Les retards relevés dans le lancement de l'usine d'Iveco, la situation du marché de l'automobile en Algérie, les dernières dispositions du gouvernement pour optimiser les dépenses en devises, autant de sujets que nous avons abordés avec Mohamed Baïri, P-DG du groupe Ival et vice-président du FCE, et pour lesquels il nous livre ses appréciations d'acteur important depuis de nombreuses années. Le Soir d'Algérie : Le projet de l'usine d'assemblage semble connaître du retard par rapport aux plannings de son lancement tels qu'annoncés ? Mohamed Baïri : Les préparatifs vont bon train et s'il est vrai qu'un léger retard est actuellement enregistré, c'est dû essentiellement aux difficultés que nous avons rencontrées lors des travaux de préparation du terrain qui nous a été affecté initialement. En effet, on a découvert qu'il était traversé par un gazoduc et qu'il ne pouvait donc servir d'assiette à un projet industriel de cette envergure. On est revenu vers les autorités locales et on a attendu qu'un autre terrain nous soit dégagé. Aujourd'hui, et en ces moments mêmes, nos équipes de techniciens sont à pied d'œuvre pour baliser les sols et entreprendre les aménagements nécessaires précédant les premiers travaux de terrassement. Il y aura néanmoins un décalage dans les délais d'achèvement des travaux ? Pour que nous puissions être au rendez-vous des échéances que nous avons nous mêmes annoncées, on prévoit de réaliser, parallèlement au projet de l'usine tel que spécifié dans notre dossier d'investissement approuvé et agréé par le ministère de l'Industrie, une unité d'assemblage allégée qui nous permettra d'entamer, dans les délais, le montage des véhicules et la création immédiate de quelque 200 emplois. Elle sera associée d'emblée à l'ouverture d'un centre de formation qui se chargera de prodiguer aux personnels retenus les connaissances requises pour les métiers de l'automobile et aussi les spécificités de la marque Iveco. Cette décision a été prise pour pallier notamment les difficultés à venir pour assurer un approvisionnement régulier de notre chaîne de production en raison de la relance de l'activité industrielle en Europe et des délais de livraison qui seront de la sorte de plus en plus longs. Nous procéderons par ailleurs à une prospection du marché local de la sous-traitance en vue d'intégrer éventuellement les pièces qui répondront aux exigences du constructeur et à ses normes de fabrication. Il en est ainsi de la boîte de vitesses ZF produite à Rouiba et qui est actuellement étudiée et analysée par les ingénieurs d'Iveco en Italie. On souhaite qu'elle obtienne l'homologation du constructeur et qu'elle équipera les futurs véhicules assemblés à Bouira. Le marché de l'automobile est actuellement en profonde ébullition du fait des dernières mesures du gouvernement. Quelle lecture en faites-vous ? Si vous faites allusion aux mesures relatives à la relance de l'importation des véhicules par les particuliers et les entreprises, permettez-moi de dire toute mon appréhension à ce sujet. C'est la voie ouverte à toutes le dérives et surtout l'encouragement de l'informel dans ce secteur qui en a été tant bien que mal épargné jusque-là, grâce à un travail de structuration et d'organisation mis en place depuis bientôt 20 ans par les concessionnaires automobiles officiellement installés pour hisser la qualité des prestations offertes au client algérien aux standards internationaux. Les pouvoirs publics auraient mieux fait de renforcer encore plus les contrôles autour du secteur et capitaliser l'expérience acquise par l'Algérie dans ce domaine, d'autant que la loi portant sur les licences et l'instauration des quotas ne manquera pas de réguler les importations et d'optimiser les dépenses en devises. Encourager les citoyens à importer eux-mêmes leurs véhicules, c'est les exposer inévitablement à une multitude d'obstacles, à commencer par le surenchérissement de la devise au marché parallèle, la faune de revendeurs de l'autre côté de la Méditerranée dont le seul souci est d'écouler des stocks invendus et aussi permettre l'arrivée en Algérie de voitures non conformes aux exigences et aux conditions de roulage locales, sachant que la garantie émise par les constructeurs en Europe n'est pas extensible à notre pays. J'ajouterai aussi que l'élargissement de la procédure d'importation aux sociétés de location devrait susciter de la part des autorités concernées une plus grande vigilance, un meilleur suivi afin d'assurer une traçabilité des véhicules importés. Le ministère de l'Industrie vient de rendre public le cahier des charges pour l'investissement dans le secteur de l'automobile. Que vous inspire ce document censé jalonner la voie pour une future industrie automobile en Algérie ? Je suis tenté d'entamer ma réponse par une question, multiplier les unités d'assemblage serait-il rentable pour l'Algérie ? En l'état actuel des choses, je ne le pense pas. De mon point de vue et en ma qualité d'acteur dans le secteur depuis 18 ans, il serait plus judicieux pour le gouvernement de revoir sa démarche d'industrialisation tous azimuts et éviter d'en faire en définitive une échappatoire à la politique des quotas. Cela continuera à coûter à l'Etat autant d'argent en devises, sinon plus, et ne garantira pas non plus la pérennité aux projets lancés. A l'évidence, ce n'est pas l'objectif recherché. Il serait plus approprié de définir des axes stratégiques dans cette vision globale de développement d'une industrie de l'automobile en Algérie, en ciblant quelques grands constructeurs qui répondent le mieux aux attentes du marché et des clients, de les accompagner dans leurs projets d'investissement et d'en faire une locomotive pour de futurs projets. Il ne faut pas perdre de vue que la crédibilité et la viabilité à moyen et long termes d'un projet ne pourrait se réaliser qu'avec un seuil de production dépassant les 100 000 unités produites annuellement. En deçà, c'est l'échec garanti. Il en est de même pour la sous-traitance dans la fabrication de la pièce de rechange, la multiplication irraisonnée d'unités de fabrication pourrait se révéler contreproductive pour leurs propriétaires et un revers pour la politique du gouvernement. Cela n'empêchera pas la poursuite de la politique des quotas et surtout un encadrement juridique et réglementaire de l'activité automobile.