8 jours de marche sans discontinuité et 6 jours de grève de la faim passés sous la pluie et le froid, soit 14 jours de protestation commencent à avoir de l'effet sur les corps de certains grévistes mais pas sur leur moral ni leur détermination. «Nous marchions chaque jour de 8 heures du matin jusqu'à 18 heures et parfois jusqu'à 20 heures, avec de courtes haltes pour reprendre notre souffle», précise un jeune gréviste de Béjaïa. Justement, hier au moment de notre arrivée au quartier du Plateau à la périphérie ouest de la ville de Boudouaou, l'ambulance de la Protection civile venait de démarrer. Une jeune femme a été évacuée vers une structure sanitaire de la localité pour épuisement. La veille – dans la nuit de jeudi — 2 autres grévistes femmes ont été également évacuées en urgence pour épuisement. «Depuis notre arrivée dans la wilaya de Boumerdès, nous avons enregistré 23 évacuations, soit pour épuisement, soit pour des blessures aux pieds», nous précisera Saïd, le coordinateur de cette protestation. Une autre nuit rude attend par ailleurs les grévistes puisque dans l'après-midi d'hier, un orage a éclaté et la pluie a repris de plus belle. Arrêtons-nous un moment au sujet de la santé de ces enseignants qui ont déclenché une protestation totalement pacifique pour réclamer leur intégration dans le corps des fonctionnaires de l'Education nationale. Ces derniers s'étonnent de l'absence d'actes de solidarité des associations de médecins de la région. Et pourtant, ils en ont grand besoin. Ces médecins ont-ils peur des représailles de la part des autorités, lesquelles autorités avaient, rappelons-le, interdit, mardi au Croissant-Rouge algérien (CRA) de donner quelques couvertures pour protéger les femmes grévistes de la pluie et du froid ? Une autre inquiétude nous a été exprimée ; la compassion envers leurs compatriotes en difficulté de santé fait-elle défaut à ces médecins engagés par le serment de porter secours aux humains ? En tout cas, les grévistes puisent leur force dans leur détermination, leur solidarité à toute épreuve et leur méthode de lutte expurgée de toute animosité et toute forme de violence, mais surtout de l'acceptation d'endurer des souffrances. «La solidarité des citoyens nous donne de la force», estime Hanane. Fort heureusement, cette solidarité s'exprime de jour en jour. Hier, les enseignants et les citoyens de Béjaïa ont envoyé un chargement de couvertures et de matelas et une somme de 24 500 dinars pour faire face à des dépenses comme les médicaments. Nous avons aussi rencontré des citoyens venus de cette ville jusqu'à Boudouaou pour exprimer leur soutien et leur solidarité aux grévistes. En plus de ce soutien matériel de la part des Bougiotes, il y a lieu de rappeler que les enseignants des trois paliers de cette wilaya ont, en cours de semaine observé une journée de protestation par solidarité avec leurs collègues. Hier, nous avons abordé Messaoud Boudiaba, membre de la Direction nationale du Cnapest, chargé de la communication de ce syndicat présent, sur les lieux de la grève de la faim. Il y a lieu de noter que la Cnapest est tout à fait aux côtés des grévistes depuis le début. Depuis l'entrée des marcheurs dans la wilaya de Boumerdès, à aucun moment nous n'avons relevé une tentative de récupération de la protestation de la part de ce syndicat. Au sujet de la rencontre entre la ministre de l'Education nationale Nouria Benghebrit Remaoun et les syndicats du secteur, Boudiba nous a fait part de l'échec de cette rencontre. «La ministre a demandé aux syndicats d'essayer de convaincre les grévistes d'accepter sa proposition concernant l'attribution des 6 points relatifs au calcul des moyennes du Concours national pour le recrutement des 28 000 enseignants et de mettre fin à leur action. Le Cnapest a dit qu'il n'a pas le droit de se substituer aux concernés. Nous disons qu'ils sont les mieux placés pour défendre leurs intérêts. A la fin de cette réunion, des syndicats proches de l'administration nous ont proposé de rédiger au sujet de cette grève un communiqué commun. Nous avons refusé.» Ce syndicat, rappelons-le, réunit son Conseil national aujourd'hui. Il est certain que cette pénible affaire des contractuels occupera une place de choix lors des délibérations de cette instance. Concernant précisément l'éventuel appel à une grève générale au niveau national pour soutenir les contractuels en conflit avec leur tutelle, Boudiba reste évasif mais il a tout de même fait une observation. «Vous avez certainement suivi l'actualité et noté le nombre de protestations au niveau de certaines localités. C'est probablement une tendance qui se dessine». En clair, une position plus musclée du Cnapest n'est pas à exclure.