Selon la secrétaire générale du Parti des travailleurs Louisa Hanoune, les ingrédients qui ont conduit les Américains à élire Donald Trump à la tête des Etats-Unis, provoquant un véritable séisme dans le monde capitaliste, seraient réunis aussi bien dans des pays européens qu'en Algérie. «Pour nous, ces élections pourraient accentuer la crise mais nous restons cependant attentifs aux développements en évitant d'émettre des jugements anticipés d'autant plus que nous considérons que le nouveau locataire de la Maison Blanche n'est ni meilleur ni pire que sa rivale Hillary Clinton». Louisa Hanoune n'y va pas cependant avec le dos de la cuillère pour stigmatiser les rédacteurs de la lettre de félicitations adressée au futur président américain au nom du président Abdelaziz Bouteflika, en son absence, souligne-t-elle, laquelle missive serait marquée par empressement de louanges outrepassant le caractère protocolaire dû à un tel acte. Juste ce qu'il faut à la chef de file du PT pour coulisser vers un réquisitoire des plus acerbes à l'égard du gouvernement, notamment sa politique sociale et économique qui serait selon elle le lit d'une «somalisation» potentielle du pays. «La nature des dangers qui guettent le pays conséquemment à la guerre économique et sociale déclarée au peuple algérien à travers les lois et projets de lois annoncés depuis 2015 et notamment la loi de finances de 2017 au moment où l'ampleur des dégâts engendrés par la loi de 2016 sur le pouvoir d'achat, l'économie, le développement local et le tissu social sont toujours d'actualité», martèlera-t-elle. Aussi cette loi portant atteinte aux acquis des travailleurs s'agissant de la retraite, la loi sanitaire et également la loi du travail qui est en cours d'élaboration et dont la mouture texte préliminaire serait «terrifiante» sont mis en avant par Louisa Hanoune qui estime que ces projets autant que ceux qui vont suivre «frappent de plein fouet les acquis sociaux et économiques alors qu'au niveau politique, l'absence de perspective et le flou caractérisent l'action du gouvernement. Aussi, dire que les mêmes politiques destructives qui ont cantonné les Américains dans leurs derniers retranchements prévalent chez nous». Et de s'interroger «nos dirigeants ont-ils perçu la teneur de l'avertissement porté par la sanction des élections américaines ?» La réalité du terrain sur les plan économique et social attestent que non, affirme Louisa Hanoune qui évoque les dérives, provocations et mépris à l'endroit des travailleurs et leurs représentants syndicaux quant au fait de soumettre la nouvelle loi sur les retraites à la commission de la santé et des affaires sociales au niveau de l'APN le même jour choisi par les travailleurs pour déclencher une grève afin de manifester leur rejet de cette loi. «Totalitarisme et fait accompli» auraient prévalu au passage de cette loi devant les députés «sommés de la voter sans la moindre consultation des partenaires concernés». Une loi qui serait selon elle «un prélude à la loi du travail qui viendra confirmer une récession totale». Louisa Hanoune qui salue et soutient les syndicats autonomes dans leur combat, égratigne à ce propos les dirigeants de l'UGTA : «En 2013, nous savions que l'ugta avait manifesté son opposition à ce projet mais nous ignorons si ses dirigeants maintiennent les mêmes convictions car nous appréhendons leurs orientations actuelles. C'est un projet qui détruit les syndicats, dira-t-elle à propos du projet de loi sur le travail». Revenant sur la question des retraites, elle peste «à ceux qui prétendent que la retraite anticipée conduit fatalement à la faillite de la Caisse des retraites, nous répondons que ce sont les patrons qui ne déclarent pas neuf sur dix de leurs travailleurs qui en sont responsables de la situation peu enviable de la Caisse des retraites mais aussi le travail au noir en général. En été, ils ont assuré qu'il n'y avait aucune inquiétude qui pèse sur l'aptitude de la Caisse des retraites à honorer ses engagements avant qu'ils ne reviennent sur leurs dires 3 mois plus tard. Le coût de toutes les charges dues à la Caisse des retraites pour l'année 2016 sont évalués à 885 milliards de da ce qui est insignifiant devant les 1 000 milliards de da des droits de douanes impayés par les privilégiés du système. Un coût qui représente aussi moins de 10% des 9 981 milliards de da d'impôts impayés à la fin de 2013, un chiffre qui serait aujourd'hui de l'ordre de 15 000 milliards ou encore par rapport aux 7 500 milliards de crédits dits économiques non recouverts auprès de bénéficiaires censés créer la richesse et l'emploi. Ajouter la surfacturation qui a atteint des sommes vertigineuses selon les Douanes algériennes (15 à 20 M USD par an), soit 120 MUSD entre 2010 et 2015 et 270 M da inhérentes aux différentes fraudes pour la même période. Des sommes qui en vérité permettent à l'Etat d'assurer avec aisance son budget sans recourir à une autre source de financement pendant au moins trois années». Pour Louisa Hanoune, tout cela dénote une orientation idéologique avérée du gouvernement à favoriser une minorité de riches aux dépens d'une majorité de pauvres. Une politique de classes qui risque de faire disparaître la classe moyenne qui connaît une nette récession après quelques lueurs d'espoir». «Le projet de loi de finances de 2017 n'indique pas l'austérité ressassée çà et là mais une véritable guerre», poursuit-elle en suspectant une volonté de réduire la masse salariale en poussant les cadres à partir à la retraite avant la fin de l'année et la perte d'un million de postes d'emploi puisque la possibilité de remplacement de ces départs n'est pas envisagée et les chiffres avancés quant à la création de nouveaux postes sont toujours erronés, assimilant l'activité au travail dument reconnu. La réduction de la TAP qui serait au centre des débats du conclave prévu aujourd'hui entre le ministre de l'Intérieur et les walis serait, selon Louisa Hanoune, un indicateur fort des desseins du gouvernement à accéder aux desirata des opérateurs économiques et confirme le retrait de l'Etat vis-à-vis de son rôle et engagement en incitant les collectivités locales à se débrouiller pour trouver de nouvelles sources de financement. «Retrait qui fait encourir à la République le danger de dislocation et autant de crainte pour son unité et sa stabilité». Un risque de «somalisation» en somme du pays, induit notamment par «le comportement délinquant» de l'Etat lui-même qui devient mauvais payeur quand on sait à titre d'exemple « que la réduction du budget d'équipement, des autorisations de programmes de 500 MDA et des crédits de payement de 1 000 M DA, et l'annulation de 5 000 projets». Le tout découle «d'un processus de destruction enclenché depuis la fin de 2014 et une politique suicidaire qui a fait que notre pays est entré de plain-pied dans la zone de turbulences». A travers le programme économique et social annoncé par le gouvernement pour l'horizon 2020, «cela dénote que celui qui envisage de rester jusqu'à cette date, et par voie de conséquence il va tout démanteler à commencer par les normes du travail» elle n'y voit d'issue que dans «la mobilisation de tous pour faire face à ce rouleau compresseur qui mène le pays vers sa propre ruine car ce ne sont pas les syndicats autonomes et les partis qui les soutiennent qui prônent un discours politique populiste et une atteinte à la stabilité de l'Etat mais ceux qui ont conçu des lois antisociales et vidé l'Etat de sa substance pour en faire une coquille vide».