Le lancement du projet de l'usine Peugeot en Algérie vient d'être reporté hier à «une date ultérieure», selon le ministre de l'Industrie, Abdessalem Bouchouareb. La veille, samedi, jour de repos, une délégation du groupe Sovac a été reçue par ce même ministre qui lui a fait part de sa volonté de la «levée de toutes les contraintes administratives» qui bloquaient l'avancement du projet de Volkswagen dans la wilaya de Relizane. Deux annonces paradoxales et inattendues, l'une comme l'autre et qui ont tout au moins le mérite de venir renforcer la chape de plomb qui pèse de plus en plus sur le secteur de l'automobile dans notre pays. Paradoxales, dans la mesure où pour le premier projet, tous les préparatifs avaient atteint un stade de maturité avancé, selon les précédentes et différentes déclarations de Bouchouareb him-self qui prévoyait même le lancement de la production de l'usine durant l'année 2017 pour une capacité annuelle de l'ordre de 100 000 unités, et 3 modèles, Peugeot 208, Peugeot 301 et Citroën C-Elysée. Domiciliée dans la région d'Oran, cette usine entre dans le cadre d'une association entre le groupe PSA et deux industriels algériens dont le groupe Benhamadi. Annoncée au mois de juin 2015, confirmée en décembre dernier, la signature de l'accord des associés pour le lancement de l'usine d'assemblage des véhicules du groupe PSA Peugeot Citroën était attendue pour ce 10 avril à l'occasion de la tenue des assises du Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français (CIHN) sous la présidence des chefs de gouvernement des deux pays. Un report et des interrogations Pour le second projet, celui de Volkswagen, la situation était tout autre. La visite de la délégation allemande en Algérie, en mars écoulé, a été, rappelons-le, sanctionnée par des déclarations fermes du ministre de l'Industrie sur «l'obligation du groupe allemand de se conformer aux orientations du gouvernement, en s'impliquant directement» dans le projet initié par son partenaire, Sovac, à Relizane pour l'assemblage de 3 modèles, VW Polo Classique, VW Amarok et Skoda Octavia. Ce renvoi pour une nouvelle offre adaptée à ces exigences avait suscité diverses interrogations quant aux motivations réelles de la décision du représentant du gouvernement, d'autant que des projets similaires ont été lancés, dans les mêmes conditions, sans l'implication directe des constructeurs et avec, en prime, le consentement des pouvoirs publics.Inattendues, dès lors que l'opinion publique était largement préparée pour l'annonce de la signature de l'accord pour l'usine de Peugeot que pour une relance aussi rapide du projet de Volkswagen. S'il est vrai que l'Algérie reste le pays des miracles où l'improvisation est érigée depuis des lustres comme mode de gestion, on ne peut en revanche se contenter du simple et lapidaire «non-maturation du projet» annoncé par le ministère de l'Industrie pour justifier le report de la signature de l'accord pour l'usine Peugeot, alors qu'elle était soigneusement préparée des deux côtés et intégrée dans l'agenda de cette session du CIHN depuis plusieurs semaines. Que cache ce retournement de situation ? Il est évident que ce coup de théâtre puiserait ses origines dans la tension extrême qui caractérise actuellement les relations entre la France et l'Algérie suite aux révélations des Panama Papers et la couverture qui en avait été faite par la presse française à travers l'implication directe du ministre de l'Industrie. En relançant le projet de Volkswagen et en mettant au frigo celui de Peugeot, le gouvernement algérien ne voudrait-il pas dire toute sa colère face à cette «campagne de dénigrement» par presse interposée et qui serait appréciée comme une ingratitude, vu les largesses octroyées habituellement aux entreprises françaises ? Ce retournement de situation serait-il conjoncturel ou annonciateur de mutations profondes dans le secteur de l'automobile notamment et quelles seraient encore les conséquences à venir sur le secteur ? Le ministère de l'Industrie ira-t-il jusqu'à favoriser et encourager le projet de Sovac au détriment de Peugeot ? Autant de questions qui s'imposent et pour lesquelles les réponses ne sauraient vraisemblablement tarder. Par ailleurs, il est utile de rappeler que cette décision intervient à la veille d'un autre report probable, celui de la publication des quotas d'importation de véhicules pour l'année 2016 et dont le gros des contingents serait alloué logiquement aux marques françaises, en raison de l'importance de leurs parts de marché au niveau local.