«Il est injuste de faire porter les difficultés de l'économie algérienne sur le dos de l'Accord d'association (AA) entre l'Algérie et l'Union européenne.» C'est ce qu'a soutenu, hier, à Alger, Marek Skolil, chef de la Délégation de l'UE, en Algérie à l'occasion des matinales du Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE). Younès Djama - Alger (Le Soir) - La sortie du diplomate européen sonne comme une réponse aux parties algériennes qui ont mis en cause l'AA en estimant qu'il était en défaveur de notre pays. La dernière réaction en date émane du chef de l'Etat lui-même qui, lors du Conseil des ministres du 6 octobre dernier, a fait clairement comprendre le souhait de l'Algérie de renégocier les volets économique et commercial de l'accord d'association. Une option que le chef de la délégation de l'Union européenne en Algérie dit partager. «Nous sommes d'accord avec nos amis algériens qu'après dix ans de mise en œuvre de cet accord (signé en 2002, sa mise en application est intervenue en 2005), le moment est venu de faire une évaluation commune, conjointe. C'est la position algérienne et nous l'épousons complètement», a soutenu le diplomate. Et M. Skolil d'ajouter : «Nous avons été saisis par l'Algérie pour réfléchir sur le fonctionnement de l'Accord. C'est le moment de le faire, et c'est aussi le moment de se pencher sur les réformes en Algérie (...)». Il invite les deux parties à réfléchir «sur ce que nous voulons faire à l'avenir, car l'UE voit l'avenir de ses rapports avec l'Afrique du Nord, avec une coopération très étroite avec l'Algérie». Dans le même sillage, le diplomate européen a qualifié, dans une déclaration en marge des débats de CARE, que le bilan de l'Accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie de positif, tranchant avec l'appréciation faite par la partie algérienne. «Nos amis algériens nous disent que le bilan est mitigé. Au fond, c'est le débat du verre à moitié plein ou à moitié vide, il nous reste beaucoup de choses à faire mais on ne peut pas nier tout ce que nous avons accompli ensemble», a répondu diplomatiquement le chef de la Délégation de l'UE en Algérie pour qui «il n'y a pas un secteur de l'économie algérienne où les Européens ne travaillent pas avec les Algériens, car, dit-il, c'est cela aussi l'Accord d'association, il n'y a pas que le domaine commercial». Au cours des débats, il a été fait notamment état que l'Algérie est le pays le moins consommateur de crédits européens, sachant que le montant des crédits se situe au-dessus de 720 millions d'euros. Ce que confirme indirectement Marek Skolil qui estime qu'il existe des capacités d'absorption, mais que les deux parties se heurtent très souvent à des lenteurs administratives à la fois du côté algérien et du côté européen. «Nous avons des procédures à la fois en Algérie et à la Commission européenne, lesquelles, notamment sur le plan de la réalisation des infrastructures, sont tellement contraignantes en ce qui concerne la lutte contre la corruption, qu'en fin de compte, on n'arrive pas à faire ce qu'on veut faire dans les délais qui nous sont impartis», a ainsi commenté le diplomate européen. Il renchérit néanmoins en estimant qu'on ne peut pas «imputer cela à la seule partie algérienne ni à la seule partie européenne, car nous nous devons de travailler dans le cadre contraignant des deux côtés». De son côté, Halim Benattallah, qui a été un des négociateurs de l'Accord d'association Algérie-UE, a estimé que le débat «n'est pas de dire si le bilan est positif ou non», mais qu'il fallait engager un débat «algéro-algérien» sur la question. Selon lui, le débat doit être ramené au niveau des experts et des entreprises jusque-là exclus. «Si on prend les 50 propositions du FCE (Forum des chefs d'entreprises), le plan d'urgence de Nabni ou encore les propositions de CARE, et que nous les mettions ensemble... nous avons une chance de nous en sortir, car il s'agit de propositions concrètes», a-t-il clamé. Une proposition que ne partage pas le président de l'Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri, pour qui la solution est que les politiques doivent désormais prendre en main cet accord. Il a appelé à la nécessité d'aller vers une «étude d'impact global» de l'Accord d'association, et cela «sur tous les aspects socioéconomiques et industriels». Il met en garde contre le risque de fragilisation de l'industrie algérienne surtout avec l'entrée dans l'UE de pays «à bas coûts» comme la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, l'Albanie, etc., et qui vont accéder sur le marché algérien.