larbaâtache (wilaya de Boumerdès) soit sur un itinéraire d'une douzaine de kilomètres. Le dernier accident survenu le 8 mars dernier, a coûté la vie à 2 médecins, le chauffeur d'une ambulance et un bébé âgé d'un mois. Les victimes venaient du Centre hospitalo-universitaire de Sétif. Le commandant nous a dit que toutes les victimes ne sont pas de la région. En conséquence, elles ne sont pas au courant de la dangerosité de ce tronçon. L'officier a, par ailleurs, fait une comparaison lourde de sens. «Depuis le 1er janvier 2016, nos services ont enregistré sur tout le territoire de la wilaya de Boumerdès, soit sur 1 661 kilomètres de l'autoroute (32 km ndlr), de routes nationales et grands chemins de wilaya, 78 accidents ayant causé 18 décès alors que 44 personnes ont été blessées. Nous remarquons que pour la même période (1er janvier au 10 mars 2016 ndlr) 24 accidents sont survenus sur l'autoroute où sont décédées 11 personnes et 44 autres ont été blessées.» En clair, 61% des décès ont été enregistrés durant cette période, sur 1,93% de routes de la wilaya. Pourtant, les routes de la wilaya de Boumerdès sont moins bonnes que l'autoroute, elles sont sans doute plus fréquentées et les automobilistes conduisent avec le même état d'esprit que ceux qui circulent sur la grande route. A méditer. On pourra toujours imputer cette hécatombe aux défaillances humaines et l'excès de vitesse, mais les spécialistes refusent la totalité de cet argument. Justement, selon une source sûre, une commission de haut niveau de la wilaya de Boumerdès est sortie ces derniers jours – une seconde fois semble-t-il en quelques mois – sur le terrain au niveau de l'autoroute pour faire le point et préconiser des améliorations afin de tenter d'atténuer un tant soit peu cette boucherie. Nous avons tenté d'entrer en contact, par le biais de la cellule de communication de la wilaya, avec la directrice des travaux publics pour en savoir plus. Sans succès. On aurait en effet aimé lui poser des questions sur certains aspects techniques sur ce tronçon qui pose de graves problèmes de sécurité aux automobilistes et à leurs passagers. Il y a, par ailleurs, des questions qui se posent sur le choix du tracé, l'inclinaison de la chaussée, le choix de la matière de revêtement de cette chaussée, les affaissements de la chaussée, ... et cette rumeur qui circule au sujet de l'effondrement, durant la construction de la route, d'un immense remblai et qui aurait été très mal refait. Et que font pendant ce temps les gendarmes ? «Nous avons demandé et obtenu la limitation de vitesse à certains endroits à 80 km/heure, nous avons préconisé la mise en place d'une signalisation plus importante. Nous menons de temps à autre des campagnes de sensibilisation auprès des conducteurs», nous a confié le commandant Zair. Un jeune gendarme intervient : «Une vitesse de 80 km/heure par mauvais temps sur une chaussée mouillée et dans une descente devient du 160 km /heure.» Le commandant Zair conclura amèrement par ce bilan de violation des règles de circulation. «En 2015, nous avons constaté le long des 32 kilomètres qui traversent la wilaya de Boumerdès, 11.128 diverses infractions notamment celles liées à l'excès de vitesse.» En attendant des jours meilleurs, nous conseillons aux automobilistes qui circulent sur l'autoroute sur les deux sens entre Khemis El Khechna (wilaya de Boumerdès) et Lakhdaria (ex-Palestro dans la wilaya de Bouira) de faire extrêmement attention par mauvais temps surtout lorsqu'ils abordent l'une des descentes.