Même modestement, la wilaya de Boumerdès a fêté le Printemps noir et le Printemps berbère. Elle ne s'est pas marginalisée de cette commémoration/revendication comme l'ont malheureusement fait les animateurs politiques et culturels de la cause amazighe. Hier à Boumerdès, plusieurs dizaines d'étudiants de l'Université M'hamed- Bougara ont organisé une marche pacifique. Cette action-marche, nous l'avions décidée la toute dernière minute. Nous tenions effectivement à marquer cet événement à Boumerdès», nous dira l'un des organisateurs. wEn effet, aucune information ne nous est parvenue avant cette action. Les manifestants ont entamé leur marche depuis la faculté des sciences du campus sud de l'université en chantant «Azoul fellaoune ! Boumerdès imazighen !» (Salut à vous ; Boumerdès est amazighe). Histoire de secouer un peu la léthargie politique et culturelle dans laquelle est plongée la ville du Rocher-noir et, peut-être, une réponse aux animateurs du Mouvement amazigh qui n'ont pas daigné associer cette partie de la Basse Kabylie à l'appel aux marches de protestation et de revendication lancé à Béjaïa, Bouira et Tizi-Ouzou. En cours de chemin pour rejoindre la Faculté des sciences et de chimie, les manifestants ont repris tous les slogans de protestation et de revendication comme le célèbre «Ulac smah ulac.» Devant le siège de la cour de justice de Boumerdès, dos tourné à l'institution, ils ont observé un cours sit-in en scandant «Justice sociale.» Plusieurs jeunes filles vêtues d'habits traditionnels donnaient un cachet festif et un charme à cette marche. Elles portaient une banderole sur laquelle on pouvait lire «Gloire à nos martyrs» et le célèbre emblème des Amazighs. Après avoir quitté la Faculté cité plus haut, les marcheurs sont arrivés devant l'entrée officielle de la wilaya pour observer une minute de silence, toujours donnant le dos à l'institution, à la mémoire de tous les martyrs de la démocratie. Un étudiant a pris la parole pour dire : «Aujourd'hui, nous ne remettrons pas de déclaration aux autorités locales. Nous sommes sortis pour dénoncer la répression et les assassinats politiques. Nous célébrons nos martyrs de 1980 et du Printemps noir. A cette occasion, nous réitérons nos revendications qui se résument en trois points : reconnaissance de tamazight langue nationale et officielle et reconnaissance de la dimension berbère de l'Algérie, instauration d'une journée fériée à l'occasion du 20 Avril et l'ouverture d'un département de langue et culture amazigh à l'université de Boumerdès.» Par la suite, les manifestants ont quitté les lieux dans le calme. A noter que de nombreux policiers en tenue et en civil et des agents du DRS encadraient la marche. A Dellys, des dizaines de lycéens ont également marché. Eux aussi, même s'ils n'étaient pas en grand nombre, mais armés de leurs convictions et de leur énergie juvénile, ont dénoncé la répression, le déni d'identité et revendiqué la liberté et la démocratie. Ils sont l'avenir rassurant du Mouvement amazigh. Par ailleurs, durant la journée d'hier, les enseignants de Laâziv et les fonctionnaires de la municipalité de la ville en question et ceux de la ville de Timezrit dans la même wilaya n'ont pas travaillé. «A Laâziv, c'est désormais une tradition qui date d'avant mon arrivée à la tête de la commune. Pour la population, le 20 Avril est férié», nous dira le maire, Boualem Chemala. Les lycéens de Dellys et les étudiants de Boumerdès ont, à travers leurs actions, lancé un message aux animateurs, qu'ils soient politiques ou culturels, du Mouvement amazigh. Il ne faut pas prendre le risque de confiner tamazight dans un ghetto. Tamazight a besoin d'autres espaces. Elle vit dans d'autres espaces autres que la Haute Kabylie.