Usain Bolt à l'arrêt : l'image est presque aussi répandue ces dernières années que celle du Bolt triomphant, et la nouvelle blessure du Jamaïcain, de passage chez son médecin allemand pour se requinquer avant le meeting d'Ostrava (République tchèque) vendredi, traduit le vieillissement d'une légende. A peine en piste, déjà blessé : la superstar du sprint a réalisé samedi une rentrée sérieuse aux Iles Caïmans en remportant le 100 m en 10 sec 05/100e. Mais son corps le lui a fait payer : Bolt souffre d'une «blessure à un ischio-jambier aggravée», a expliqué son entraîneur Glen Mills à la radio jamaïcaine Hitz 92 FM. Nul ne sait encore si Bolt sera sur pied pour défendre ses chances à Ostrava vendredi, où le sprinteur aime à effectuer sa rentrée européenne depuis quasiment toujours. Le discours officiel était mardi optimiste: la blessure de Bolt ne devrait pas l'empêcher de s'aligner, toujours selon Mills, qui a précisé que le recordman du monde (9 sec 58) se trouvait entre les mains de Hans-Wilhelm Müller-Wohlfahrt, le médecin munichois qui s'occupe de l'athlète depuis des années. 1,4 cm qui font la différence Bolt/Müller-Wohlfahrt, c'est le ticket-gagnant depuis des années, et voir le sprinteur chez le célèbre praticien est un passage tout aussi normal pour le Jamaïcain que sa présence à Ostrava, si son corps lui permet. L'hiver n'a pas été de tout repos pour le sextuple champion olympique de sprint. Bolt, qui fêtera ses 30 ans le dernier jour des JO de Rio (5-21 août), glisse tout doucement vers le troisième âge du sprint. Il glisse même au sens propre comme au sens figuré : le jour de l'An, chez lui, il a ainsi mis à l'amende sa cheville gauche, avec pour résultat une entorse qui lui a fait perdre à peu près tout l'avantage d'un mois de décembre constructif sur le plan de l'entraînement, révélait-il à L'Equipe en début d'année. A trois mois des Jeux de Rio, toute blessure serait inquiétante pour n'importe quel athlète. Mais Bolt a appris à gérer ces aléas. Depuis tout petit même, puisque le Jamaïcain doit composer avec une différence de longueur d'1,4 cm entre sa jambe gauche et sa jambe droite, qui lui occasionne d'éternels problèmes musculaires. De fait, depuis 2013, soit maintenant trois ans, Bolt n'a jamais plus effectué de saison complète, c'est-à-dire sans blessure. 2014, pic de non-forme Le pic de non-forme a été atteint en 2014, année creuse pour l'athlétisme, sans grand championnat intercontinental. Autant dire une année sans motivation pour Bolt, jamais meilleur que lorsqu'il est poussé par un objectif de médaille. Cette année-là, Bolt a fait une apparition aux Jeux du Commonwealth (or sur 4x100 m) et une exhibition en salle en Pologne. Et puis basta. L'an dernier, en 2015, Bolt a dû batailler ferme pour écrire un peu plus sa légende: aucun 100 m par exemple entre une exhibition exotique à Rio en avril et le dernier meeting avant les Mondiaux de Pékin, celui de Londres fin juillet. Et seulement deux apparitions très poussives sur 200 m, qui n'ont fait que mettre en lumière ses difficultés. Bolt, touché à la jambe gauche, avait été contraint de renoncer à ses sorties à Paris puis Rome, à moins de deux mois des championnats du monde. Résultats : trois titres Mondiaux quelques semaines plus tard, à l'arrachée certes, surtout sur 100 m, mais trois nouveaux sacres tout de même. Bolt, homme de championnats au plus haut point, qui passe son temps à jouer avec les chronos, conserve encore l'avantage de savoir, mieux que quiconque, dompter le chronomètre, dans l'optique des Jeux de Rio.