Par Abdelmadjid Belkacem Le recours épisodique aux idéologies panarabiste et panislamique n'est que la traduction de discours creux mais qui ont une empreinte durable sur nos imaginaires aux prises avec les mythes de l'unité arabe et de la «Oumma». L'histoire, malgré de nombreuses similitudes incontestables (mais dont on nous rabattait sans cesse les oreilles au sujet de «frères» en Dieu, liés par le sang, par un fonds ethnoculturel commun et la langue), a pourtant semé des différences et, à la période contemporaine, de profondes divergences. Ainsi en est-il de la longue colonisation de peuplement qui a déchiré l'Algérie et sa population, par rapport au protectorat imposé aux deux monarchies voisines. Il est irresponsable et malhonnête de négliger ces divergences qui enveniment jusqu'aux relations minimales de bon voisinage entre le Maghreb «extrême» et le Maghreb central. C'est dire que ce qui vient de l'Ouest n'est pas toujours bénéfique... Pour s'en convaincre, remontons dans le temps. Rappel historique - Sort tragique de Jugurtha, livré perfidement à l'ennemi romain par Bocchus, son propre beau-père, roi de Maurétanie. - Attaques répétées à la fin du XIIIe siècle contre les Abdelwadides (ou Zianides) se soldant par un siège de Tlemcen d'une durée inégalée, à savoir plus de 8 années. Un record de tous les temps — imposé avec un rare acharnement par le sultan mérinide Abou Yâqoub an-Nasr. Le grand Kateb Yacine a immortalisé cette partie de notre histoire dans la pièce de théâtre La voix des femmes, en hommage à Sitt an-Nissa, mère de Yaghmoracen Ibn Ziane, dont le courage et le talent diplomatie avaient eu raison de l'appétit du Hafside Abou Zakaria qui avait fini par renoncer à la prise devenue imminente de Tlemcen. Le sultan mérinide n'aura pas été aussi sage, bien au contraire. La consolidation du Maghreb central a de tout temps été menacée et perturbée de l'Ouest comme de l'Est. A cet égard, l'exemple de Tlemcen est édifiant face aux invasions successives : Almohades, Hafsides et Mérinides à cette époque charnière de notre histoire... Citons Ibn Khaldoun rendant hommage aux assiégés ayant résisté du 6 mai 1299 au 16 mai 1307 : «Malgré cela, ils ont persévéré dans leur résistance. Oh! combien ont-ils été admirables de persévérance, d'abnégation, de courage et de noblesse !» On gagnerait à lire à ce sujet Sid-Ahmed Bouali dans Les deux grands sièges de Tlemcen (Enal, 1984. Et ce n'est pas fini ! Un autre hommage devrait être rendu au grand Yaghmoracen Ibn Ziane, fondateur de la dynastie zianide, animé par la volonté de préserver le Maghreb central des convoitises incessantes de l'Est et de l'Ouest. Ce souverain, peu connu, n'était pas tlemcénien mais originaire des Aurès, ce qui est fort remarquable à cette époque où les tribus étaient prépondérantes. Mais aussi quelle belle leçon pour tous les régionalismes, clanismes, tribalisme et autres népotismes qui rongent l'Algérie après deux tentatives fort douloureuses d'unité nationale à l'époque moderne : celle de l'émir Abdelkader, suivie de la lutte de Libération nationale ! Au vu de la triste réalité de l'Algérie indépendante, le Chaoui Yaghmoracen, roi de Tlemcen, doit probablement se retourner dans sa tombe ! - Obsession de la dynastie alaouite à vouloir étendre plus à l'Est et au Sud son territoire. Ainsi, après les Saâdiens, le sultan alaouite Mohammed 1er ira jusqu'à dévaster la région de Tlemcen, poussant sa chevauchée jusqu'à Laghouat, en 1641, avant que la Régence turque le confine à l'autre rive de la Tafna. - On croyait finies les incursions marocaines suite à la signature d'un traité, en 1647, établissant la frontière à ladite rivière. Hélas, Moulay Mohammed ne va pas hésiter à occuper Nedroma en 1651. - Pour sa part, Moulay Ismaïl va pousser jusqu'au Djebel Amour en 1678-1679 avant que les Turcs le battent, ce qui l'oblige à reconnaître la frontière établie, et ce, d'autant plus que ses prédécesseurs Mohamed et Rachid l'avaient reconnue par écrit. - Sous le règne de Moulay Souleyman, le tracé frontalier sera scellé à l'oued Kiss en 1795. Jamais ces accords bilatéraux successifs n'ont été respectés par les Alaouites qui n'ont pas cessé de vouloir arracher l'Oranie à la Régence par les armes. N'honorant guère leurs engagements solennels, ces monarques iront jusqu'à profiter opportunément du débarquement français en Algérie pour tenter de nouveau de s'approprier cette région continuellement convoitée. - La suite est connue, restée dans les mémoires, avec la trahison dont s'était rendu coupable Moulay Abderrahmane abandonnant Abdelkader aux troupes de l'invasion françaises, devenues alliées du sultan. Pourtant, deux des fils de l'Emir, Abdelmalek et Ali, combattront aux côtés du glorieux Abdelkrim Al-Khattabi pour la libération du Rif, le premier militairement, le second sur les fronts diplomatique et logistique. Il est vrai que cette lutte armée, la seule d'envergure au Maroc, a été livrée par la République du Rif, et non par la monarchie... Le sort d'Abdelkader ne rappelle-t-il pas celui de Jugurtha ? - Faut-il s'en étonner alors que déjà en 1591, le Saâdien Ahmed VI al-Mansour n'avait pas eu de scrupules, passant outre l'opposition amplement motivée (et courageuse) du corps des Oulamas, à détruire le fameux empire Songhaï, berceau de l'Islam en Afrique de l'Ouest. Le corps expéditionnaire marocain, comptant de nombreux renégats et autres mercenaires, était sous les ordres de l'un d'entre eux, l'Espagnol Juder, affublé du nom de Djouder Pacha. L'or du mythique Soudan de l'époque – faisant d'Ahmed VI le désormais Mansour al Dahbi – aura facilement eu raison de la fraternité musulmane devant transcender toute considération nationale ou matérielle, ce que les Oulamas de Marrakech n'avaient cessé de prôner, en vain. Cette incursion dans le passé va expliquer grandement le malaise qui dure jusqu'à nos jours. Acharnement contemporain - Qui peut oublier l'attaque perfide infligée à notre pays – dans la deuxième année de l'indépendance ! — pour conquérir de force des territoires réclamés à hauts cris par un monarque aux abois s'appuyant sur un mouvement nationaliste radical et expansionniste incarné à l'époque par le dirigeant istiqlalien Allal al-Fassi ? En jeu, une bonne partie du Sahara algérien, la Mauritanie et d'autres contrées africaines !?! - Le rêve expansionniste du «Grand Maroc» explique, entre autres, l'opposition à l'accession de la Mauritanie à l'indépendance, l'attaque armée contre le «frère» algérien en 1963, la nouvelle guerre des Sables dans les années 1970, le parachutage d'armes au profit d'une faction en révolte en Kabylie, Amgala, la spoliation des biens de nombreux Algériens et leur expulsion du Maroc, les facilités logistiques accordées aux criminels islamistes durant la décennie noire. - Le délire expansionniste de Allal al-Fassi et de la dynastie alaouite ne vise, sur les plans diplomatique, médiatique et militaire, que le «frère» algérien, occultant la question de la persistance de places fortes espagnoles en territoire «chérifien». Ifni a été rétrocédé par l'Espagne qui continue à humilier les Marocains aux frontières, notamment celles des enclaves de Ceuta et Mellila... dispensées de la moindre «Marche verte». Le yacht du roi actuel a même été pris d'assaut par un commando de la marine espagnole, en eaux territoriales marocaines, sans que Mohamed VI, à bord, humilié, et l'immense clientèle du Palais-Makhzen réagissent à ce crime de lèse majesté. Les liens historiques, géographiques et royaux avec l'Espagne ne cessent d'être célébrés, servilement et ad nauseam, par la classe politique et le monde médiatique. Tout ce beau monde s'acharne à l'unisson sur l'Algérie, l'ANP et les Algériens, acharnement devenu sport national, exutoire des frustrations dues au mépris espagnol et à la prédation royale. - La liste comporte aussi la thèse voulant que le général Mohamed Oufkir (officier français ayant accédé au pouvoir alaouite, comme tous les autres des armées espagnole et française«ennemies») ait «livré» à celle-ci cinq dirigeants historiques du FLN dont l'avion avait été arraisonné (premier acte de piraterie aérienne de l'histoire !) le 22 octobre1956. Cet événement gravissime a mis à nu la duplicité d'une monarchie aux ordres de l'occupant, en total décalage par rapport à la fureur légitime de la population marocaine qui s'est sentie visée par cette atteinte à sa dignité. Meknès et sa région ont vu cette révolte se traduire par la mort de colons et de gendarmes mobiles français, pendant que le Palais royal se contentait de jouer à hauts cris aux vierges offensées pour calmer un mouvement populaire pouvant ébranler ses assises. - Rappelons encore, outre les phases d'expulsions du Maroc de familles entières, la spoliation des biens de nombreux Algériens, notamment des fermes qui se sont retrouvées pour la plupart — par un Saint-Esprit alaouite — dans le domaine royal, en expansion constante, sans compensation aucune à ce jour. Il y a eu une quasi-chasse aux Algériens dans la foulée des attentats de Marrakech de 1994, y compris ceux qui avaient d'autres nationalités. Ces derniers ont fini par être épargnés par suite des avertissements fermes des gouvernements occidentaux, instructions respectées à la lettre et comme toujours, servilement. Il faut savoir que les visiteurs de nationalité algérienne et même d'origine algérienne (détenteurs de passeports européens ou américains) continuent à être pistés par les services de police durant tout leur séjour et leurs déplacements au Maroc. - La richesse de la famille royale est tout à fait récente. Elle découle de plusieurs sources comme les multiples bras tentaculaires de l'ex-ONA (Omnium nord-africain), multinationale qui contrôle la Société nationale d'investissement via la holding alaouite Siger, premier groupe privé du pays. S'y ajoute, entre autres prédations, l'accaparement de terres agricoles de colons français et de «frères» algériens. Durant le protectorat, la paye française versée à feu Mohamed V étant insuffisante pour couvrir notamment le train de vie très princier du futur roi Hassan, il comptait couramment sur les dons de riches commerçants de Casablanca et des grands propriétaires. Quelques décennies plus tard, la miraculeuse fortune royale, de plusieurs milliards d'euros, est l'une des premières du monde. Pourtant, Mohammed VI ne se lasse pas de vivre grassement aux dépens du peuple marocain, tenu de consacrer à Sa Majesté une enveloppe de près de 250 millions d'euros annuellement, prélevée à même le budget de l'Etat ! Très pernicieusement, on s'était amusé à le sacrer «monarque des pauvres» !!! Pour la gloire de la famille royale, on multiplie les fondations charitables et humanitaires... avec l'argent du peuple. Véritable main basse sur le pays ! - Les autorités marocaines continuent d'expulser les «harraga» d'Afrique sub-saharienne vers l'Algérie, souvent après sévices, viols et vols par les gendarmes et policiers de Sa Majesté. Un «déversoir» toléré par notre gouvernement ? Pour l'image, si précieuse en cet Etat-vitrine vassal de l'Occident, des cérémonies de remise de titres de séjour à une poignée de migrants sont organisées sous haute couverture médiatique et, comme toujours, «Sous le Haut Patronage et sur Hautes Instructions EÒ‹clairées de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Dieu l'assiste»... Majuscules partout, noble sultanat oblige ! - Jamais l'ANP ne pardonnera les violences dont ont été victimes tous les prisonniers de guerre algériens aux mains inhumaines de leurs geôliers marocains. Nécessité d'un réveil Notre caractère émotif remet régulièrement à jour et à fleur de peau les slogans de fraternité maghrébine, arabo-berbère et musulmane pour des besoins stratégiques et politiques... instantanés. Mais c'est pour mieux les repousser par des attitudes nationalistes exacerbées. Ainsi, l'affaire du Sahara occidental a été (et demeure) le fruit précieux des manœuvres du roi Hassan II qui avait besoin de consolider un trône alaouite chancelant. Rien de mieux qu'une diversion extérieure pour essayer de masquer les immenses problèmes intérieurs dus en grande partie à un Makhzen tentaculaire, oppressant et prédateur, au service d'une famille et de sa large clientèle bourgeoise, pilier de la monarchie. Ainsi, Hassan II, grand manœuvrier intrigant, aura réussi un coup double : écarter l'Algérie de la recherche d'une solution consensuelle et juste à la décolonisation du territoire limitrophe occupé par l'Espagne, et raffermissement du trône de la famille Alaoui par un unanimisme populaire savamment orchestré, très organisé, bien encadré et minutieusement entretenu. Le Sahara est devenu – outre le prétexte pour étouffer toute contestation sociale – le porte-étendard de l'unité sacrée de la nation autour de la personne du roi (elle aussi sacrée). Il faut dire que, comme tant d'autres depuis des siècles, les Alaouites s'attribuent le titre fort galvaudé de Chorfas, soi-disant descendants du Prophète, investissant le monarque de la mission d'Amir al-Mou'minines Hami al-Malla Wa ad-Dine... Ennemi de Dieu, traître à la Nation et à Sa Majesté tout Marocain se risquant à évoquer le moindre droit à l'autodétermination des Sahraouis, il aura violé le sacro-saint consensus porté par la devise du royaume, à savoir «Allah, al-Watan, al-Malik». Lourdes erreurs ? - Le dos de l'Algérie et des Algériens, ennemis attitrés et consacrés, est très large. A cet égard, que penser de la thèse voulant que Boumediène se soit fait avoir par Hassan II et même par le leader mauritanien Mokhtar Ould Daddah, sournoisement débauché par le roi pour un partage à deux du Sahara occidental ? (Il s'agissait en définitive d'un marché de dupes destiné à l'appropriation, ultérieurement et encore par la force armée, de l'ensemble du territoire par le Maroc). - L'Algérie officielle aurait refusé l'accès à son espace aérien —et donc l'asile politique— à des aviateurs impliqués dans la tentative de coup d'Etat de 1972 contre Hassan II... Pour acheter la paix avec sa Majesté ? Autre marché de dupes ? - On cultive sciemment au Maroc le doute sur la valeur de la ratification de la Convention bilatérale de 1969 sur la délimitation des frontières... que l'Algérie s'était précipitée à ratifier. Erreur stratégique grave ? - L'Algérie est dans l'obligation d'entretenir une forte armée, bien équipée et dont les moyens doivent être renouvelés, à fort prix, alors que les monarchies du Golfe paient en grande partie des équipements des Forces armées royales, particulièrement les avions de chasse. Pourquoi donc l'Algérie accepte-t-elle de traiter «fraternellement» avec lesdites monarchies qui, de surcroît, financent la destruction (voulue par Tel Aviv et Washington) de pans entiers des sociétés du Moyen-Orient et pervertissent l'Islam ? - L'Algérie se retrouve avec une partie du peuple sahraoui sur son territoire et dont des composantes pourraient vouloir en découdre avec l'occupant. Si la perspective de reprise des hostilités avec le Maroc se pose avec acuité, il est possible aussi que des camps de réfugiés émanent des difficultés pour l'Algérie comme cela a été le cas pour les Etats du Moyen-Orient ayant des camps de réfugiés palestiniens sur leurs territoires. La combinaison de plusieurs facteurs peut concourir à cette éventualité : la durée du conflit, l'absence de perspectives d'avenir pour une jeunesse éduquée et un statu quo insupportable après 4 décennies d'exil et de charité internationale. - L'économie algérienne contribue à celles du Maroc et de la Tunisie par le biais d'une contrebande tolérée et fort coûteuse pour le contribuable algérien. S'il est vrai que l'Algérie est potentiellement riche, et qu'elle fait face à des situations internes difficiles, elle a tout fait pour la promotion du Maghreb des peuples, sans y arriver du fait de deux refus historiques des élites tunisienne et marocaine : refus de mener ensemble la guerre de libération anticoloniale et de la lutte commune pour le développement. Prenons-en acte. - Les gouvernants tunisiens aussi, profitant du laxisme du «grand frère algérien», avaient réclamé un bout de territoire, mettant en exergue la question de la borne 233 dont la solution n'a pu être trouvée qu'en 1970 ! Passons sur le non-respect des engagements commerciaux et des mesures unilatérales prises à l'encontre des visiteurs algériens qui, pourtant, alimentent le tourisme tunisien depuis longtemps et sont en train de le sauver de l'écroulement total. Avertissement nécessaire Nous sommes tentés de crier : ÇA SUFFIT ! Oui, nous portons l'étiquette de gens ombrageux pouvant être agressifs quand on veut nous blesser ; certes, notre sens du «Nif» est parfois démesuré. Mais l'injustice est intolérable. Un exemple de ce constat pour finir cet exposé : durant la maladie du président Boumediène, des tracteurs tunisiens avaient envahi des terres agricoles en territoire algérien à la frontière, près de Souk-Ahras. La nouvelle s'étant répandue comme une traînée de poudre, un mouvement spontané dans l'ex-Taghaste a mobilisé des centaines de citoyens et des dizaines de véhicules. Arrivés sur les lieux, ces fiers Algériens ont rétabli l'ordre de la manière la plus expéditive, sans recours aux autorités militaires, policières ou civiles. A bon entendeur... salut ! Ne sont-ils pas les dignes successeurs des guerriers hanenchas qui avaient mis en déroute, en territoire tunisien, les troupes du bey de Tunis, mettant fin ainsi aux ambitions beylicales de contrôler El Kala (La Calle), et ses concessions de corail, et ce, avant d'affronter les troupes d'occupation française. Tous les notables hanenchas avaient été par la suite déportés en Nouvelle-Calédonie. Que nos voisins de l'Est et surtout de l'Ouest sachent que les Algériens ont subi une sauvage colonisation de peuplement de 132 ans, alors que eux, ils ont été soumis à un régime de protectorat de quelques décennies qui a respecté la culture, la religion et la langue. Le peuple algérien a été nié dans sa personnalité propre et l'évolution normale de la société en a été irrémédiablement perturbée. Nous avons payé un tribut énorme que les Tunisiens et les Marocains n'ont pas connu, ne serait-ce que parce qu'ils avaient refusé de se joindre à nous pour une lutte armée commune, étendue à tout le Maghreb. Soyons reconnaissants tout de même pour les sanctuaires fournis durant la lutte de Libération nationale à l'ALN et au GPRA. Le peuple algérien a réussi à faire échouer, pour la première fois dans l'Histoire moderne de l'humanité, une opération délibérée de colonisation de peuplement. Le prix payé l'a rendu intransigeant sur sa dignité et son territoire, arrachés de haute lutte. Mais l'histoire nous enseigne que le Maghreb central a de tout temps suscité des appétits, et particulièrement de ses voisins anciens et nouveaux. Renonçant aux slogans vides de sens et à l'émotion sans lendemain de la fraternité (de façade), de la Ligue arabe et de l'Union maghrébine, nous réclamons le respect, dans la paix, parce qu'il s'agit de notre droit. Il est du devoir des «frères» voisins de le respecter comme l'Algérie respecte ses engagements vis-à-vis d'eux. Aucune velléité d'expansion ne nous anime et nous éclatons de rire quand on nous prête l'ambition de vouloir obtenir un accès à l'Atlantique ; notre Méditerranée nous suffit ! Nous savons mieux que vous, chers «frères», ce que colonisation, occupation et impérialisme signifient pour vouloir les infliger à d'autres qui, de surcroît, sont nos proches. Que nos dirigeants fassent savoir haut et fort que les Algériens ne se laisseront pas faire ! Qu'ils relèvent la tête fièrement et fermement face aux prétentions, revendications, manigances et actions hostiles ! Loin d'être un réquisitoire fourre-tout, et l'accumulation de rancœurs accumulées depuis des siècles, ce cri du cœur patriotique (et non nationaliste) ne vise aucunement les peuples voisins, innocents de ce qui se trame en leur nom. Il s'adresse aux élites irresponsables qui se maintiennent coûte que coûte et par tout moyen à un pouvoir avilissant leurs populations... Sur le dos de l'Algérie qui a bien d'autres défis devant elle qu'une course aux armements et la réplique à une propagande aussi déplorable que destructrice pour les opinions publiques du Maghreb. Les Etats-vitrines, particulièrement le Maroc, ont la servilité facile vis-à-vis des Occidentaux —véritable «esprit de l'oncle Tom !»— mais entretiennent l'hostilité à notre égard, entrecoupée d'entractes pitoyables d'embrassades, «salamalecs» et hymnes à l'union «fraternelle», le tout arrosé d'une bonne dose de «parler musulman» et de bondieuserie. Les peuples ne sont pas dupes de tels (faux) élans de leurs dirigeants qui insultent leur intelligence. A défaut d'être frères, soyons proches et solidaires, tout simplement. Cependant, notre dignité n'est pas négociable, ce que nos ancêtres et nos parents ont su préserver à travers les âges et à quel prix ! Nous devons d'abord construire notre personnalité et notre pays loin du chant des sirènes arabiste, berbériste et islamiste pour faire entrer l'algérianité dans la modernité sans céder quoi que ce soit de nos appartenances arabe, berbère, islamique... et maghrébine.