Par Kader Bakou Un ami français m'a envoyé le lien d'un livre paru récemment en France : Louise Michel en Algérie. La tournée de conférences de Louise Michel et Ernest Girault en Algérie (octobre-décembre 1904), écrit par Clotilde Chauvin. Après la défaite de la Commune de Paris, Louise Michel la communarde fut déportée en Nouvelle-Calédonie. Au bagne, elle rencontra des Canaques et étudia leurs langues. Elle a également soutenu leur révolte en 1878. Viscéralement anticolonialiste (ce qui était rare à l'époque, même chez les communards), Louise Michel lia également des amitiés solides avec des rebelles algériens de Kabylie, déportés après leur insurrection de mars 1871. Dans ses mémoires, elle raconte l'arrivée des «Arabes» à la presqu'île de Ducos, en décembre 1873. «Un matin, dans les premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous blancs des Arabes déportés pour s'être, eux aussi, soulevés contre l'oppression. Ces Orientaux, emprisonnés loin de leurs tentes et de leurs troupeaux, étaient simples, bons et d'une grande justice.» Elle sympathisa tellement avec ces «Algériens du Pacifique» qu'elle leur promit d'aller un jour visiter leur pays d'origine. D'octobre à décembre 1904, Louise Michel, âgée de 74 ans, a pu parcourir l'Algérie en compagnie d'Ernest Girault. Les journaux algériens avaient annoncé la venue de la «Vierge rouge». Les conférenciers anarchistes étant rares en Algérie, sa venue fut un événement. «Chacun sait que Louise Michel est la meilleure et la plus généreuse des créatures», écrit Turco-Revue le 9 avril 1904. Les thèmes des conférences n'avaient rien de consensuel. Antimilitarisme, athéisme, anticolonialisme, anarchisme étaient au centre des rencontres à Alger, Tizi-Ouzou, Constantine, Blida, Relizane, Mostaganem, Mascara et Médéa. Alors que la presse de métropole restait muette sur la tournée (hormis Le Libertaire), la presse algérienne (La Croix de l'Algérie et de la Tunisie, La Pensée libre, Le Progrès de Sétif, Le Petit Kabyle, L'Echo de Constantine, L'Indépendant de Mostaganem, Le Réveil de Mascara...) commentait les réunions. Les enseignants européens et arabes, esprits laïques, antimilitaristes et progressistes, étaient aux premiers rangs. Louise Michel, celle qui défendit l'anarchisme jusqu'à son dernier souffle, est décédée à Marseille le 9 janvier 1905. Ses obsèques au cimetière de Levallois-Perret furent suivies par une foule impressionnante. Ces derniers moments sont bien connus. Comment expliquer alors le silence sur les conférences algériennes ? Le travail de Clotilde Chauvin répare donc un «oubli» qui vaut le détour et la lecture, autant pour les Français que pour les Algériens, dont la fameuse «histoire commune», décidément, n'a pas encore livré tous ses secrets. K. B.