Une politique � deux vitesses. C'est ce que l'Alg�rie a adopt�e en mati�re d'�galit� entre femmes et hommes. Pour la consommation locale, des textes discriminatoires sont en vigueur tandis que des conventions internationales �galitaires sont ratifi�es pour donner au monde l'image d'un pays qui avance. Exemple �difiant : la Convention des nations unies sur l'�limination de toutes les formes de discrimination � l'�gard des femmes (CEDAW). Si les pouvoirs publics l'ont ratifi�e, ils l'ont cependant vid�e de son sens en �mettant des r�serves sur plusieurs articles. C'est pourtant en totale contradiction avec l'article 19 de la Convention de 1969 sur le droit des trait�s qu'elle a ratifi�e et qui stipule �qu'un Etat, au moment de signer, de ratifier, d'accepter, d'approuver un trait� ou d'y adh�rer, peut formuler une r�serve, � moins que la r�serve ne soit incompatible avec l'objet et le but du trait�. En ratifiant, en 1996, ladite convention l'Alg�rie devait s'engager � faire sienne cette d�finition de la discrimination qui consid�re qu'elle "inclut toute distinction, exclusion ou restriction fond�e sur le sexe qui affecte l'exercice par les femmes de leurs droits dans les domaines politique, �conomique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine, quel que soit leur �tat matrimonial, sur la base de l'�galit� avec les hommes". En acceptant de signer la CEDAW, l'Alg�rie devait s'engager � "non seulement condamner toutes les formes de discrimination � l'�gard des femmes mais aussi de mettre en œuvre diverses mesures menant � son �limination, adopter des mesures l�gislatives et d'autres mesures assorties, instaurer une protection juridictionnelle, par le truchement des tribunaux nationaux et d'autres institutions publiques contre tout acte discriminatoire, modifier ou abroger toute loi, disposition r�glementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination � l'�gard des femmes, ainsi que toutes les dispositions p�nales qui constituent une discrimination � l'�gard des femmes". Les louvoiements de l'Alg�rie Plut�t que de s'y conformer, l'Alg�rie a longtemps maintenu le code de la famille, un texte qui lui a d'ailleurs servi d'alibi pour �mettre autant de r�serves. Les articles 2, 15 et 16 ont soulev� le plus de r�sistances et pour cause, ce sont les plus importants. L'article 2 mentionne en effet que "les Etats parties condamnent la discrimination � l'�gard des femmes sous toutes ses formes, conviennent de poursuivre par tous les moyens appropri�s et sans retard une politique tendant � �liminer la discrimination � l'�gard des femmes". Pour ne pas y �tre contraint, le gouvernement alg�rien s'est d�clar� "dispos� � appliquer les dispositions de cet article � condition qu'elles n'aillent pas � l'encontre des disposition du code alg�rien de la famille". L'autre article, objet de controverse, celui portant le num�ro 15 et qui �nonce que les Etats qui ratifient la CEDAW "reconnaissent � la femme, en mati�re civile, une capacit� juridique identique � celle de l'homme et les m�mes possibilit�s pour exercer cette capacit� ; en particulier des droits �gaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l'administration des biens. Ils reconnaissent � l'homme et � la femme les m�mes droits en ce qui concerne la l�gislation relative au droit des personnes � circuler librement et � choisir leur r�sidence et leur domicile". Tout aussi important l'article 16 �nonce que femmes et hommes doivent �tre trait�s sur un pied d'�galit� pour contracter mariage, choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement". Il leur est reconnu �galement "les m�mes droits et les m�mes responsabilit�s au cours du mariage et lors de sa dissolution; les m�mes droits et les m�mes responsabilit�s en tant que parents, quel que soit leur �tat matrimonial, pour les questions se rapportant � leurs enfants; dans tous les cas, l'int�r�t des enfants est la consid�ration primordiale; les m�mes droits de d�cider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l'espacement des naissances et d'avoir acc�s aux informations, � l'�ducation et aux moyens n�cessaires pour leur permettre d'exercer ces droits". L'Alg�rie a estim� que "les dispositions de l'article 16 relatives � l'�galit� de l'homme et de la femme pour toute les questions d�coulant du mariage, au cours du mariage et lors de sa dissolution, ne doivent pas aller � l'encontre des dispositions du code alg�rien de la famille�. Le collectif 95 Maghreb-Egalit� d�nonce � New York C'est pour d�noncer ce jeu trouble de l'Alg�rie que le collectif 95 Maghreb- Egalit� a pr�sent� lors de la 20e session du comit� sur la CEDAW un rapport alternatif dans lequel toutes les contradictions ont �t� mises � nu. Mme Nadia A�t Za�, juriste et pr�sidente du collectif, a expliqu� comment un v�ritable travail de lobbying a �t� exerc� par les associations f�minines afin de sensibiliser le comit�. Une s�rie de recommandations ont d'ailleurs �t� soumises. Au sujet du code de la famille, le collectif a sugg�r� "de mettre les lois sur la famille en conformit� avec la loi constitutionnelle qui consacre le principe d'�galit� et de non-discrimination". D'autre part, il a �t� recommand� d'�liminer toutes les pratiques administratives "comme par exemple la non-reconnaissance de la capacit� des femmes dans certains actes de la vie civile et publique, le t�moignage, le contrat d'assurance-vie, l'impossibilit� pour la m�re de g�rer le compte d'�pargne de l'enfant qu'elle alimente elle-m�me". Au sujet de la violence, le collectif 95 Maghreb-Egalit� estime qu'elle ne devrait plus �tre consid�r�e comme une affaire personnelle mais "comme un d�lit sp�cifique dans le code p�nal et que cette qualification soit accompagn�e de mesures de protection des victimes et d'�loignement des auteurs". Cheval de bataille du collectif, l'�galit� des chances pour le travail et la mise en place d'un syst�me de quotas pour la participation des femmes � la vie politique. A New York, le collectif a recommand� � l'Alg�rie "dans le respect de la Constitution alg�rienne et de ses engagements internationaux de lever les r�serves � la Convention". Un appel auquel restent sourds les pouvoirs publics pris entre le d�sir de plaire aux institutions internationales et le souci de ne pas choquer les esprits conservateurs.