[email protected] Raouraoua par-ci, Raouraoua par-là ! Ce sont de véritables appels au crime qui sont lancés par certains jeunes journalistes qui oublient leur noble mission pour endosser l'habit du supporter chauvin et du populisme. C'est tout le système qu'il faut dénoncer car Raouraoua n'est pas responsable de la débâcle de l'athlétisme algérien à Rio, ni des défaites humiliantes du Cinq national aux dernières joutes arabes ! Et puis, la presse est-elle si innocente ? Répéter à longueur de colonnes et via des écrans multipliés à l'infini que l'Algérie est favorite à la CAN-2017 n'a servi qu'à berner l'opinion sportive. La presse est mal placée, aujourd'hui, pour tomber d'une manière aussi vile sur des hommes qu'elle a portés au summum de la gloire ! N'étant pas surpris par l'élimination prématurée des Verts dans cette CAN-2017, puisque je l'avais prévue bien avant, - ainsi que la prochaine élimination en Coupe du monde -, je le suis par contre par la réaction quasi unanime de la presse algérienne. Qui a écrit que nous étions favoris ? Qui a bombardé à l'écran ces «nous aurons cette Coupe !», «qui arrêtera l'Algérie?», etc. ? Et sur quelle argumentation s'était-on appuyé pour justifier un tel optimisme ? Pour une équipe qui ne compte aucune performance digne de ce nom depuis... 1990, il y avait de quoi s'étonner quant à ces panégyriques sous-tendus par de sordides calculs politiciens ! Oui, quelle performance : une double qualification en Coupe du monde ? Tout le monde se qualifie un jour ou l'autre, même si cette expédition d'Oum Dourman avait le goût exquis des missions impossibles rendues possibles par la volonté des hommes, leur sens de l'honneur et leur combat héroïque ! Et cette double participation, que nous a-t-elle valu pour en faire une équipée homérique ? Certes, il y eut cette qualification au second tour et ce match inoubliable contre l'Allemagne. Mais, à l'heure de la comptabilité, on oublie tout ; on oublie l'héroïsme et la hardiesse et l'on ne garde que les chiffres, froids, tristement honnêtes, qui nous disent que, sur sept matchs, nous n'en avons gagné qu'un seul ! UN SEUL ! Contre la Corée du Sud... Nous avons perdu ou fait match nul pour tous les autres ! Est-ce suffisant pour tresser des lauriers sur les têtes de ces braves enfants, pétris de classe, qui ont fait tout ce qu'ils pouvaient mais qui se sont heurtés à plus fort. Importer tout : de l'agrume au joueur «prêt» ! J'ai déjà écrit que tout ce qui a été fait est de la récupération politicienne. Et d'ailleurs, je trouve malhonnête de féliciter le grand chef quand ça marche, pour sa «politique éclairée» et ses «orientations» à la jeunesse ; puis, quand ça ne marche pas, de tomber sur le responsable de la FAF, l'entraîneur ou les joueurs ! C'est une affaire de système sportif en général, tombé en ruine après l'abandon des politiques progressistes hardies qui ont permis à la représentation nationale de se hisser au podium mondial. Finalement, cette équipe nationale, rassemblée à la hâte autour de quelques noms ayant brillé dans les championnats étrangers, a été, longtemps, l'arbre qui cache la forêt ! Nous avons atteint le fond en athlétisme, handball, basket-ball, natation, cross-country, etc., des sports où nous caracolions à la tête du monde arabo-africain ! Il y a des pays du Golfe qui n'existaient même pas en tant que nations sportives lorsque nous survolions les championnats arabes en différentes disciplines. Aujourd'hui, nos sélections se font battre par tout le monde. Il faut donc que cette presse se réveille et fasse appel aux véritables professionnels. J'ai suivi des commentaires autour d'un thé, dans des cafés populaires lointains, et je vous assure que mes interlocuteurs avaient parfois plus de connaissances sportives et de sens de l'analyse objective que certains commentateurs ou experts de pacotille beuglant dans les talk-shows d'après match ! C'est notre responsabilité et il faut le dire ! Nous avons failli en tant que presse nationale. Nous avons failli parce que nous avons fait croire que les Verts pouvaient remporter la CAN-2017 alors qu'ils n'en avaient pas les moyens ! Nous avons doublement failli lorsque nous sommes passés à l'outrance dans l'insulte dès le premier faux-pas ! Ce sont des joueurs, pas des magiciens ! Leur descente aux enfers n'est pas une chose nouvelle : revenons aux précédentes Coupes d'Afrique. Ce scénario d'une élimination dès le premier tour, nous l'avons déjà connu il n'y a pas si longtemps. Mais le choc fut moindre parce qu'il y avait, au même moment, une qualification méritée à la Coupe du monde. Sur le fond pourtant, aucune nouveauté dans le piètre jeu des Verts et leur manque de précision, leurs passes hasardeuses, leur manque d'homogénéité ! Cette fois-ci, la Coupe du monde ne servira pas comme cache-misère. Il faut certes continuer à jouer, «pour les couleurs», comme on dit, mais le réalisme nous oblige à rappeler que nous sommes bel et bien fichus en phases qualificatives pour Moscou. Rebelote avec le mirage moscovite ! Pour bien illustrer ce comportement irresponsable d'une certaine presse nationale, il suffit d'écouter les promesses de certains animateurs d'émissions sportives qui continuent de nous abreuver de prévisions optimistes - pour la Coupe du monde - qui ne verront jamais le jour. Il faudra gagner les quatre matchs qui restent - est-ce raisonnablement possible, avec une telle formation, de l'emporter face au Cameroun et la Zambie chez eux ?- tout en priant pour que le Nigeria soit atteint de paralysie ! Non, l'honnêteté nous recommande de dire la vérité à nos lecteurs et téléspectateurs : c'est déjà foutu en Coupe du monde aussi, mais il faut se battre et continuer de lutter, tout en pensant à «reconstruire» une équipe nationale, pour reprendre les termes de Hafid Derradji. Il est inutile de tomber sur Raouraoua car c'est tout le système qu'il faut remettre en cause. Le patron de la FAF n'a fait qu'inscrire sa démarche dans les options générales d'une politique qui a failli et que le pouvoir est d'ailleurs en train de changer progressivement. Cette politique s'appuyait sur l'importation de tout et de rien. On comptait sur les compétences étrangères au point que les cadres nationaux ne trouvèrent pas mieux que d'émigrer massivement pour faire valoir leurs aptitudes. Il est arrivé que l'on refuse l'offre de certaines startups algériennes qui proposaient des prix nettement inférieurs par rapport aux offres étrangères. Une fois le contrat en poche pour des sommes faramineuses, ces dernières font appel aux Algériens qui, pour continuer à travailler, acceptent des sommes dérisoires et... l'humiliation ! Ainsi il en a été pour les joueurs des différents championnats nationaux qui jouaient avec l'intime conviction qu'ils ne finiront jamais dans l'équipe A de leur pays. S'il n'y a pas de distinction à faire entre les Algériens d'ici et d'ailleurs, le recours systématique aux joueurs évoluant à l'étranger est aussi hasardeux que de faire appel uniquement aux footballeurs d'ici ! Il y avait, dans le temps, des sélections régionales, qui avaient leurs propres regroupements et programmes de rencontres qui les mettaient parfois aux prises avec des formations huppées du monde entier ! Imaginez que, parfois, ce n'étaient même pas des sélections régionales qui donnaient la réplique à des clubs mythiques, mais deux clubs seulement ! J'ai le souvenir de ce fabuleux match joué au stade Vélodrome de Annaba en 1965 ou 1966 - l'année précise m'échappe !- par une sélection Annaba-Guelma. Et devinez contre qui ? Contre le Santos de Pelé ! Et quel fut le résultat ? Le nul : un à un ! Il est par conséquent urgent de redynamiser ces sélections et de réveiller, en même temps, les ligues régionales. A l'époque, on n'avait pas besoin de superviser Nantes ou Bastia pour chercher l'oiseau rare. Il suffisait de puiser dans ces équipes représentant l'Est, l'Ouest et le Centre (auxquelles on peut ajouter maintenant le Sud) pour avoir une idée sur les joueurs performants dignes de figurer parmi les Verts. Avec une solide ossature nationale, renforcée par les meilleurs pros d'Europe et d'ailleurs - et pas par n'importe quel pro !-, on peut redresser la barre et envisager l'avenir sous de meilleures auspices. Parallèlement, il faudra redéfinir la politique du professionnalisme qui est en train de couler sous le double effet de l'incompétence des dirigeants et de l'envahissement des terrains par... l'argent ! Il y a déjà quelques années, une décision a été prise par le président de la République pour doter les équipes professionnelles de terrains afin d'y implanter leurs centres de préparation (un hectare plus un chèque consistant). On ne sait pas ce qu'il est advenu de cette décision ! Ces centres accueilleraient des écoles pour les plus jeunes qui, à l'instar de celle du Paradou ou du Milan AC chez l'USMA, pourraient former l'élite de demain. Tomber sur Raouraoua aujourd'hui, ou sur les joueurs et l'entraîneur, ne sert à rien si ce n'est à continuer de semer le doute et la confusion en rejetant la responsabilité sur autrui. Je le répète : la presse est autant responsable que le reste des institutions. Et si vous ne me croyez pas, regardez les plateaux de ce soir. Ce sont les mêmes bonhommes qui nous disaient que les Verts allaient remporter la Coupe d'Afrique version Gabon qui vont continuer à berner l'opinion sportive en lui racontant des histoires à propos d'une prochaine qualification pour la Coupe du monde russe ! M. F. P. S. : l'équipe nationale A' qui a joué à Rio contre l'Argentine et le Portugal a laissé une bonne impression malgré son élimination au premier tour. Son jeu fut applaudi par les Brésiliens, grands connaisseurs en la matière. La chance et l'expérience lui ont manqué. Oublier cette superbe formation et laisser partir son entraîneur sont un gâchis qui s'ajoute à tout le mal qu'on fait au football national - celui de la terre algérienne, des clubs d'ici...