Le plasticien algérien Noureddine Ferroukhi célèbre le désir et revisite avec un œil neuf les mythes et traditions amoureux du Maghreb et de la Méditerranée dans «Brin d'amour», sa dernière exposition personnelle inaugurée vendredi à Alger. Absent de la scène artistique algérienne depuis 2008, Noureddine Ferroukhi expose jusqu'au 22 avril à la galerie El-Yasmine (banlieue d'Alger) une trentaine d'œuvres, réalisées entre 2010 et 2015, où l'expression picturale de l'amour se manifeste par la profusion des motifs et l'univers fantastique déployé dans des tableaux d'apparence figurative. Entre acryliques sur toile de format moyen et séries de petites encres et acryliques sur papier, ces œuvres évoquent des mythes comme ceux d'Eros et d'Orphée, des états comme la nostalgie et la jalousie ou encore des traditions nuptiales du Maghreb telles que le bain et la toilette de la mariée. Fastueux par leurs couleurs et impressionnants de minutie par la richesse de leurs détails, ces tableaux tirent également leur puissance dans la capacité à proposer une narration au visiteur, un fort potentiel de suggestion remarqué par des connaisseurs présents au vernissage de l'exposition. Cela s'illustre par exemple dans Le baiser, un acrylique sur toile où un couple entouré d'oiseaux étranges est épié par une femme derrière un rideau, ou encore dans Nostalgie du matin où un homme avec une chéchia et une canne est adossé, pensif, à une colonne entourée par un serpent, tandis qu'une femme de taille plus petite apparaît à gauche du tableau. L'invitation à la rêverie se trouve d'ailleurs renforcée dans les toiles qui renvoient aux grands mythes amoureux du bassin méditerranéen et plus encore dans les séries d'encres sur papier où les personnages hybrides, animaux et humains, sont entourés de fragments de textes et de symboles divers. Avec cette démarche esthétique, Noureddine Ferroukhi dit avoir voulu «détourner des images universelles de l'art occidental», en reprenant son utilisation des mythes dans la représentation de l'amour en peinture avec des référents du «patrimoine arabo-musulman». «Nous avons plus de facilité à dire l'amour dans d'autres arts comme la musique ou la danse qu'à travers l'image», note cet enseignant de l'histoire de l'art qui qualifie ses travaux de «travail de suggestion» et de représentation de l'amour au sens «sacré» du terme. Evoquant cette nouvelle exposition, éloignée de ces précédents travaux d'installations en Europe, l'artiste parle de «défi» de retourner à la peinture, une expression qu'il estime en voie de disparition dans l'art contemporain. Enseignant à l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger, Noureddine Ferroukhi compte à son actif de nombreuses expositions collectives en Algérie, en Europe et dans d'autres pays du Maghreb ainsi que cinq expositions personnelles depuis 1986. En 2001, il fonde avec d'autres plasticiens algériens (Sergoua, Hellal, Bouras) le groupe Essabaghine qui plaidait pour le «renouveau de l'art algérien» et l'indépendance des artistes au lendemain de la décennie 1990 de violences terroristes.