Hier, les enseignants protestataires, venus des quatre coins du pays, ont été empêchés de marcher vers la capitale. Ils ne désarment pas et maintiennent leur mouvement de protestation. En effet, au neuvième jour de la marche nationale des enseignants contractuels qui revendiquent l'intégration sans condition au sein du corps des enseignants, les marcheurs entamaient leur grève de la faim illimitée comme ils l'avaient décidé auparavant. «Nous observerons la grève de la faim là où les services de sécurité nous barreraient la route menant vers Alger», nous a confié le coordinateur général de ce mouvement de protestation à Ammal lorsque les marcheurs sont entrés dans la wilaya de Boumerdès. De leur côté les services de sécurité ont mis le paquet pour mobiliser d'énormes moyens répressifs entre forces de police et gendarmes. Ces forces de sécurité ont été installées à trois endroits différents. Les policiers ont barré la route aux marcheurs dès leur sortie du lycée Mohamed-Gouigah de Boudouaou où ils ont passé la nuit dans des conditions très difficiles. Le plus important barrage est érigé à la limite du territoire d'Alger sur la RN reliant Boudouaou (Boumerdès) et Réghaïa (Alger). A cet endroit, des centaines de gendarmes sont en position-prêts à charger. D'autres renforts policiers sont stationnés dans un quartier de la ville de Réghaïa. Par ailleurs des menaces sont proférées contre les marcheurs. Au début de l'après-midi d'hier, des informations distillées à dessein commençaient à parvenir aux marcheurs. Ces informations stipulaient que ceux qui ne rejoindront pas leurs postes de travail dès demain (aujourd'hui) verront leurs contrats résiliés. Mais ces informations n'ont pas entamé le moral des grévistes de la faim. Au niveau du système répressif mis en place, nous avons appris que les policiers de Boumerdès n'attendent que les ordres pour agir. Ils projettent d'arrêter les principaux meneurs de ce mouvement. D'ailleurs, des femmes policières sont présentes en nombre sur les lieux certainement pour s'occuper des enseignantes grévistes. Dans l'après-midi rien ne bougeait. C'est le stand-by. Mais les syndicalistes du Cnapest et les observateurs se trouvant sur place ne se font aucune illusion : les policiers n'attendent que la nuit, une fois les journalistes partis pour passer à l'action. Du côté du soutien, nous avons appris que dans la nuit du dimanche des responsables de partis politiques ont rendu visite aux marcheurs pour leur signifier leur soutien. Durant la journée d'hier, les manifestants ont reçu Amira Bouraoui, l'animatrice du Mouvement Barrakat, né pour s'opposer au quatrième mandat de Bouteflika qui s'est déplacée à Boudouaou pour les soutenir. «Je suis venue soutenir la cause juste de ces enseignants. Ces enseignants nous donnent, par leur comportement exemplaire, une leçon sur le combat de la citoyenneté. Je ne comprends pas, par ailleurs, que l'on interdise à des Algériens le droit d'entrer dans la capitale du pays qui est une cité algérienne. Quelle que soit la suite des événements on ne peut que considérer que ces enseignants ont gagné la sympathie des Algériens», nous-a-t-elle déclaré. Dialogue renoué à la dernière minute avec la ministre A la suite de la médiation de députés membres de la commission de l'Education de l'Assemblée populaire nationale (APN), la ministre de l'Education nationale a accepté de recevoir dans son bureau une délégation de 5 membres des grévistes. Hier donc, en fin de journée, cette délégation s'est dirigée vers la capitale. Ces représentants sont partis assez tard, on n'en sait pas plus à l'heure du bouclage. Abachi L. La veillée d'armes des protestataires Boudouaou, dimanche 20 heures 30, la tentative de la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit Remaoun de convaincre les enseignants contestataires de mettre fin à leur marche nationale et de s'inscrire sur les listes des candidats au concours de recrutement des enseignants et d'attendre un éventuel accord de la Fonction publique pour la revalorisation de leur expérience afin de l'intégrer dans les paramètres de notation de ce concours, a échoué. Pour tenter de convaincre les manifestants, la ministre a dépêché une délégation que présidait son chef de cabinet Abdelwahab Gellili. Ce dernier, après le refus des enseignants de le rejoindre à la salle de réunion, a fait une déclaration aux journalistes encore présents. Au final, le conférencier n'a fait que reprendre les déclarations anterieures de sa patronne disant que l'expérience acquise par les enseignants sera revalorisée et leur permettra d'obtenir des points supplémentaires lors de la correction des épreuves du concours de recrutement des 28 000 enseignants. A notre question sur la méthode technique afin de revaloriser concrètement cette expérience, le chef de Cabinet est resté évasif. Il n'a pas manqué, à l'occasion, de menacer les enseignants contestataires de licenciement disant qu'il y a, à travers le pays, plus de 496 000 candidats inscrits au concours et que la loi interdit le recrutement dans la Fonction publique sans concours. En conclusion, nous avons quitté cette conférence avec la nette impression que la décision de mettre fin, par tous les moyens, à cette entreprise de ces enseignants contractuels, a été prise en haut lieu échappant à la maîtrise de la ministre Benghebrit. Il semblerait, par ailleurs, que les autorités du pays aient décidé de mettre fin à une action pacifique qui risque de faire tache d'huile, d'atteindre d'autres secteurs et de montrer aux jeunes la manière de revendiquer de manière solidaire et sans violence en y mettant de la persévérance, de la solidarité et en y consentant des sacrifice. Quant aux enseignants marcheurs, ne voyant rien venir de palpable, ils ont adopté une déclaration disant «nous refusons la négociation sans la prise en charge de l'intégration des enseignants contractuels sans condition». Cette déclaration a été connectée, vers 19 heures 30, par les coordinateurs de wilayas qui se sont réunis, à huis clos dans une classe du lycée Mohamed-Gouigah de Boudouaou, avant de la faire avaliser par l'ensemble des marcheurs. Les enseignants ont donc refusé d'entrer dans la salle de réunion où était installée la délégation envoyée par Benghebrit. La convocation, en nombre, des medias du gouvernement ou ceux privés qui lui sont proches – certains n'ont soufflé mot depuis la semaine que dure cette marche et d'autres ont soulevé l'ire des marcheurs qui les accusent de déclarations mensongères pour couvrir cette rencontre avortée qui servira probablement à prendre à témoin l'opinion publique sur l'intransigeance des enseignants avant de passer à la répression. Les responsables du Cnapest ne cachent pas leurs craintes. Retour sur une fin de journée agitée La fin de l'étape de Boumerdès de la marche nationale des enseignants contractuels qui exigent leur intégration au corps des enseignants permanents a été riche en événements. En effet, après avoir effectué, dimanche, une marche d'environ 30 kilomètres entre la ville d'Aït Amrane dans l'est de Boumerdès et celle de Boudouaou, où ils sont arrivés extenués (trois évacuations par la Protection civile pour évanouissements), les marcheurs sont passés par les villes de Thénia, Tidjelabine, le chef-lieu de wilaya où ils ont observé un sit-in devant la direction de l'Education (DE) et l'agglomération de Corso pour aboutir au lycée Gouigah de Boudouaou. Sur place, ils ont constaté le changement de comportement des autorités. La veille, ils ont été complètement ignorés par ces mêmes autorités. Durant la journée, ils ont observé une halte de contestation devant la DE de Boumerdès dont les portes étaient fermées et placées sous bonne garde policière. A Boudouaou, les médias publics et privés proches du pouvoir ont patienté jusqu'au début de la nuit espérant devenir les témoins de la fin d'une époque avec un succès à imputer aux hauts responsables du pays. Ils sont repartis sans rien à se mettre sous la dent.