Les cancers d'origine professionnelle est le thème de la première journée régionale de médecine du travail abritée, mardi dernier, par le CHU de Tizi-Ouzou. La typologie des maladies cancéreuses, dont la genèse est due à l'exposition à certains agents chimiques ou physiques en milieu professionnel, a été au centre des interrogations des spécialistes qui ont aussi débattu de la problématique de la prise en charge médico-légale de ces pathologies dont la reconnaissance comme maladie professionnelle donnant droit à réparation du préjudice subi. A l'échelle mondiale, 19% de tous les cancers peuvent être attribués à l'environnement, y compris au milieu professionnel, et sont à l'origine de 1,3 million de décès chaque année. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'OMS a répertorié 107 agents, mélanges de substances et situations d'exposition, comme étant cancérogènes pour l'homme. Parmi ceux-ci, figurent toutes les formes d'amiante et un certain nombre d'agents présents dans l'environnement tels que le benzène, l'arsenic présent dans l'eau, le cadmium, l'oxyde d'éthylène, le benzo[a]-pyrène, la silice, les rayonnements ionisants y compris le radon, les rayonnements ultraviolets – notamment émis par les appareils de bronzage – ainsi que les agents émis par la production d'aluminium et de coke, la fonte d'acier et de fer, ou l'industrie de fabrication du caoutchouc. L'industrie du bois, la chimie et la plasturgie, les BTP et les carrières, les activités de maintenance, de métallurgie, de nettoyage, de dépannage et de désinfection en milieu hospitalier et dans l'agroalimentaire, le travail dans les laboratoires de recherches ou dans les laboratoires d'anatomopathologies sont les secteurs où le risque de cancer professionnel est le plus répandu. Le poumon et les voies respiratoires, l'estomac, le pancréas, la peau et la vessie sont parmi les organes les plus touchés par les cancers professionnels. Un cancer est dit «professionnel», lorsqu'il est la conséquence de l'exposition d'un travailleur à un facteur cancérogène sur son lieu de travail. Ces cancers apparaissent généralement 10 à 50 ans après cette exposition. Au moment du diagnostic, les patients atteints sont en retraite et ne font pas le lien (maladie et une ancienne activité professionnelle), estiment Dr Habarek et ses collaborateurs du service de chirugie générale du CHU de Tizi-Ouzou. «De plus, d'un point de vue médical, ajoutent-ils, rien ne permet de les différencier de cancers qui auraient une autre origine que l'exposition à un facteur de risque professionnel: quelle que soit la nature du ou des facteurs qui ont déclenché un cancer. Il se manifeste et se développe de la même façon.» De cette difficulté à déterminer avec exactitude les causes professionnelles de ces cancers qui surgissent après une longue période de latence découle une ambiguIté de nature médico-légale. Un aspect de la problématique abordé par Dr A. Mezdad de l'équipe du service de médecine du travail du CHU de Tizi Ouzou, posant ainsi le problème lié à la reconnaissance par des médecins et les organismes de sécurité sociale de ces cancers comme maladie professionnelle donnant droit à réparation du préjudice subi. «Selon les statistiques de la DSP de Tizi-Ouzou, en 2015, on n'a enregistré aucune déclaration de cancer en maladies professionnelles», déplorent Dr Mezdad et son équipe qui s'interrogent : «Pourquoi n'y a-t-il pas de déclaration des cancers en maladies professionnelles à Tizi-Ouzou ? S'agit-il d'une méconnaissance des cancérogènes professionnels par les médecins traitants ? Ou d'une perte de vue des cas de cancer professionnel ?» Dans le même ordre d'idées, ils reconnaissent qu' «établir une relation directe de cause à effet entre le cancer d'un travailleur et son activité professionnelle s'avère difficile. C'est pourquoi la reconnaissance du caractère professionnel d'un cancer résulte soit : - d'une présomption de l'origine professionnelle lorsque le malade remplit toutes les conditions inscrites à l'un des tableaux ; de la reconnaissance d'un lien existant entre l'activité professionnelle du travailleur et son cancer». «Le taux de cancers d'origine professionnelle enregistré dans notre consultation est non négligeable. Même si cette étude a connu beaucoup de limites, néanmoins elle a permis de poser un premier diagnostic de situation sur les cancers professionnels au CHU de Tizi-Ouzou et d'améliorer la connaissance sur ces pathologies», lit-on en conclusion de l'étude.