Le cœur est l'organe vital, par excellence. Il joue le rôle d'une pompe qui alimente l'ensemble des composantes du corps humain, en propulsant le sang riche en oxygène et autres nutriments nécessaires à la survie et au fonctionnement des organes. Pour ce faire, la pompe cardiaque doit être suffisamment dynamique, pour assurer une propulsion optimale du liquide vital, et les vaisseaux, chargés de véhiculer ce dernier, suffisamment perméables, pour permettre la fluidité de sa circulation. Le cœur est un muscle qui a besoin d'être actif, pour entretenir un niveau de force de contraction optimal, en mesure de garantir les besoins en irrigation sanguine des organes fonctionnels du corps humain. Les vaisseaux sanguins doivent rester souples pour assurer la fluidité du sang vers les différentes structures de l'organisme. Les muscles composant l'appareil locomoteur permettent l'accomplissement des gestes de la vie quotidienne (déplacement, travaux ménagers, activité sportive, etc.). C'est essentiellement à travers cette mobilisation des muscles squelettiques, que la pompe cardiaque et les vaisseaux sanguins gardent et améliorent leurs capacités fonctionnelles. En outre, la nature a doté le corps humain d'une réserve de vaisseaux (capillaires sanguins) susceptible d'être mobilisée en cas de besoins supplémentaires liés à la pratique sportive ou de besoins substitutifs, dus à l'obstruction de vaisseaux principaux. Evolution de la fonction cardiovasculaire Le système cardiovasculaire, à l'instar des autres organes du corps humain, subit une dégénérescence progressive, structurelle et fonctionnelle, avec l'avancée de l'âge. Le dynamisme de la pompe cardiaque perd de son efficacité et les vaisseaux deviennent de plus en plus rigides, gênant le passage du sang vers les différents organes. Le ralentissement du flux sanguin à travers les vaisseaux prolonge le temps de contact des substances véhiculées, avec les parois vasculaires, favorisant ainsi la constitution de plaques athéromateuses qui augmentent la rigidité des vaisseaux et réduisent leur lumière (diamètre), diminuant parfois dangereusement l'apport sanguin vers les organes vitaux. Les conséquences d'une telle gêne peuvent provoquer un infarctus au niveau du cœur (infarctus du myocarde) ou une artériopathie au niveau des membres inférieurs notamment. La sédentarité imposée par le développement technologique et la disponibilité d'équipements et de matériel favorisant le confort en réduisant sensiblement le recours à l'effort physique est reconnue aujourd'hui comme une des causes principales du développement des maladies chroniques ou maladies non transmissibles (MNT) à l'origine de plus de 60% des décès dans le monde, notre pays se situant pratiquement dans les mêmes proportions. Le changement des habitudes alimentaires de nos citoyens, avec le foisonnement de la restauration rapide (fast-foods, sandwicheries, pizzerias) aggrave les risques de pathologies cardiovasculaires et constitue une préoccupation majeure au plan de la santé publique. L'absence de contrôle sanitaire des produits proposés par ce nouveau commerce florissant d'une part, et l'attrait des enfants à la consommation d'aliments sucrés et gras d'autre part exposent notre population à une aggravation de risques de cette pathologie invalidante et mortelle. Des mesures sérieuses doivent être envisagées, individuellement et collectivement, pour réduire ses risques sur la santé des citoyens et le coût économique de leur prise en charge. Place du sport dans la prévention Lorsqu'on évoque le sport pour la santé, on parle en fait plus de l'activité physique pour ne pas faire de confusion avec la pratique sportive de compétition qui obéit à d'autres objectifs. L'activité physique est définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme «tout mouvement corporel produit par les muscles, qui requiert une dépense d'énergie, ce qui englobe les mouvements effectués en travaillant, en jouant, en accomplissant les tâches ménagères, en se déplaçant et pendant les activités de loisir». L'activité physique produit des effets bénéfiques au niveau des trois paliers de prévention : - au niveau de la prévention primaire, la pratique d'exercice physique permet de limiter les risques d'apparition de surpoids, d'élévation des taux de cholestérol, de triglycérides et de glycémie, ces facteurs étant souvent à l'origine des pathologies cardiovasculaires ; - au niveau de la prévention secondaire, l'activité physique permet aux porteurs de facteurs de risques précédemment cités de réduire les dangers de développement de la pathologie coronarienne, des artériopathies et de l'hypertension artérielle ; - au niveau de la prévention tertiaire, l'exercice physique contribue à mieux gérer la maladie, lorsqu'elle existe, pour éviter les complications éventuelles. Ce palier tertiaire de la prévention justifie notamment le programme de réadaptation cardiaque, que les cardiologues prescrivent à leurs patients, après une atteinte myocardique (infarctus du myocarde) traitée médicalement, par opération de dilatation (stent) ou chirurgicalement (pontage). La pratique régulière d'exercice physique induit un certain nombre de modifications physiologiques sur le système cardiovasculaire, dont les effets se ressentent aussi bien au plan fonctionnel qu'au niveau des manifestations cliniques : - au plan fonctionnel, le travail cardiovasculaire bénéficie d'une amélioration de la performance, avec une économie d'effort. Ainsi, l'élévation de la fréquence cardiaque et des chiffres tensionnels suit une courbe moins ascendante, pour un effort physique donné, ce que peut ressentir la personne en étant de moins en moins essoufflée ; - au plan clinique, le patient va pouvoir éloigner l'apparition de signes de fatigue musculaire, d'essoufflement, et stabiliser les paramètres biologiques à risques (cholestérol, triglycérides, glycémie). L'activité physique permet d'améliorer la circulation sanguine, grâce, d'une part, à un assouplissement des parois vasculaires, et d'autre part à un développement de la circulation collatérale. Le corps humain dispose, en effet, d'une réserve de petits vaisseaux (capillaires) qui peuvent progressivement être mobilisés, pour pallier à l'éventuelle défection de quelques voies sanguines principales. Chez le sportif compétiteur, par exemple, ces vaisseaux secondaires participent à l'amélioration du circuit d'alimentation sanguine, en fonction des besoins particuliers des muscles squelettiques. Le cardiopathe ou l'artéritique, dont les voies principales d'irrigation sont partiellement obstruées, peuvent en atténuer les conséquences (risques d'ischémie) grâce à l'apport de la circulation collatérale, que l'activité physique peut sensiblement développer. L'exercice physique contribue, par cette voie et l'amélioration de l'élasticité des parois vasculaires, à réduire la résistance périphérique, ce qui permet d'alléger la pression en amont et d'abaisser ainsi les chiffres tensionnels du sujet hypertendu. Quelle activité physique pour la santé du cœur ? Le cœur, qui joue le rôle de pompe d'alimentation sanguine du corps humain, a besoin de deux éléments fonctionnels essentiels, pour répondre aux exigences vitales des différents organes : - la tonicité du myocarde (muscle cardiaque) nécessaire à la propulsion de la masse sanguine contenue dans la cavité cardiaque, - la capacité de contenir un volume sanguin important, au niveau de cette cavité. Ces deux qualités permettent au cœur de répondre aux besoins d'alimentation sanguine des organes du corps humain, avec plus d'efficacité et une économie d'effort (élévation moins prononcée de la fréquence cardiaque avec l'effort). L'activité physique qui offre au système cardiovasculaire la possibilité d'une fonctionnalité à la fois efficace, économique et préventive, se base sur les exigences suivantes : - exercices de type endurance, c'est-à-dire effort continu de plus de 10 minutes à une intensité correspondant à 60 - 70% de la Fréquence cardiaque maximale théorique (FMT), cette dernière pouvant être appréciée par la formule FMT = 220 – âge. Ainsi, par exemple, un sujet âgé de 60 ans, dont la FMT est de 160 bpm (battements par minute) travaillera à un niveau de fréquence cardiaque situé entre 96 et 112 bpm. En pratique, pour simplifier l'approche méthodique de l'activité physique, on recommandera à la personne de faire un exercice d'une durée minimum de 10 minutes, à une intensité qui sollicite une hyperventilation progressive, jusqu'à arriver à un début d'essoufflement. L'organisme, s'adaptant au fur et à mesure de l'entraînement le pratiquant augmentera progressivement la durée de l'effort, pour atteindre le seuil de 30 à 45 minutes, 3 à 5 fois par semaine, recommandé par l'OMS. Lorsque la personne n'est pas en mesure de réaliser un effort continu de plus de 10-15 minutes (gêne articulaire ou faiblesse musculaire, par exemple), on lui conseillera d'opter pour la répétition de l'effort dans la journée. Les activités qui répondent aux caractéristiques de l'effort d'endurance sont la marche soutenue, le jogging, le cyclisme, la natation. Au plan fonctionnel, le travail d'endurance contribue à améliorer la capacité de remplissage du cœur et donc le volume sanguin éjecté à chacune des contractions du muscle cardiaque, ce qui favorise l'économie d'effort ; - exercices de force musculaire, sollicitant des poids ou résistances légères, avec des augmentations très progressives, ne devant pas provoquer une fatigue importante. Chez les personnes présentant des faiblesses cardiaques (séquelles de cardiopathie ischémique, cardiomyopathie) ou une hypertension artérielle, il est recommandé de travailler la force musculaire, avec les membres inférieurs, afin de mobiliser de plus grosses masses musculaires, sans surcharge cardiaque. Ultérieurement, notamment dans le cadre du programme de réadaptation à l'effort, quelques exercices de mobilisation, sans charge, puis avec charges légères, des membres supérieurs, peuvent contribuer à améliorer la tonicité du myocarde. Cette dernière, permettant une meilleure force de contraction du muscle cardiaque, facilitera la propulsion du sang vers les différents organes du corps humain. L'activité physique reste le moyen le plus efficace, pour perfectionner la fonction cardiovasculaire et assurer une prévention optimale de la pathologie ischémique notamment. Les études scientifiques publiées dans de sérieuses revues internationales ont relevé que la pratique régulière d'activité physique adaptée peut réduire de 25 à 30% les risques de pathologies cardiovasculaires, particulièrement les affections coronariennes (IDM, AVC) et les artériopathies (surtout celles liées aux complications du diabète). Les maladies ciblant le cœur et les vaisseaux représentent la première cause de mortalité et d'invalidité (séquelles d'AVC). Le mode de vie des citoyens, basé sur la sédentarité, une alimentation peu saine, un tabagisme accru et le stress, expose à des risques d'expansion de ces pathologies. Ces facteurs agressifs pour la santé sont pour la plupart maîtrisables pour peu que l'on y mette de la volonté, au plan individuel et collectif. La sédentarité, fortement incriminée dans le développement des MNT, en général et des affections cardiovasculaires, en particulier, peut être réduite par une bonne sensibilisation des citoyens et une politique de massification de la pratique sportive au niveau scolaire, des entreprises et des collectivités locales. Une politique intelligente et efficace de santé ne consiste plus à se mettre en aval, par la multiplication des hôpitaux, mais plutôt en amont, avec une stratégie de prévention forte. Le développement d'infrastructures sportives de proximité, la relance du sport scolaire et du sport en entreprise font partie de cette stratégie de prise en charge en amont des maladies induites par l'émancipation technologique. R. H. Professeur de médecine du sport DU de réadaptation cardiovasculaire à l'effort Ex-expert à l'OMS chargé de l'activité physique-santé.