Par Kader Bakou C'est l'histoire d'Ali, le Libyen. Ali a fait ses études dans l'ex-URSS. La généreuse bourse octroyée par l'Etat libyen lui avait permis de vivre comme un roi en exil au pays des bolcheviks. Il avait dépensé sans compter, les amis, l'argent, les belles filles et puis ses vingt ans. La fin des études est venue trop vite. Le retour au pays a été un choc pour Ali qui se considérait un peu comme un Russe. Son séjour dans ce grand pays européen l'a rendu un grand admirateur de la culture et du mode de vie européens. Ainsi, après son retour en Libye et malgré le niveau de vie très élevé du temps de Kadhafi, il ne s'est jamais réadapté à la vie dans son pays. La morne vie dans son pays et dans le monde arabo-musulman en général, avec ses traditions et sa société archaïque est, selon lui, comparable à une vie dans une caserne. Même si son corps est dans son pays natal, son esprit est toujours ailleurs, très loin, sur les bords du Don, de la Volga ou de la Moskova, parfois jusqu'au beau Danube bleu. Mais il aimait aussi l'Occident et ne ratait aucune occasion d'aller faire un tour du côté du Rhin, de la Seine ou de la Tamise. Vint l'année 2011. Des troubles fortement médiatisés par certaines chaînes de télévision «arabes» et une chaîne française arabophone sont signalés dans certaines régions de la Libye. Ali est méfiant. Beaucoup de ses amis s'étonnent que lui qui avait vécu en Europe, soit contre «le changement» et «la révolution». «Qui sont ces révolutionnaires et quel est leur programme ? Vous n'avez pas vu ce que ces pseudo-révolutions ont donné en Tunisie et en Egypte ? Je ne cautionnerai jamais une intervention militaire étrangère contre mon pays, quels qu'en soient les motifs. C'est une question de principe», leur répondait-il chaque fois. A ceux qui s'entêtaient à voir en les forces de l'Otan des «libérateurs» leur apportant sur un plateau en or la démocratie et le progrès, Ali répondait : «Vous voulez coûte que coûte la guerre ? Dans ce cas, vous allez la faire sans moi ! » En 2011, personne ne comprenait ce qu'Ali voulait dire. Aujourd'hui tous ont compris. Ali est parti très loin. Il vit quelque part en Scandinavie. En Libye, tout le monde est contre tout le monde, sans vraiment savoir contre qui, pour qui et pour quoi il fait la guerre. K. B.