Aujourd'hui, les enseignants contractuels, les «Marcheurs» de Béjaïa, pour reprendre la désignation populaire, qui ont entamé depuis dimanche passé leur marche vers Alger pour exiger leur intégration, sans condition, dans le corps d'enseignants permanents, franchiront, au niveau de Réghaïa, la limite administrative de la wilaya d'Alger. Ils comptent rejoindre la capitale dans la journée pour boucler leur longue marche nationale sur 4 wilayas. A vue d'œil, le nombre des marcheurs s'agrandit de jour en jour. Hier, ils étaient en effet plus nombreux que la veille de leur arrivée à la wilaya de Bouira. A leur entrée dans la wilaya de Boumerdès, ces enseignants contestataires n'ont trouvé aucune écoute de la part des autorités. «Nous avons attendu la tombée de la nuit pour forcer les portes du lycée d'Aït Amrane et fournir un abri aux marcheurs. Ce lycée appartient au secteur de l'éducation, donc aux enseignants. Par ailleurs, il y a lieu de saluer la solidarité de la population d'Aït Amrane qui a aidé les marcheurs en leur fournissant les dîners et les couvertures pour compléter l'apport de notre syndicat», nous a confié Benamara, le président du Bureau de la wilaya de Boumerdès du Cnapest. Effectivement, les responsables des syndicats, particulièrement ceux du Cnapest, n'ont pas quitté leurs collègues. D'ailleurs c'est pratiquement eux qui fournissent la logistique et les indications sur l'itinéraire à prendre. Les contestataires de Ghardaïa sont arrivés quant à eux hier, à la mi-journée. Selon leurs responsables, des enseignants de 40 wilayas sont présents. Les marcheurs ont le mental du premier jour. Toujours aussi alertes et pleins d'enthousiasme. Il suffit d'écouter la panoplie de leurs chants et slogans pour s'en rendre compte. Les marcheurs ont pris le départ du lycée d'Aït Amrane, tôt le matin, pour rejoindre la ville de Boumerdès après un périple d'une vingtaine de kilomètres. Arrivés à la ville de Boumerdès, ils ont observé religieusement une minute de silence à la mémoire des martyrs du pays après avoir chanté le premier refrain de «Kassamen». Ils se sont par la suite dirigés vers la Direction de l'éducation (DE) pour organiser un sit-in. Les portes de la DE étaient closes et un cordon de policiers y a été déployé. Les marcheurs ont entamé leurs chants de contestation et de revendication. «Ikhouani la tensaou les enseignants victimes des décisions administratives.» Une traduction du fameux chant patriotique «Ikhouani la tensaou Echouhada». «Assa Azeka El idmadj Yella Yella.» «Citoyens témoignez, c'est une marche pacifique menée d'une manière civilisée.» «La protestation est notre moyen, l'intégration est notre objectif.» «Bouteflika chouf chouf l'enseignant est marginalisé.» D'autres slogans ont été également entendus. Certains ont pris la parole pour réitérer leur revendication. Concernant les informations rapportées par certains médias au sujet des tractations sur ce dossier entre le département de Benghebrit et la Fonction publique, les marcheurs de Béjaïa restent fermes. «Nous voulons l'intégration sans condition. Nous sommes prêts à tous les sacrifices pour faire aboutir notre revendication qui est tout à fait légitime. S'il faut faire une grève de la faim, nous la ferons le temps nécessaire», disent-ils unanimement. D'ailleurs ils sont décidés à entamer ce «jeûne contestataire» là où les services de sécurité les empêcheraient de se diriger vers leur destination finale se trouvant dans la capitale. L'Etat fait travailler illégalement des enseignants Nous avons accosté un enseignant de Bordj-Bou-Arréridj pour nous expliquer une autre fois les motifs de leur marche. Inimaginable, l'Etat algérien fait travailler illégalement ses administrés. «Je ne suis pas payé depuis 4 années. Je n'ai même pas droit à la sécurité sociale. Par ailleurs toutes les primes destinées aux enseignants ne sont pas attribuées aux contractuels dont certains ont la responsabilité des classes qui préparent le bac», dira-t-il. Le même enseignant marcheur n'a pas manqué de dénoncer des médias proches du Pouvoir, connus pour leurs manipulations lorsqu'il s'agit de revendications qui dérangent les pouvoirs publics. Il dira à ce propos : «Nous lançons un appel à certains partis et certains médias qui exploitent cette revendication et qui ne rapportent par la vérité. Nous, nous demandons l'intégration sans condition et ces médias nous ont fait dire que nous acceptons le décompte des années d'expérience pour passer le concours. Ce qui est faux. Nous n'avons aucune relation avec la politique ni avec les partis politiques. Nous sommes des enseignants et notre revendication est celle des enseignants. Sans plus. Nous revendiquons l'intégration. Nous n'avons aucune autre revendication.» D'ailleurs des marcheurs nous ont affirmé que les journalistes d'une chaîne de télévision privée ont été chassés et empêchés d'approcher le cortège. Dans l'après-midi, le cortège a quitté les alentours de la Direction de l'éducation de la ville du chef-lieu de la wilaya pour se diriger vers la ville de Boudouaou, à une dizaine de kilomètres de Boumerdès, où les marcheurs passeront la nuit. La ville de Réghaïa qui est dans le territoire de la wilaya d'Alger n'est qu'à environ 5 km de Boudouaou.