Par Boubakeur Hamidechi [email protected] La dernière fois où il a été vu et entendu remonte au 21 mai dernier lorsqu'à partir de Tébessa, il y était allé de son habituelle diatribe visant les groupuscules durs qui lui seraient hostiles. Pour l'anecdote, ce énième coup de colère manquait de punch et d'assurance dans la mesure où, lui-même, affichait un certain embarras à la suite de certaines rumeurs distillant l'idée que le palais ne verrait plus d'inconvénient à ce qu'il soit déboulonné. Or, le coup de théâtre consécutif à l'offre de service de Belkhadem déclarant «qu'il se mettait à la disposition des courants de l'opposition pour exercer une mission de bons offices» accrédite la probabilité d'un tel scénario commandité par les services de la Présidence. Loin de constituer l'amorce d'un paisible changement de personnel dans les postes-clés, la campagne qui s'annonce est d'ores et déjà appréciée comme une expédition punitive destinée à éjecter hors du parti celui qui, par le passé récent (2013), avait été l'exécuteur de certaines basses œuvres. Mais alors qui a-t-on choisi pour écrire le préambule de la prochaine curée ? Cyniquement, le choix semble s'être porté sur un certain Belkhadem. Donc, sans état d'âme, le casting du FLN ne trouva guère mieux que de ressusciter la vieille victime en lui accordant un «bon de sortie» politique afin de retrouver de la visibilité médiatique. Belkhadem versus Saâdani ! Le synopsis est à l'identique de celui qui avait été scénarisé trois années plus tôt avec seulement une inversion des rôles. Le voilà donc résumé ce parti du FLN qui, par pragmatisme, est parvenu à changer ses «constantes» en leur substituant les recours aux putschs et aux contre-putschs en tant que carburant de sa propre survie. En effet, à force de recourir à la violence dans le changement, l'on ne peut plus qualifier cette lourde tendance de simple poussée de fièvre irrationnelle mais d'une praxis entrée dans les mœurs politiques de cet appareil. Rongé en profondeur par les campagnes d'appropriation qui l'ont divisé, n'a-t-on pas souvent qualifié ce recours cyclique à la violence de pathologie «existentielle» qui le singularise ? Décidément le FLN qui, par ailleurs, empêche par sa seule existence le pays de faire sa mue, suscite épisodiquement un excès de commentaires et surtout une sollicitude démesurée de la part de l'Etat au moment où des conflits internes lui apparaissent comme des abcès préjudiciables aux «intérêts globaux» du pays ! D'ailleurs, l'on caricaturerait à peine, si l'on prenait le soin d'exhumer les rocambolesques épisodes relatant les arbitrages contradictoires de la puissance publique lorsqu'elle s'est souvent mêlée de scènes de ménages entre des militants de ce parti. Or, le fait notoire soulignant l'implication de la puissance publique dans une question organique d'un parti, que seuls ses militants devraient résoudre, montre bien que le FLN demeure le pivot de toutes les recompositions qui se préparent pour le pays. De cette prééminence qui lui est attribuée, cette chapelle tire des bénéfices politiques à tout le moins indus. Ce constat est devenu à lui seul un obstacle majeur, à la fois pour la refondation de la République et pour les libertés politiques, lorsqu'on sait qu'elle est devenue une source de chantage et une officine où la méritocratie s'est souvent mesurée à la qualité de casseurs et de chiens de garde de ses nervis. Levier de pression du pouvoir, le FLN dans la version rénovée qu'il connut sous l'actuel régime s'apparente clairement à la négation du pluralisme. Pis encore, il s'est, depuis longtemps, débarrassé des oripeaux doctrinaux d'un parti unique pour devenir le terrible supplétif de tout ce qui incarne la censure de l'Etat. Que l'on se souvienne justement des haussements de sourcils d'un Belkhadem lorsqu'il était à la mannette en 2008 et qu'il s'arrogeait le droit de remettre à leur place les satellites (RND et MSP) avec lesquels il devait, en théorie, partager la fidélité due à Bouteflika. Arrogant, il plastronnait au nom du FLN en rappelant «l'aristocratie » partisane qui l'habitait et dont le sigle «n'est pas né grâce à un agrément du ministre de l'Intérieur» (Sic). Des propos fâcheux qui avaient suffi pour susciter des rappels à l'ordre mais aussi des rappels à un passé peu glorieux de l'officine unique. Car souligner au passage la genèse de ce faux militantisme consubstantiel à sa nature exclusive et censitaire puis mettre en perspective les profils de ceux qui eurent à exercer en son sein des responsabilités revient à dire simplement que le «sang bleu» de la conviction intellectuelle est bien plus rare dans ses rangs que les tares de l'affairisme et du complot. Historiquement, il porte encore les stigmates de cette fausse filiation que les mémorialistes datent de la période allant de 1962 à 1965. Celle au cours de laquelle le FLN a été «tout» sauf un creuset fédérateur des sensibilités nationales. Conçu par la conjuration d'un clan, il fonctionne sur la base du sectarisme de la stigmatisation et de l'épuration. Or, plus d'un demi-siècle après, le fameux congrès de 1964 son bréviaire n'a que peu changé. C'est ainsi que dans ses rangs, il est toujours courant d'entendre parler de «ligne rouge» lorsque certains néo-sympathisants encore naïfs osent critiquer les postures dogmatiques. Et que dire de cette honteuse définition d'un parti aux ordres» ! Aux ordres de qui ? «De la maison de l'obéissance avait alors décrété Boualem Benhamouda afin de justifier et d'entériner le limogeage de Mehri. De même que l'on ne parle pas de cordes dans la maison d'un pendu, l'on tait également au FLN le spectre de la sanction à qui vient l'idée de faire une lecture contradictoire de la ligne officielle. En somme, il existe au FLN un nombre incalculable de déviants muets qui tiennent à leur carte, cette source de privilèges. Autrement dit, cette machine possède toujours une longueur d'avance sur les autres en termes de carriéristes. Ceux qui ne démissionnent jamais de leur plein gré mais que l'on éjecte circonstanciellement où que l'on placarde un temps afin de tester la docilité. Tel qu'en lui-même comme du temps où il était l'unique, le FLN n'a pas foncièrement dérogé aux arsenaux pour faire valoir sa capacité de pression au sein de l'appareil d'Etat. En cela, il possède effectivement le privilège d'avoir été la grande usine à formater la totalité des cadres de la nation. D'ailleurs, c'est grâce à cette Alma Mater qu'une génération de dignitaires avait fait ses classes pour ensuite s'élever dans la hiérarchie des... avantages. En somme, ce qui caractérise cycliquement le FLN n'est rien d'autre que la météo des saisons politiques avec leurs lots de conflits d'intérêts ou de blizzard qui gèlent certaines carrières compromises. Belkhadem contre Saâdani et vice versa, cela n'est rien d'autre que la pédagogie du complot permanent si cher à cette chapelle. Le FLN qui déclinait jadis son attachement aux «constantes» nationales, le voici dorénavant reconnu comme un parti studieusement constant dans le putschisme.