Les non-dits d’une visite

Ahmed Benaïssa hier à Alger

Le chef de la diplomatie marocaine devait animer une conférence de presse, déprogrammée à la dernière minute.
De quel message royal Ahmed Benaïssa était-il porteur hier ? Envoyé spécial du roi Mohamed VI à Alger, le chef de la diplomatie marocaine a achevé sa visite éclair par un détour au Palais d’El-Mouradia où il a été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika. Auparavant, il s’était rendu au siège du ministère des Affaires étrangères pour un entretien avec son homologue algérien Abdelaziz Belkhadem.
Dans une déclaration très laconique à la presse, M. Benaïssa a inscrit son déplacement “dans le cadre des consultations diplomatiques et la prospection de nouveaux horizons�. Tout aussi concis, M. Belkhadem a plaidé pour “la prospection des voies et des moyens de relance du travail des commissions mixtes, économique et celle relative aux affaires consulaires�. Ces ateliers avaient été mis en place lors du précédent séjour du ministre marocain en juin 2003, sans grands résultats cependant. Car depuis, hormis les professions de foi formulées de part et d’autre, la normalisation des rapports entre les deux voisins se heurte à divers contentieux dont le plus important, est celui du Sahara occidental. Diamétralement opposées, les positions algéro-marocaines sur cette question ont empoisonné les relations. Rabat voit dans le soutien de l’Algérie à la cause sahraouie, une ingérence dans ses affaires internes alors qu’Alger se défend d’être partie prenante du conflit et s’en remet au plan de règlement de l’ONU. “L’Algérie n’est pas tutrice du peuple sahraoui�, a fait savoir M. Belkhadem dans une récente conférence de presse. Pour autant, Rabat voit encore d’un mauvais œil l’activisme algérien en faveur du droit à l’autodétermination de l’ancienne province espagnole. Sa position est d’autant plus dérangeante qu’elle est partagée par une partie des membres de l’Union européenne et des États-Unis. Même la France, plus grand soutien du royaume alaouite, ne cherche plus à imposer ses points de vue à Alger.
À diverses reprises, le président Chirac a démenti jouer au médiateur entre les deux chefs d’État. Qu’est venu alors chercher Benaïssa à Alger si rien n’est encore réglé à propos du Sahara occidental ?
On n’en saura rien ! Le chef de la diplomatie marocaine devait animer une conférence de presse au terme de sa visite pour éclairer les journalistes sur les motivations de son déplacement à Alger. La rencontre, qui devait se tenir à l’aéroport, sera finalement annulée sans aucune explication. La dernière fois où un ministre marocain — celui de l’Intérieur, il y a deux ans —, s’est prêté au jeu des questions réponses, le rituel a entraîné un incident diplomatique.
Les susceptibilités de part et d’autre font l’effet d’étincelles. La partie marocaine trouve motif à tout pour pousser au pourrissement et provoquer l’escalade. En 1994, elle avait décidé d’instaurer les visas pour les ressortissants algériens suite aux attentats de Marrakech dont elle avait fait endosser la responsabilité aux services secrets algériens. Par deux fois, en 2003 puis cette année, le roi Mohamed VI a boudé le Sommet de l’Union du Maghreb arabe qui devait se tenir à Alger, entraînant le report des deux sessions.
S. L.