Le secrétaire général du Front de libération nationale, Ammar Saâdani, étonne par son nouveau ton... modéré ! Depuis fin mars, date de sa dernière sortie tonitruante, dont lui seul a le secret, l'homme n'est plus le même. En tout cas, pas celui qui avait fini par habituer les Algériens à des déclarations spectaculaires. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Le 29 mars dernier, plus exactement, Ammar Saâdani animait le dernier «show» du genre sur la première radio nationale, la Chaîne 1, d'où, en direct et pendant deux heures, il s'en prenait, avec une violence inouïe et en le citant nommément, à son rival du RND et, néanmoins, directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia. Sans aucune retenue, Saâdani accusait, ce jour-là, Ahmed Ouyahia d'avoir «trahi le Président», d'avoir «ruiné l'économie nationale», d'avoir «injustement incarcéré 4 500 cadres» et bien d'autres accusations encore. Le patron du FLN ira même plus loin : il demandera tout bonnement à Ouyahia de quitter son poste de directeur de cabinet à la présidence. Sur sa lancée, il mitraillera, avec la même assurance, une série d'autres hauts responsables en exercice, en les nommant également, tels le ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa, le ministre de l'Agriculture, Sid-Ahmed Ferroukhi, et, surtout, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci. «Laksaci ? C'est une catastrophe», avait estimé Saâdani sans qu'aucune question lui soit posée à ce propos ! D'aucuns, ce jour-là, avaient vite conclu au remake de l'affaire du général Toufik et du DRS. En 2014 et en 2015, c'était ce même Saâdani que le clan présidentiel avait chargé de «préparer l'opinion» à ce qui s'avérera le processus de la mise à l'écart du général Toufik, puis de la «réorganisation» des services. Mais cette fois, le pilonnage, pourtant nourri, de Ammar Saâdani s'avérera une salve de tirs... à blanc. Sitôt l'émission de Saâdani terminée sur les ondes de la Chaîne 1, elle disparaitra du site internet de la radio. Puis, pas une seule ligne sur cette sortie médiatique sur le fil de l'agence officielle APS, encore moins au journal télévisé de l'ENTV. Un genre de censure dont seule la présidence a l'exclusivité. En d'autres termes, cette fois-ci, les déclarations de Saâdani n'engageaient pas du tout Bouteflika. Il aurait même dépassé les limites tracées par celui qui l'avait imposé à la tête du FLN, le 29 août 2013. «Il a été énergiquement rappelé à l'ordre», nous confie une très bonne source. Sur cette affaire, mais aussi sur une annonce précédente qu'il avait faite au sujet d'un remaniement du gouvernement, chose que Bouteflika ne tolère jamais, quitte à annuler ou ajourner une décision qu'il s'apprétait à annoncer. Ce rappel à l'ordre se traduira, par ailleurs, par une «disparition» de la scène qui durera plus d'un mois. Après une visite officielle en Chine, Ammar Saâdani se rendra directement à Paris d'où il ne rentrera que fin avril. Il refait surface le 3 mai puis deux jours plus tard mais avec de timides déclarations à travers lesquelles on ne le reconnaissait plus. Même l'affaire Valls et la forte tension persistante entre Alger et Paris n'ont pas réussi à faire réagir le secrétaire général d'un parti qui s'appelle pourtant le FLN. «Il faut dire aussi que le désaveu monumental que lui inflige le Président à travers le message de félicitations adressé à Ahmed Ouyahia lui a fait très mal», nous confie encore notre source. Depuis, Saâdani opte pour une nouvelle tactique : être là, sans vraiment l'être. Cela, à travers une tournée nationale qui l'a mené à Adrar samedi dernier, en attendant Tebessa, samedi 21 mai, et Maghnia, le samedi 28 du même mois. Cette tournée des régions frontalières lui permettra d'investir un sujet sensible, certes, mais d'éviter d'être interpellé sur les brûlantes questions qui fâchent. L'homme est-il complètement lâché en haut lieu ? «Pas du tout. Aucun changement au niveau de la direction du FLN n'est à l'ordre du jour. La priorité reste la préparation des élections cruciales de 2017», nous apprend une source très bien informée. Il faut dire que le pouvoir accorde une extrême importance aux prochaines élections législatives et locales prévues, successivement, en mai et octobre 2017. «C'est avec la prochaine majorité, tant parlementaire qu'au niveau des collectivités locales, que nous aborderons les prochaines élections présidentielles», nous explique notre source. Et faute de temps, les partis du pouvoir seront préservés de tout chamboulement avant ces échéances. «La saison estivale est toute proche. Et à partir de la rentrée, tout sera concentré sur les élections. Le FLN, par exemple, se lancera dans l'opération dès octobre avec la réunion de son comité central.» Autrement dit, le clan présidentiel a substantiellement «recadré» Ammar Saâdani, sans pour autant le lâcher définitivement.