Mouloud Mammeri aimait � r�p�ter que la vie se nourrit de v�rit�. Confront� � l'occultation de son histoire et de ses racines, il a fond� son action essentiellement sur la qu�te des origines de son peuple et s'est attel� � pourfendre les inquisiteurs et confondre les menteurs en assenant ses v�rit�s : la v�rit� : "Nos anc�tres ne sont pas les Gaulois" et "la nation alg�rienne n'est pas n�e au VIIe si�cle". C'est par le biais de la recherche scientifique qu'il entendait redonner � son peuple sa dignit�. Il s'est investi dans cette voie � tel point que l'anthropologue a rel�gu� au second plan l'�crivain si l'on en juge par l'immense contribution qu'il a apport�e sous forme de travaux anthropologiques, linguistiques ou litt�raires au domaine berb�re en comparaison avec son œuvre romanesque quantitativement peu importante. Directeur du Centre de recherches anthropologiques, pr�historiques et ethnographiques (CRAPE), il consacre toute son �nergie � en faire un grand centre de rayonnement scientifique connu par la grande valeur de ses publications, notamment sa revue Libyca. Faisant partie d'un peuple qui a vu d�filer les invasions, Mammeri constate que "l'histoire a toujours �t� �crite par les vainqueurs", c'est pourquoi il encourage les �tudes sur la pr�histoire pour mettre en valeur les liens qui rattachent l'homme d'avant, celui de la pr�histoire, � l'homme d'aujourd'hui, celui de l'anthropologie socioculturelle, terme qu'il substitue � ethnologie, cette derni�re �tant soup�onn�e de n'�tre que "le mythe que les tribus d'Occident b�tissent � leur usage particulier et dont nous n'�tions que le pr�texte (...). Les ethnologues tronqu�s de l'Occident nous enrobaient de rets de leur raisonnement pour nous exorciser, ramener notre �tranget� � leur raison, qui �tait la raison", alors que l'anthropologie culturelle insiste, elle, sur l'aspect sp�cifique du d�veloppement de chaque culture en �tudiant les croyances et les institutions d'un groupe con�ues comme fondements des structures sociales. La qu�te inlassable de Mammeri �tait de d�couvrir l'homme berb�re dans sa nature profonde et sp�cifique telle qu'elle r�sulte de ses origines, de son �volution historique, de sa langue et de sa culture. Une culture essentiellement orale dont le patrimoine constitue les racines de tout le Maghreb et m�me de la M�diterran�e. L'Ahellil du Gourara et Po�mes kabyles anciens participent justement de cette grande œuvre de sauvegarde d'un h�ritage qui concourait � enrichir le patrimoine humain universel, telle �tait la ferme conviction de leur auteur. "Pourquoi nous ne serions pas, nous-m�mes, partie prenante dans cette grande fresque, de cette grande aventure de l'humanit� tout enti�re ?" Mais mieux que quiconque, Mammeri savait qu'aspirer � l'universalit� passait par l'affirmation de sa propre identit� nullement d�valorisante. Mieux, il en �tait fier : "Quand je regarde en arri�re, je n'ai nul regret (...). Je ne me dis pas : j'aurais voulu �tre un citoyen d'Ath�nes au temps de P�ricl�s, ni un citoyen de Grenade au temps des Abenc�rages, ni un bourgeois de la Viennes des valses. Je suis n� dans un carton �cart� de haute montagne, d'une vieille race qui depuis des mill�naires n'a cess� d'�tre l�, avec les uns, avec les autres... (...) qui a contribu� dans l'histoire de diverses fa�ons � rendre plus humaine la vie des hommes (...) Hannibal a con�u sa strat�gie en punique, c'est en latin qu'Augustin a dit la cit� de Dieu, en arabe qu'Ibn Kheldoun a expos� les lois des r�volutions des hommes."