L'Ordre national des médecins, l'Ordre des pharmaciens, le Conseil de déontologie médicale, le Syndicat algérien des pharmaciens, les praticiens, associations de malades et même le directeur de la Caisse sociale des travailleurs non-salariés sont montés au créneau pour alerter et mettre en garde contre l'utilisation du complément alimentaire (RHB Rahmet Rebbi) présenté comme un médicament contre le diabète. Au même moment, les autorités qui doivent réagir, le ministère de la Santé et celui du Commerce, restent silencieuses. Salima Akkouche - Alger (Le Soir) - Depuis la commercialisation du complément alimentaire dénommé Rahmet Rebbi (RHB), les malades atteints du diabète se l'arrachent. Un engouement envers ce produit qui se vend pourtant dans les officines au prix de 1 760 dinars la boîte qui n'a pas laissé la corporation scientifique indifférente. L'Ordre national des médecins, le Conseil national de déontologie médicale, l'Ordre national des pharmaciens, le Syndicat national des pharmaciens d'officine ont réagi à travers un communiqué pour dénoncer la confusion faite entre l'insuline et un complément alimentaire et mettre en garde les patients. Le Syndicat national des praticiens de santé publique alerte sur «une arnaque», la Fédération nationale des personnes atteintes du diabète et récemment même le directeur général de la Casnos sont montés au créneau pour lever l'amalgame. La section ordinale régionale des pharmaciens relevant du Conseil de déontologie médicale a rendu public un communiqué dans le quel elle souligne que le produit ne devrait pas être commercialisé dans les officines pharmaceutiques dans les conditions actuelles. «Vu le décret exécutif 92-284 du 6 juillet 1992, relatif à l'enregistrement des produits pharmaceutiques à l'usage de la médecine humaine, vu la note n°221 de la direction générale de la pharmacie en date des 16 et 17 novembre 2016 ; vu la non-inscription du produit dans la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques ; vu l'absence d'études scientifiques validées portant sur les essais cliniques du produit ; vu l'absence d'articles scientifiques publiés sur le produit, et donc d'absence d'informations scientifiques validées ; vu l'importance que revêt la question auprès des patients diabétiques en attente d'un traitement définitif du diabète ; vu les avis défavorables et les mises en garde du corps médical notamment la Société algériennes de Diabétologie ; vu les demandes auxquelles devront faire face les pharmaciens de la part des patients ; vu les pratiques anti-déontologiques de commercialisation du produit (monopole de vente, absence de traçabilité, vente concomitante, pack, paiement cash, ...) signalées et les risques de mise en concurrence déloyale entre les pharmaciens ; vu le risque encouru par la population suite à une publicité démesurée vantant des propriétés antidiabétiques non prouvées ; vu le risque encouru par la population qui serait tenté d'abandonner son traitement antidiabétique ; vu la balance bénéfice/risque défavorable du produit en question, nous recommandons la non-commercialisation du produit RHB dans les officines». La section régionale de déontologie des pharmaciens a également souligné qu'«en cas de dépassement de la part des pharmaciens, ou d'accident survenu à un patient diabétique ayant consommé le produit, le Conseil de l'Ordre, en plus des sanctions disciplinaires, se constituera partie civile et portera plainte à l'encontre du contrevenant». Pourtant, malgré les mises en garde de la corporation scientifique, le ministre de la Santé, qui a contribué «au succès» de ce produit en s'affichant avec le fabricant, reste impassible. Son homologue du commerce, qui a autorisé la commercialisation de ce que les patients considèrent comme étant un substitut à l'insuline, a tout aussi adopté la même position. Entretemps, l'ignorance des patients diabétiques risque de leur coûter la vie. S. A. La société algérienne de diabétologie accuse Le ministre de la Santé aurait dû demander l'avis des experts avant d'autoriser le RHB Le produit Rahmet Rebbi (RHB) a été retiré du marché suite à des cas d'hospitalisation des patients diabétiques. La présidence de la République serait derrière cette décision, selon le président de la Société algérienne de diabétologie. La mise sur le marché du produit intrigue le professeur Semrouni qui se demande pourquoi le ministre de la Santé n'a pas fait appel à l'armada d'experts dont il dispose avant de donner son aval. «Il y a au niveau du ministère de la Santé un comité national diabète qui regroupe douze experts cliniciens qui auraient pu donner leurs avis sur le produit Rahmet Rebbi avant qu'il se retrouve dans les officines et cause des cas d'hospitalisations des diabétiques sans parler des conseillers du ministre. Comment est-on passé outre ?», s'interroge Mourad Semrouni, président de la Société algérienne de diabétologie. D'ailleurs, le professeur est affirmatif : ce produit n'est même pas un complément alimentaire du fait qu'il ne répond pas aux exigences du contrôle de qualité du Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP). «Jusqu'à preuve du contraire, ce produit n'est pas un complément alimentaire car il n'a pas été soumis à la réglementation. J'ai moi-même appelé le professeur Mansouri, directeur de ce laboratoire, et il m'a dit l'avoir reçu mais rejeté car on n'a pas spécifié son contenu», a indiqué l'invité de la Radio chaîne III. Comment donc un produit qui n'a pas été contrôlé se retrouve dans les officines et bénéficie d'une large campagne de marketing au point où les patients atteints de diabète se l'arrachent même au prix de 1 760 dinars la boîte ? L'intervenant estime que si le ministre de la Santé n'avait pas donné son accord, ce produit ne serait pas sur le marché. Alors qu'il aurait dû (le ministre ndlr) demander auparavant l'avis des experts au niveau de son département. Le professeur Semrouni se demande, d'ailleurs, comment Abdelmalek Boudiaf a pu être aussi «crédule pour se lancer dans cette affaire sans s'entourer de précautions». «Nous avons constaté des cas d'hospitalisations pour des patients diabétiques, le ministre aurait dû être plus attentif à cela depuis le début du marketing féroce duquel a bénéficié cette formule présentée comme étant un traitement miracle et pousser les patients à substituer leur traitement par une simple formule», a indiqué le président de la Société algérienne de diabétologie. D'ailleurs, selon cet endocrinologue, c'est la présidence de la République qui a agi pour décider du retrait de ce produit. «Je pense que c'est sur injonction de la présidence et de la chefferie du gouvernement, et suite à l'agitation qui a eu lieu autour de ce produit, qu'on a ordonné son retrait», a-t-il souligné. D'ailleurs, selon l'intervenant, s'il y a des décès ou des situations graves suite à la prise de ce produit, les victimes sont en droit de poursuivre en justice pour homicide involontaire les personnes à l'origine de cette situation et ceux étant à l'origine de la promotion du produit. «La Cnas refuse de nous donner les chiffres sur le nombre réel des malades diabétiques» Près de 8% des Algériens seraient diabétiques selon une enquête qui date d'il y a dix ans. Le professeur Semrouni, qui a donné ce chiffre, estime que derrière chaque personne diabétique, il y a une autre personne atteinte du diabète sans le savoir. Mais il n'y a aucune enquête récente, dit-il, pour démontrer le nombre réel des personnes malades. Une mission qui doit être assurée, poursuit-il, par le ministère de la Santé et l'Institut national de santé publique. Cependant, à travers la carte Chifa, dit-il, la Caisse de la Sécurité sociale possède le chiffre réel des patients. Un chiffre que la Cnas et pour des raisons inconnues ne souhaiterait apparemment pas communiquer. «La Cnas refuse de nous donner le chiffre exact des personnes atteintes de diabète, alors qu'à travers la carte Chifa la Caisse connaît le nombre exact des personnes qui sont sous un traitement oral et celles qui sont sous un traitement insuline», a indiqué l'invité de la radio qui recommande à toute personne âgée de plus de 40 ans de faire un bilan annuel, en particulier celles ayant des facteurs de risque. Et parce que l'obésité est l'un des facteurs de risque, pour 500 grammes de poids, la prévalence du diabète augmente de 9%. D'autre part, l'expert exige une réduction de 30% de sucre dans les aliments pour le ramener à son véritable taux. Le ministère du Commerce, après des années de laisser-aller, a décidé de la réduction du sucre et du sel dans les aliments commercialisés. Cependant, le projet tarde à se concrétiser.