Un nouvel espace d'exposition vient de voir le jour à Alger. Cette annexe du Théâtre national algérien baptisée la «TNA Gallery» a été ouverte samedi dernier en présence de la ministre de la Culture Mme Nadia Labidi et des huit artistes exposants. La naissance d'une nouvelle galerie d'art est loin d'être un événement anodin dans un contexte délétère où les espaces d'exposition se font de plus en plus rares. La «TNA Gallery» a ouvert ses portes à la mythique rue de la Lyre (actuellement rue Bouzrina), en plein quartier populaire. Cette exposition inaugurale intitulée «Hors Champ» réunit huit artistes dont deux photographes. La plupart sont reconnus depuis au moins vingt ans. Parmi eux, l'artiste-plasticien Hellal Zoubir qui surprend par un procédé quasiment inédit où différentes techniques s'entremêlent pour exprimer un point de vue à la fois critique et sarcastique sur un phénomène social. Il s'agit d'un mélange aussi insolite qu'harmonieux entre photographie, huile-acrylique, bois et carton qui donne naissance à deux œuvres éloquentes et admirablement agencées où l'on voit le cadre d'une fenêtre en bois derrière lequel une jeune femme souriante arborant le fameux geste publicitaire américain des années 1950 «We can do it». La même attitude est adoptée par un jeune homme dans le deuxième tableau. Il ressort clairement de ce diptyque une volonté de détourner les codes sociaux au profit d'une lecture décalée et narquoise mais aussi un réel renouveau dans le style même de Zoubir Hellal malgré certaines similitudes avec son exposition «Antar et Abla», dans les années 1990. Plus loin, on passe à la photographie avec l'un des artistes les plus talentueux de sa génération qui fait également des miracles au cinéma où il collabore souvent comme directeur-photo. Nasser Mdjkane propose trois clichés en noir et blanc où l'on retrouve sans difficulté l'acuité du regard et l'esthétique parfois glaciale propres à l'artiste. La première photo représente deux visages coincés dans l'encadrement étroit de la lucarne d'une porte. On comprend très vite qu'il s'agit de deux patients d'un hôpital psychiatrique, un lieu dont Medjkane fut le premier à témoigner de l'univers maussade et néanmoins profondément humain. Comme à l'accoutumée, l'artiste parvient avec maestria à créer une sémiotique dépassant de loin la signification intrinsèque du thème photographié car, dans cette atmosphère désolée et rigide, ces deux personnages détonnent et font un pied-de-nez aux préjugés véhiculés sur leur condition : l'un nous fixant d'un regard calme, puissant et extrêmement riche en expressions paradoxales, tandis que l'autre, en arrière-plan, plus âgé et plus marqué, semble interroger autant le photographe que le spectateur... Dans le deuxième portrait, on change de lieu mais on y trouve toujours cette «obsession» de l'artiste pour le langage facial : une dame sur une terrasse, lèvres hésitant entre le sourire et la moue, semble à la fois regarder au loin et fixer le photographe. Enfin, le troisième cliché et un plan large sur une rue d'Alger traversée par un vieil homme qui, lui, toise l'objectif dans une attitude ambiguë dont on ne sait si elle est réprobatrice, curieuse ou carrément dédaigneuse. Malek Salah, également commissaire de l'exposition, est fidèle à son style dépouillé, tout en nuances métalliques, où le gris, le noir et le blanc créent une atmosphère tantôt austère tantôt céleste qui métaphorise et sublime ce que l'artiste appelle «l'émergence du verbe». Quant à Adlene Samet, fraîchement diplômé de l'Ecole des beaux-arts d'Alger, il s'inscrit dans le registre du «grotesque» avec son univers très coloré où surgissent des personnages improbables, mi-réels, mi-mythologiques. Son graphisme foisonnant mais loin d'être surchargé révèle une démarche singulière qui ne manquera pas de s'affiner avec le temps. D'autres artistes exposent également leurs œuvres récentes à l'instar de Karim Sergoua, Rachid Djemaï, Rachid Nacib et Mustapha Nedjai. A souligner que la «TNA Gallery» abrite cette exposition durant trois mois mais elle s'ouvrira à d'autres tendances de l'art pictural algérien et notamment les jeunes artistes. Malgré l'exiguïté de l'espace, Malek Saleh annonce qu'il sera souvent dédié aux expositions collectives pour, explique-t-il, «exploiter les possibilités de cohabitation d'œuvres différentes en soi et de les relier en une proposition cohérente, lisible et déchiffrable».