«Alger, je te vois» est comme un hommage à la beauté d'Alger, malheureusement, «enlaidie» par un environnement lourd, stressant et parfois hostile, de la mégapole qu'elle est devenue ces derniers temps. Mais comme l'a écrit Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince, on ne voit qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. «Alger, je te vois» est le titre de l'exposition d'arts plastiques (peinture et sculpture) de Rachid Djemaï à la galerie algéroise Seen Art. Comme son titre le laisse deviner, cette expo a pour thème Alger, vue sous différents angles, notamment, social et architectural. Même si actuellement rares sont les femmes qui le portent encore, le haïk blanc est un des symboles d'El-Bahdja. Rachid Djemaï, qui a souvent peint le haïk dans ses œuvres propose dans ce «regard» sur la ville une série d'une dizaine de tableaux représentant des silhouettes féminines drapées de ce voile blanc emblématique avec différentes touches de couleurs, parfois fantaisistes (comme le haïk rouge) et évoluant dans différents environnements. L'artiste a également réalisé des sculptures de silhouettes de femmes en haïk. La matière utilisée va du bois au plastique en passant par le métal ou le béton. Il y a même une sculpture «branchée» sur un circuit intégré, clin d'œil certainement à l'ère numérique de l'informatique et de l'électronique. Cette partie «Haïk» de l'expo propose également au regard du visiteur des sculptures métalliques (acier ou tôles soudées...) bordées de rubans lumineux et de figurines sur bois représentant toujours la femme dans cet habit traditionnel. Cette originale exposition comporte d'autres séries de tableaux qu'on pourrait classer sous le thème d'«Architecture» ou «Paysages». C'est le cas des œuvres (en acrylique) intitulées «Paysages urbain», «La traversée» ou «Ouverture» sur lesquelles le plasticien reproduit la beauté d'un paysage naturel algérois apaisant, bordant des routes, elles, souvent encombrées. Rachid Djemaï propose également une série de quatre œuvres intitulées «Encorbellement» renvoyant de manière singulière à l'architecture de La Casbah d'Alger sans pour autant reproduire cette vieille cité, encore belle, malgré tous les aléas du temps, de la négligence et même de la destruction volontaire ou involontaire. La série «Encorbellement» montre principalement des éléments architecturaux indépendants (façades, fenêtres, portes, ruelles...), sans en définir l'environnement, le tout accentué par une discrète (re) touche de couleurs chaudes. «Alger, je te vois» marque le retour aux expositions de Rachid Djemaï, après une dizaine d'années d'absence. Elle est une sorte d'hommage à la beauté de la ville d'Alger, malheureusement, parfois «enlaidie» par un environnement lourd, stressant et parfois hostile, de la mégapole qu'elle est devenue ces derniers temps. Mais comme l'a écrit Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince, on ne voit qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. L'influence américaine est perceptible dans les œuvres, la technique et aussi la «philosophie» de Djemaï qui a vécu six années aux Etats- Unis. «Pas de nostalgie, ses œuvres sont contemporaines, elles adoptent les techniques du futur, regardant vers l'avant et ne pleurent pas sur un passé révolu. Inutile de classer cet artiste atypique qui s'amuse de tout ce qui l'entoure ; il s'engouffre dans tous les domaines, peinture, béton, lumières, plâtre, néon, bronze, etc. Rien ne l'arrête. Sentir et prendre plaisir dans l'ivresse de la création est son credo», écrit à son sujet l'artiste Jaoudet Gassouma, en 2011 (expo au Musée d'art contemporain d'Alger). Rachid Djemaï, né en 1947, est diplômé de l'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger en 1969. Entre 1973 et 1979, il a vécu aux Etats-Unis où il a fait un passage au City College de San Francisco (Californie). En 2012, il a été invité par le ministère de la Culture de la Chine pour une résidence d'artistes au pays de Confucius. En Algérie, il a, sous la direction de M'hammed Issiakhem, participé au chantier de l'embellissement de la ville d'Alger et à l'aménagement du Musée central de l'armée. L'artiste a exposé dans plusieurs pays comme la Chine, les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal et la France. Il a aussi organisé plusieurs expositions dans son propre atelier en Algérie. «Je travaille sur le voile d'Alger (le haïk). C'est mon outil plastique et le paysage avec le souvenir de Monet», écrit-il dans son blog. Inaugurée vendredi dernier, l'exposition «Alger, je te vois» se poursuit jusqu'au 7 janvier 2017 à la galerie Seen Art, située à Dély-Ibrahim.