La réflexion a commencé en partant du constat suivant : les étudiants ayant choisi une certaine filière, arrivant avec un «assez bon bac», autour d'une moyenne de 13/20, selon les années, ont beaucoup de mal à réussir dans leurs études. Autrement dit, comment se fait-il que les étudiants ayant suivi, au lycée, une filière scientifique, ayant obtenu une «bonne» moyenne au bac et ayant, eux-mêmes, choisi de poursuivre telles ou telles études, ont beaucoup de difficultés à avoir le diplôme et avec quelles connaissances et quel réel niveau ils quittent l'université ? Les étudiants auxquels je me suis intéressé sont ceux ayant obtenu le bac de la filière scientifique. Ces étudiants arrivent à l'université avec une moyenne du bac autour de 13/20 ; théoriquement, des étudiants capables de réussir sans trop de difficultés. Mais, hélas, ce n'est pas le cas. Je vais tenter d'expliquer pourquoi, en ciblant les éléments- causes suivants : 1- La langue d'enseignement des matières scientifiques Je ne m'aventurerai pas à polémiquer sur les langues et leur portée, leurs domaines d'utilisation et d'utilité respectifs car, tout simplement, je ne suis pas linguiste, bien que j'aie mon avis là-dessus. Mais je possède un avantage de taille, que je partage avec la majorité de ceux qui font ce métier, le terrain. Les 2/3 des étudiants composant une section de 150 individus de première année sont déconnectés du cours rien que par rapport à la langue. Pendant les années supérieures, le constat est le même. Que l'on ne me dise pas que c'est juste une affaire de terminologie (qui n'existe pas), le passage de la langue arabe à la langue française !! Voici un exemple du vécu : la production scientifique utilise, dans sa grande majorité, la langue anglaise (ceci n'est pas dû au fait que la langue française ne peut pas assurer ce rôle mais, en temps que scientifique, si vous souhaitez être lu dans le monde, vous avez intérêt à écrire en anglais ; c'est la langue la plus utilisée sur la planète). Prenons l'exemple d'un étudiant qui vient de commencer sa thèse de doctorat. La documentation et les articles de recherche nécessaires à la découverte de son travail sont, en général, écrits en anglais. Nous avons remarqué que, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, cet étudiant va voir très souvent son directeur de thèse rien que par rapport à la langue : ceci pour passer du français à l'anglais !! Il y a plus de 50% de vocabulaire scientifique commun aux deux langues. Que dire, alors, du passage de la langue arabe à la langue française ! Elles n'ont rien de commun. 2- Le bac : pour l'élève-candidat, avoir le bac est une fin en soi Le contenu de l'épreuve de mathématiques du bac scientifique (j'imagine que c'est le même scénario pour les autres filières), depuis des dizaines d'années, a la même structure, à savoir un exercice sur les suites, un autre sur les nombres complexes, un troisième sur la géométrie dans l'espace et un quatrième sur l'étude des fonctions. L'élève-candidat, pour préparer l'examen, se met à la recherche d'épreuves des bacs des années précédentes ; il ne travaille plus sur des livres à contenus plus étoffés, des ouvrages du niveau préparant ce dernier à l'université mais sur des livres parascolaires, pas toujours réussis, souvent pleins de fautes, dans lesquels il trouve, sur mesure, ce qu'il recherche. Et pour mieux assimiler ces quatre chapitres sur lesquels porteront les épreuves du bac, on se trouve des cours supplémentaires ; ce qui est à la mode depuis un certain nombre d'années. On entend çà et là que tel enseignant excelle dans cette besogne, garantissant même les meilleures moyennes au bac à ses élèves. Mais en fait, de quoi s'agit-il ? Cet enseignant va tenter de «spécialiser» l'élève, en utilisant toutes les combines d'apprentissage d'exercices, puisque l'on connaît à l'avance les thèmes d'examen. De ce fait, l'élève n'est pas préparé à être un bon étudiant mais, strictement, à avoir le bac ; cela devient une fin en soi. Sinon, pourquoi cet élève, devenu étudiant, peine-t-il à réussir les premiers examens à l'université ? Eh bien, parce qu'il n'a pas été préparé à réfléchir mais à reproduire ce qu'il a déjà vu (avoir le bac oblige !), à quelque chose près. Pour réussir à l'université et avoir un niveau universel, il n'y a aucun miracle, il faut juste travailler comme on travaille dans toutes les universités du monde. Pour cela, l'étudiant nouveau, fraîchement bachelier, vient avec un maximum de connaissances (le cours sur les probabilités, par exemple, n'est jamais enseigné au lycée !) et un esprit de réflexion et non d'apprentissage (les deux sont nécessaires mais l'un ne se substitue pas à l'autre). Allons de l'avant. Initions des réformes utiles et efficaces. Ayons un meilleur produit fini de l'université ; nos étudiants sont jugés par rapport à leur niveau partout où ils vont, dans la rue, à la poste, au travail, au sein de leur famille, à l'étranger, etc. Remettons-nous en cause. On juge une pratique, un système, par son produit fini. Jugeons, honnêtement, notre système éducatif, rien que par rapport à la qualité de nombreux diplômés de notre école. B. S. * Enseignant chercheur au département de mathématiques, université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou.