Contrairement à ce qui a été annoncé par le communiqué du ministère de la Culture, les six étudiants des Beaux-Arts en grève de la faim depuis une semaine n'ont pas mis fin à leur action. Pire, un septième étudiant s'est joint hier à la grève. Après la visite nocturne du ministre de la Culture Azeddine Mihoubi aux étudiants grévistes de l'Ecole supérieure des Beaux-Arts d'Alger, la tutelle avait annoncé dans un communiqué être parvenue à un accord avec les protestataires (voir notre édition d'hier). Or, les négociations s'étant poursuivies ces deux derniers jours avec des représentants du ministère, les étudiants n'ont toujours pas mis fin à leur grève de la faim et déclarent dans un communiqué «ne pas se contenter de vagues promesses et attendre une action concrète». Myriam Zeggat, porte-parole du mouvement, affirme, en effet, que les négociations sont en cours et que la tutelle s'engage à régler les problèmes logistiques et pédagogiques dans les plus brefs délais. Pour ce qui est de l'hébergement, le ministre a décidé de regrouper tous les étudiants au Village des artistes de Zéralda jusqu'à la prochaine rentrée où ils devront encore être dispersés sur plusieurs cités universitaires. Or, les grévistes demandent instamment une solution définitive et refusent d'être séparés. Pis encore, malgré l'instruction donnée par Azeddine Mihoubi, Myriam Zeggat indique que l'administration de l'école a envoyé hier matin des agents au Village des artistes pour déloger les étudiants ; devant la résistance de ces derniers, elle a menacé de revenir le soir même pour les évacuer. La situation est donc d'autant plus critique qu'il s'agit visiblement d'un bras de fer engagé par les responsables de l'établissement en totale contradiction avec la tentative d'apaisement du ministère. Par ailleurs, et à la demande de ce dernier, les grévistes ont établi une plateforme de revendications dont deux immédiates concernant l'exigence d'une ambulance au sein de l'école (à souligner que lors du malaise d'un étudiant en grève de la faim, ce sont ses camarades qui ont dû appeler le Samu) ainsi que la présence d'un médecin d'astreinte de 8h à 17h (la seule assistance médicale est assurée pour l'instant par le médecin de l'école, présent uniquement en matinée). Quant aux revendications à court terme s'adressant particulièrement au ministère de l'Enseignement supérieur, elles concernent la mise en place d'un comité ad hoc pour le suivi de l'amélioration du programme, le dégagement de missions et de canevas de programme avant la fin de l'année universitaire 2016-2017, le lancement dans les mêmes délais des procédures de changement du statut de l'école (à rappeler que contrairement à son nom, le statut actuel de l'école est un Institut national de formation professionnelle inapte à délivrer un diplôme mais uniquement une attestation), la refonte du système et des programmes pédagogiques à travers la création d'une commission paritaire présidée par un titulaire d'un doctorat en art et composée de représentants des ministères de la Culture et de l'Enseignement supérieur, des enseignants de l'école, d'un comité d'étudiants, d'experts nationaux et internationaux toujours en activité. Enfin, les revendications à long terme concernent l'année universitaire 2017-2018 et impliquent la validation officielle de la formation mise en place par ladite commission, l'ouverture de la post-graduation, etc. En outre, la plateforme exige l'adaptation du système administratif et logistique au sein de l'école à travers l'ouverture des ateliers aux étudiants et ce, même en dehors des heures de cours et leur équipement en matériel nécessaire. Enfin, un rassemblement de soutien est prévu ce mardi 14 février devant l'enceinte de l'école, toujours fermée aux visiteurs, donnant l'impression d'une prison où sont piégés des grévistes de la faim âgés seulement de 19 à 25 ans. L'Ecole supérieure des Beaux-Arts d'Alger n'en est pas à sa première crise. Les étudiants en grève affirment, en effet, qu'au-delà des problèmes logistiques, il s'agit d'un problème de fond qui persiste depuis une trentaine d'années dans l'indifférence et le mépris des autorités concernées : le système pédagogique obsolète, la qualité de l'enseignement aléatoire et les espaces d'expression limités. Pour les grévistes, il est temps d'effectuer une refonte totale avec une urgence absolue : redonner à l'école son véritable statut, celui-là même qui est contenu dans son nom et qui n'est actuellement qu'un leurre. Affaire à suivre.