Un nouveau bilan effarant sur les tentatives de fuite de jeunes Algériens vers l'Europe a été rendu public hier par les services chargés de la surveillance de l'émigration clandestine : en une seule nuit, pas moins de 108 personnes ont tenté de rejoindre le continent européen par la mer avant d'être rattrapées par les gardes-côtes. Le chiffre est alarmant et démontre, si besoin est, toute l'ampleur d'un phénomène qui en dit long sur l'état d'esprit qui règne au sein de la jeunesse algérienne. 108 personnes qui tentent de fuir en une seule nuit est un fait frappant, presque un drame qui nous renvoie, à moindre échelle, à une image de boat-people dans un pays en crise aiguë. Selon le communiqué du ministère de la Défense nationale, qui publiait hier l'information, la tentative a été déjouée au cours de la nuit du samedi par les gardes-côtes de Annaba. Le groupe qui tentait de prendre la fuite s'était réparti à bord de neuf embarcations de fabrication artisanale et a été intercepté au lieu-dit Ras-El-Hamra. Le phénomène aurait pu être perçu comme étant conjoncturel si deux autres évènements similaires n'étaient survenus au cours de la même semaine. Un jour auparavant, vendredi, un autre communiqué du MDN annonçait l'interception là aussi de 15 autres Algériens dans des conditions similaires et toujours à Ras-El-Hamra. Et ce n'est pas tout. Car deux jours auparavant, mercredi, la même source annonçait l'interception, au large de Annaba, de 13 autres personnes qui tentaient de rejoindre l'Europe. En tout, 136 personnes interceptées en l'espace de quatre jours. Le phénomène des «harraga» enregistrerait-il une hausse ? Aurait-il un lien avec les premières conséquences de la crise que traverse le pays marquée par une dégradation du niveau de vie et un manque de perspective flagrant qui concerne toute la jeunesse algérienne ? Il y a moins de six mois, une étude menée par le Centre de recherches en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) nous informait que 36% des émigrés clandestins algériens ne sont autres que de jeunes universitaires à la recherche d'un lendemain meilleur. Pour Rym Othmani, la conférencière qui exposait les résultats de sa recherche, il s'agissait de «diplômés et de travailleurs qualifiés, âgés de 18 à 30 ans avec une prédominance d'hommes de la classe moyenne ayant affronté un marché du travail précaire qui se sont inscrits dans une démarche d'autonomie et tentent l'aventure». La chercheuse a évoqué l'existence d'un sentiment d'exclusion et informe que 27% de ces émigrés détiennent des diplômes ou des qualifications de la formation professionnelle. D'autre part, et selon un bilan établi par la Laddh, 13 272 personnes ont réussi à traverser la Méditerranée durant la période qui s'étend de janvier 2009 à juin 2015. Les toutes récentes informations publiées par le ministère de la Défense laissent, cependant, entendre que nous assistons actuellement à une aggravation du phénomène. Tout comme le récent rapport publié par la Gendarmerie nationale, lequel annonçait une hausse de 75% des conflits sociaux en Algérie, ces communiqués du MDN ne peuvent passer inaperçus dans le sens où ils renseignent sur l'état d'esprit qui règne au sein de la société.