La rencontre du chef du gouvernement avec la presse ce vendredi aura �t� tr�s instructive. Quatre ratios �conomiques sont rendus publics et ainsi officialis�s au titre de l'ann�e 2004. Les r�serves de change : 43 milliards de dollars. Le stock de la dette ext�rieure : 21,4 milliards de dollars. Les nouveaux emprunts ext�rieurs : 7,2 milliards de dollars (pour les cinq derni�res ann�es). La corruption : 500 millions d'euros. Il y a certainement plus d'un rapport entre les r�serves de change, le niveau g�n�ral d'endettement, le recours des entreprises aux emprunts ext�rieurs et la corruption. Nos gouvernants n'ont aucun m�rite dans la r�duction du niveau g�n�ral d'endettement. L'�volution du stock de la dette alg�rienne apr�s r��chelonnement augurait d�s 1994 une tendance � la baisse � partir de 1997. Les pr�visions �tablies jusqu'en 2008 ne semblent �galement pas s�rieusement affect�es (dans le sens de la r�sorption du poids de la dette) par l'impact des remboursements anticip�s ou des conversions de dettes en titres de participation au capital des entreprises locales. Cet impact reste faible en d�pit de la conclusion d'accords bilat�raux, notamment avec l'Espagne et la France. Il ne pouvait objectivement en �tre autrement. Les strat�gies ou politiques de gestion de cette question tiennent � la d�finition et � l'ordonnancement de trois variables � caract�re externe : les revenus tir�s des exportations, le service de la dette et les nouveaux emprunts. Ces strat�gies tiennent �galement � des variables internes de politique �conomique dans lesquelles les questions financi�res et mon�taires (comme la monnaie, le cr�dit et l'investissement) se taillent la part du lion. La capacit� de l'Alg�rie � faire face � la principale de ces variables (le service de la dette) d�pend d'un flux de recettes en devises marqu� tout autant par l'�volution des cours sur le march� international que par les volumes export�s qui sont de nature � acc�l�rer l'�puisement de ses r�serves. Dans un contexte nouveau de rel�chement des solidarit�s traditionnelles entre pays producteurs, la capacit� de l'Alg�rie � tirer avantage de ces volumes est par ailleurs limit�e par son poids dans le partage des r�serves et de la production: respectivement 0,9% et 1,8% pour le p�trole – 2,5 et 2,6% pour le gaz. A l'exp�rience, si strat�gie de gestion de l'endettement il y a, elle est de type avance sur recettes p�troli�res et gazi�res. Un sch�ma dans lequel Sonatrach assure la transformation mon�taire du p�trole en revenus. La diminution de la dette ext�rieure �aurait pu �tre plus importante encore si ce n'�tait la tendance des diff�rents agents �conomiques publics et priv�s � emprunter de l'ext�rieur � un rythme important malgr� la disponibilit� de r�serves de change appr�ciables�, assure M. Ouyahia. L'empressement des entreprises � rechercher elles-m�mes les financements ext�rieurs n�cessaires � la couverture de leurs importations, y compris des biens courants, affecte l'�ch�ancier de remboursement de la dette, comme en t�moigne en r�gle g�n�rale l'�volution de sa dur�e moyenne. Il s'ensuit g�n�ralement une d�t�rioration de la structure globale de la dette marqu�e par un accroissement simultan� de trois param�tres : de la part des cr�anciers priv�s, de la dette d�bours�e � taux variable et de la dette � court terme. Par ailleurs, l'aisance financi�re retrouv�e alt�re la n�cessaire maturation des projets d'investissements et d'�quipements, dans un contexte d'absence de strat�gie �conomique, de �b�gaiement� du processus des r�formes, d'improvisations et de t�tonnements. Nous risquons alors de reproduire les vieux r�flexes des ann�es 1970 lorsque, pour produire 1 dinar suppl�mentaire, il fallait investir 7,75 dinars dans les hydrocarbures et 3,6 dinars dans les autres secteurs. Le ratio d'efficacit� marginale du capital (ICOR) t�moigne d'une inefficacit� persistante de l'investissement et de la sous-utilisation des capacit�s de production. Ainsi, au jour d'aujourd'hui 55% des entrepreneurs alg�riens n'ont pas de baccalaur�at et 20% d'entre eux n'ont pas de qualification en relation avec leur activit�. Le chef du gouvernement qui juge �irrationnel� ce mode de financement privil�gie les �missions d'emprunts obligataires comparativement au recours aux march�s ext�rieurs. Il a raison de le dire et d'entreprendre de le faire en cette p�riode de sur liquidit� bancaire. Ce faisant, il joue sur du velours. Ailleurs, plus pr�s de nous, la tendance est inverse. A titre de comparaison, les entreprises am�ricaines se financent peu aupr�s des banques et pr�f�rent recourir � 70 % au financement par le march� obligataire. Les entrepreneurs allemands se financent � 75 % par des pr�ts bancaires et les chefs d'entreprise espagnols en majorit� (52,1 %) par le cr�dit entre entreprises. Pour leur part, les entreprises fran�aises se financent � 60,4 % en �mettant des titres sur les march�s financiers, � 37,3 % par le recours au cr�dit entre entreprises et seulement � 2,3 % par le recours aux pr�ts bancaires Mais comparaison n'est pas raison : en Alg�rie, c'est l'ensemble des modes d'endettement (par les banques ou par les obligations sur les march�s financiers balbutiants) qui sont paradoxalement rest�s faibles dans un contexte macro�conomique o� l'emprunt n'est pas cher (taux d'int�r�t bas) et la croissance �lev�e. La volont� d'investir des entrepreneurs, dans un contexte de taux d'int�r�t r�els (tenant compte de l'inflation) plus faibles, n'a pas encore provoqu� le retournement tant attendu de la conjoncture. En fait, c'est l'Etat (ou ses d�membrements �conomiques) qui a le plus recours aux financements en provenance des march�s financiers, par ses �missions d'obligations de court terme (march� mon�taire) ou de long terme (march� obligataire). Mais si l'on consid�re les seules entreprises, on retrouve des formes ant�diluviennes du capital dans le financement de l'activit�. La principale menace qui p�se � court terme sur la croissance est celle d'un rationnement du cr�dit La grande majorit� des entreprises peine, pour ne pas dire �choue, � recevoir les financements n�cessaires au d�veloppement de leurs investissements. Or, l'investissement est suppos� �tre l'un des moteurs de la croissance, avec un taux annuel attendu de l'ordre de 6 % en moyenne pour 2005. Outre qu'elle alt�re la maturation des projets d'investissements, l'aisance financi�re offre un terrain propice � la corruption et aux transferts indus des capitaux vers l'ext�rieur. Sur ce point pr�cis, le chef du gouvernement n'apporte pas d'�l�ment nouveau � ce qu'on conna�t d�j� en mati�re d'�valuation de l'ampleur du fl�au sur lequel nous ne disposons pour l'instant que de deux sources : la Banque mondiale et ses derni�res d�clarations � l'hebdomadaire parisien Le Point. Le rapport de la Banque mondiale, �Un meilleur climat de l'investissement pour tous�, consigne les r�sultats d'un sondage effectu� en 2003 aupr�s de 1400 entreprises pour localiser les freins � l'investissement. Il r�v�le deux grands indices : que 75 % des entreprises d�clarent verser des pots-de-vin pour mener � bien leurs activit�s et que le montant de ces versements occultes repr�sente en moyenne 6 % de leur chiffre d'affaires. Pour sa part, M. Ouyahia avouait � l'hebdomadaire Le Point que �500 millions d'euros sortent chaque ann�e du pays� sous forme de �d�tournements�. En 1992, une autre source estimait que sur les 8,5 milliards de dollars d'importations r�alis�s, 10 � 15 % alimentaient les circuits de la corruption en Alg�rie et dans les pays fournisseurs. La mesure statistique du fl�au dans notre pays n'indique pas les voies et moyens qu'il emprunte pour se perp�tuer et prendre une telle ampleur. L'insertion de l'�conomie alg�rienne dans la division internationale du travail �tant une insertion par la demande, il consiste, pour l'essentiel, en commissions pr�lev�es sur les flux d'importations. La persistance du monopole de fait de l'Etat sur le commerce ext�rieur, associ�e aux m�canismes pervers qui conduisent � �vincer les offres nationales publiques et priv�es susceptibles de se substituer aux op�rateurs �trangers, a maintenu � un niveau �lev� le pr�l�vement des commissions et leur r�partition entre les membres de l'oligarchie p�troli�re. La menace que rec�le le fl�au est donc r�elle. Si le ph�nom�ne n'est pas enray�, �la maffia prendra le dessus dans 10 ou 15 ans�, avertit M. Ouyahia. Ce dernier �nonce ici une litote c'est-�-dire �une figure consistant � dire moins pour faire entendre plus� au sens que lui donne Le Petit Larousse. Une fa�on d�dramatis�e de dire, tout simplement, qu'elle �prendra le pouvoir�.