Il y a 3 000 ans, la reine de Saba avait soumis au roi Salomon quelques énigmes très difficiles à déchiffrer. Balkis voulait éprouver la légendaire sagesse du souverain... Exemple d'énigme proposé : dans le désert, qu'est-ce qu'on boit, qui nous désaltère et qui ne vient pas de la pluie ? Réponse prompte du roi Salomon : la sueur du cheval. La reine de Saba est séduite. Fériel Kouadria est partie sur les traces de cette mémoire millénaire. Bien sûr, cette histoire représente, pour l'artiste, plus qu'une légende à valeur métaphorique. C'est surtout une féconde opportunité de poursuivre sa quête de perfectionnement — jamais assouvie — et que la part d'enfance ne peut combler à elle seule. Sur les chemins de la création, l'artiste veut faire en sorte que jamais les pieds ne claudiquent le mythe et la légende pouvant aider à marcher d'un pas sûr. Fériel Kouadria ne part pas dans l'inconnu, elle a déjà acquis une belle assurance après avoir exploré les territoires de Balkis et de Shéhérazade lors de précédentes expéditions/ expositions. L'épopée de ses héroïnes «orientales» continue de l'émerveiller, de la fasciner. Aujourd'hui repartie en voyage dans ce monde mystérieux, elle avance un peu plus sereine. Elle sait qu'elle a enfin assuré cet équilibre, cette complémentarité positive qui, dans la toile, font collaborer harmonieusement le cœur, l'imagination et l'émotivité avec l'esprit et la raison humaine. Quoique le cœur bat à chaque fois plus fort dans la perspective de nouvelles découvertes. Comme une âme adolescente... Les énigmes de la reine de Saba couronnent les retrouvailles de l'artiste et de Balkis, son inspiratrice. Cette dernière exposition se tient à la galerie Art 4 You (Sacré-Cœur, Alger) jusqu'au 31 janvier 2014. Feriel Kouadria présente en tout 37 tableaux. Des œuvres nouvelles pour la plupart, notamment les acryliques. Le public est convié à (re) découvrir avec beaucoup de plaisir un univers pictural riche, complexe et libéré de toute entrave. Un art qui exprime la soif de toutes les libertés et mis au service des valeurs humaines les plus nobles. La rencontre avec la reine de Saba vient s'inscrire, cette fois encore, dans le délicat processus de ressourcement de l'imaginaire entamé par l'artiste il y a bien longtemps. Depuis, le langage métaphorique, analogique et spatial véhiculé par la peinture de Feriel Kouadria coule de ce don ailé de la faculté créative (de l'éternelle jeunesse créative) et éclate en feu d'artifice sur chaque toile. Le travail et le talent de l'artiste ont alors la faculté de ressourcer le propre imaginaire du visiteur qui, à son tour, part avec émotion à la rencontre de Balkis et du roi Salomon. D'un tableau à un autre, l'exposition se transforme en un riche et charmant voyage sur un tapis volant, ce tapis d'Orient dont Shéhérazade a tissé les fibres de l'éveil poétique... Son imagination devenue exubérante, le visiteur se met à rêver et à puiser dans une réserve fabuleuse. Les Mille et Une Nuits... Certaines toiles se lisent comme des contes fantastiques : Le récit sacré (40x60 cm, aquarelle), Cassiopée (32x50cm, aquarelle), La caravane bleue (45x65cm, mixte), Le trône de rubis (32x48cm, aquarelle), L'arc perdu (60x80cm, peinture à l'huile), Le trésor de Makeda (38x55cm, aquarelle), La prairie des gazelles (45x65cm, mixte), etc. Ici, la flamme de l'imagination du visiteur va ressembler à la flamme d'une bougie : toujours la même pour exprimer émerveillement, curiosité, étonnement, espoir, réceptivité... Des toiles qui s'adressent d'abord au cœur et à l'affectivité. Quoique dévoilé par bribes, le sens, lui, reste ouvert à toute approche et à toute interprétation. La peinture imaginative de Fériel Kouadria donne vie à des personnages fabuleux, mais qui pourraient être bien réels et contemporains. Elle crée des situations où l'histoire se confond avec la légende. Un art qui restitue des ambiances des atmosphères où l'extravagance surréaliste reste cependant tempérée par l'intelligence froide et l'esprit critique du peintre. Tout est là, en effet : une extrême sensibilité et des états d'âme, mais aussi le combat qui continue. La recherche métaphysique, la soif d'absolu et l'amour de la liberté peuvent alors déployer leurs ailes dans un temps démesuré. C'est ainsi que le passé nostalgique, même parcheminé et nourri des voix de l'enfance, se fracture et se libère invariablement au contact du réel et des réalités présentes. Balkis (de même que toutes les femmes qui peuplent les toiles) se trouve au centre du miroir et que l'artiste traverse à sa guise, car réfléchissant avant tout ses folies et ses frustrations, ses chimères et ses fantasmes. La reine de Saba, un (autre) autoportrait ? Elle est assurément l'éternelle Eve, la matrice qui réinvente le monde. Fériel Kouadria a une vision d'un monde plus juste, plus humain. «A travers ma peinture, je cherche à délivrer un message humaniste empreint de poésie. Ce ne peut être qu'une modeste contribution pour aider à réconcilier le genre humain, les races et les religions», fait-elle remarquer. Ses œuvres chantent la femme gardienne de la mémoire, la femme tisseuse de vie. Il est vrai que, en se libérant, la femme accouche de toutes les libertés. A l'exemple de la reine de Saba. Il y a 3 000 ans, elle était partie sur le chemin de la sagesse et, avec le roi Salomon, elle traitait d'égal à égal... Dans l'espace démembré de la toile, le lieu de toutes les complexités, l'artiste a créé une délicate et puissante alchimie autour de ce personnage central. C'est là que s'enchevêtrent d'autres figures, des signes, des symboles, des jardins, des oiseaux, des mosquées, des temples, des églises, des corps cambrés... Le fouillis semble inextricable, l'ensemble donnant parfois un effet de miroirs paraboliques, hyperboliques ou démultipliés. Le miroir magique de Feriel Kouadria a alors cette capacité de nous émouvoir, de nous enchanter, de nous faire peur parfois lorsque l'on sent l'appel du gouffre. Impression d'effectuer une plongée en apnée dans des eaux froides, profondes... L'omniprésence du bleu (toutes sortes de bleus) accentue pareille atmosphère, même si les couleurs chaudes (ocre, rouge...) apportent des nuances plus douces. Le graphisme de Feriel Kouadria donne surtout l'impression de compositions aussi fragiles que du verre de cristal. Toutes ces impressions ressenties ont une explication très simple : l'artiste peintre maîtrise parfaitement ses techniques. La peinture à l'aquarelle, l'acrylique, les pastels, la lithographie et la peinture à l'huile n'ont pas de secret pour elle. Diplômée des beaux-arts (en Algérie et à l'Ecole supérieure des beaux-arts de Paris), elle a même appris l'infographie multimédia. Fériel Kouadria expose régulièrement depuis l'année 1987. Les dernières œuvres qu'elle présente à la galerie Art 4 You invitent à un merveilleux voyage. Pour mieux savoir le monde.