Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Hormis les secousses telluriques, à l'origine d'affreux dégâts à Alger et une peur panique ayant quand même coûté la vie à quelques personnes, le gouvernement est tout à fait à l'aise pour apprécier l'habituelle trêve aoûtienne. Sans inquiétude également, le palais peut lui aussi se prévaloir du même prétexte pour prolonger son silence. En somme, le thermomètre en folie et la chape caniculaire qui assomme le pays seraient d'excellents alibis pour perpétuer sa vacance. Reste, par contre, la besogne de Sisyphe impartie aux journaux, lesquels sont obligés de se fournir en grain à moudre pour justifier leurs parutions quotidiennes. Un éternel recommencement qui, en la circonstance, souffre de la rareté d'informations au point de se rabattre sur des exercices de rechange dont la spéculation, entre autres, fait partie. Or, ce qui ne devait apparaître que comme une «accroche» improbable, qu'impose l'assèchement des sources, donne parfois d'excellents sujets aux commentaires. C'est ainsi, d'ailleurs, que notre confrère Liberté a trouvé la bonne matière et, peut-être, l'exacte opportunité pour s'intéresser au destin de Belkhadem. Il est vrai que ce personnage, qui est passé par toutes les épreuves de l'intrigue en politique, suscite toujours de l'intérêt au point où il est difficile de savoir actuellement s'il est à nouveau en disgrâce ou au contraire en réserve pour de nouvelles responsabilités. Réhabilité à la veille de la campagne présidentielle en même temps que son alter ego Ouyahia, il est effectivement dans l'inconfortable invisibilité politique d'un «ministre d'Etat» sans états de service ! Autrement dit ses attributs de «conseiller du Président», dont les caractères tout à fait formels sont de plus en plus soulignés, n'en font-ils pas justement un «cas» d'école qui illustre bien les modalités présentes ayant cours au sommet du pouvoir ? C'est que le fait est en soi rarissime. Sous d'autres présidents, une fonction, semblable à celle qu'il occupe actuellement, ne fut-elle pas exercée différemment par d'autres et avec une influence indéniable. De mémoire, l'on peut citer particulièrement le magistère de ministre conseiller dont bénéficia Taleb Ibrahimi auprès de Boumediène puis de Chadli avant de succéder à Benyahia à la tête de la diplomatie. Mais aussi l'immense influence qui fut celle du général Betchine aux côtés de Zeroual. Or dans le même ordre d'idées, il semblerait bien que Belkhadem n'est détenteur d'aucun des avantages habituellement dévolus à ces gourous ayant l'oreille d'un Président. Privé de la moindre mission, susceptible de justifier son statut d'homme d'influence, il apparaît de plus en plus comme le maillon faible du dispositif mis en place à la présidence. Alors que Ouyahia, l'autre repêché, s'occupe d'une mission claire de chef de cabinet en charge du dossier majeur de la réforme constitutionnelle, lui n'en est-il pas réduit à jouer le «garde-malade» en se consolant de quelques tâches subalternes ? Or, si cela venait à se vérifier dans les semaines ou les mois à venir, il sera alors notoirement admis que l'opération concernant sa nomination relevait, in fine, de la neutralisation définitive du personnage alors qu'elle était présentée comme une remise en selle. En effet Belkhadem, contesté simultanément par les caciques de sa famille politique et longtemps suspecté par le compagnonnage extérieur de nourrir des ambitions démesurées, ne traîne-t-il pas trop de casseroles peu ragoûtantes ? De plus ne projette-t-il pas également une image absolument détériorée de ce qu'a été le Bouteflikisme ? Or après 15 années de proximité avec le palais, il semble que son espoir vers une nouvelle ascension soit définitivement compromis. En effet, ce fidèle d'un passé récent n'est-il pas devenu désormais encombrant dès l'instant où il a fini par concentrer sur sa personne trop de répulsions politiques qu'il en devient «infréquentable», comme il se dit trivialement ? Réputé pour le travail fractionnel, grâce auquel il avait acquis une notoriété qui sentait le soufre depuis l'expédition putschiste qu'il orchestra contre Benflis, il n'avait de surcroît jamais été à la hauteur de la fonction de chef de gouvernement. Qualifié par des militants du FLN «d'apparatchik revanchard», il était également perçu par les technocrates comme un piètre intendant de l'Etat. Autant de griefs qui devraient en toute logique oblitérer une longue carrière politique peu glorieuse. Confiné à la marge de la totalité des activités que le chef de l'Etat a déléguées à son entourage, cet ex-secrétaire général du FLN donne déjà l'impression d'un has been en voie de placardage. Il est vrai qu'en politique, l'on a que le baisser de rideau que l'on mérite.