De proche en proche, Amar Saâdani, le secrétaire général du FLN, en est arrivé à commettre la bravade qu'aucun autre chef de parti, avant lui, n'avait osée : s'en prendre vertement, et à travers de très graves accusations, au patron du DRS, le général Tewfik. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) La charge est d'autant plus lourde et significative, et probablement génératrice de conséquences, qu'elle est le fait du premier responsable d'un parti partie intégrante du gouvernement et dont la présidence d'honneur, voire organique, est assumée par le président de la République. Plus significative encore en ce qu'elle enchaîne avec le doux mais profond lifting entrepris depuis septembre 2013 par Bouteflika dans les structures des services de renseignements. De ce fait d'ailleurs, la sortie d'hier, d'Amar Saâdani ne peut pas relever de l'impudence qu'aurait commise un apprenti politique grisé par l'ambition. Elle précise plutôt un plan de bataille soigneusement élaboré, dont l'étape la plus décisive vient désormais d'être engagée. Plus que des chamailleries de sérail, comme il peut en exister à l'approche d'une échéance électorale cardinale, la charge sonnée contre le général Tewfik et, partant, le DRS en tant que service de renseignements dévoile un affrontement brutal inédit au sommet de l'Etat. Un affrontement dans lequel Saâdani pointe en artilleur, sa cible lui ayant été désignée et les obus fournis. D'en être arrivé là, c'est que les voies qui, généralement, finissent par déboucher sur des consensus, même fragiles mais suffisants pour maintenir les équilibres, sont irrémédiablement obstruées. Il devient, au demeurant, assez clair à présent que l'enjeu qui a inspiré la bravade de Saâdani confine en la présidentielle du 17 avril prochain pour laquelle le clan présidentiel entend reconduire la candidature de Bouteflika, en dépit de sa santé déclinante. Et cette candidature est tellement problématique, vu l'état de santé de Bouteflika, qu'elle ne peut, pour aboutir, que s'accompagner d'un passage en force. Aussi fallait-il pour Bouteflika et son cercle proche de dégager la voie. Ce qu'ils entreprirent dès l'automne, jugeant que le DRS étant l'obstacle le plus difficilement franchissable. Car sinon, comment expliquer que Bouteflika, de retour d'une longue hospitalisation et astreint à une stricte convalescence, ait à l'esprit, en ces moments-là, de s'attaquer à l'entreprise la plus lourde et la plus risquée qu'il eut à prendre durant ses quatorze ans de règne ? Cela avec les conséquences qu'une telle entreprise pouvait induire. L'entreprise, qui pouvait se justifier par une volonté — feinte — de restructurer un service dans le cadre d'un chantier dit de modernisation de l'ANP, apparaît aujourd'hui dans son véritable aspect de machination politique. Pour de vrai. Car, étonnement, le ministère de la Défense nationale (MDN), un portefeuille cumulé avec la charge du chef de l'état-major de l'ANP par Gaïd Salah, ne s'est pas senti l'obligation d'une prompte réaction aux attaques d'Amar Saâdani. Jusqu'à preuve du contraire, le DRS reste un département rattaché au ministère de la Défense nationale. Jusqu'au moment où nous mettions sous presse, le MDN n'avait pas réagi, lui, qui d'habitude, sortait de son silence pour des piques moins outrageantes que les déclarations de Saâdani.