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L'ORL algérienne, membre de l'Ifos, présent et avenir
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 07 - 2017

Ifos. S'agit-il d'un mot latin ou d'un mot en relation avec une mythologie de la Grèce ancienne ? Il n'en est rien de tout cela. Il ne s'agit que d'un acronyme donné par les scientifiques et chercheurs des temps modernes, sans doute caprice ou nostalgie au passé glorieux de leur civilisation ancienne, Rome, l'Eternelle, ou la Grèce antique. Ifos n'est autre que les initiales en langue anglaise de la société savante internationale d'ORL — domination du monde anglo-saxon oblige — signifiant «International Federation Otorhinolarynlogy Society».
L'Ifos regroupe en son sein tous les grands groupes régionaux mondiaux des sociétés savantes de la même spécialité constitués eux-mêmes des sociétés savantes des pays de la même région ou sous-continent. Pour faire simple, les ORL algériens, regroupés en sociétés nationales, tunisienne, marocaine, mauritanienne et libyenne, font partie de la Mafos, signifiant Maghreb mais aussi de la Pafos. PA pour Pan African. La condition sine qua non au sein de la Pafos est l'utilisation de la langue anglaise ; aucune autre langue n'est acceptée, voire tolérée même comme langue de traduction.
Pour l'anecdote, la société savante française d'ORL a eu le privilège d'organiser pour la deuxième fois de son existence les 24, 25, 26, 27 juin 2017 le congrès mondial sous l'égide de l'Ifos. Elle était dans l'obligation de faire coïncider son congrès national pour drainer les ORL des pays francophones n'ayant comme seule et unique langue de savoir et de communication que le français, seule langue autorisée dans l'histoire des anciennes colonies. Ce qui a permis aux ORL des anciennes colonies de contribuer à sa réussite par le grand nombre de participants et de communications majoritairement en langue française. Cette manifestation a regroupé plus de 8 000 participants venus de plus de 130 pays. Quant à nous, ORL algériens, nous étions ravis de voir sur le tableau que notre pays était cité dans la liste des 20 premiers pays ; sans doute bien classé grâce au nombre de communications écrites «posters» mais dans la session parallèle en langue française ne faisant pas partie de l'Ifos. Dosage subtil qui nécessite un savoir-faire scientifique mais aussi social pour ne pas dire politique par euphémisme à nos collègues français. Mais ces derniers ont dû avoir la surprise de constater que les collègues, en particulier les plus jeunes, venus des anciennes colonies francophones, s'investissent de plus en plus dans la langue anglaise en participant par des communications écrites et orales présentant l'expérience de leur service faisant la fierté de leur chef de service, quand ce ne sont pas eux-mêmes qui le font. Ce meeting international a été pour nous Algériens une occasion de nous évaluer sur le plan scientifique par rapport aux autres nations du monde et situer notre système de santé aussi bien du point de vue matériel et équipement (que nos pouvoirs publics ont mis à la disposition du secteur) que du niveau de compétence de nos praticiens, fruits de la formation hospitalo-universitaire. En fait, la question qui se pose est celle de savoir si le patient est bien pris en charge eu égard aux moyens et à la compétence de nos praticiens.
Au vu des travaux présentés, nous pouvons affirmer, sans démagogie aucune, que nous sommes très en avance dans la prise en charge de plusieurs pathologies par rapport à plusieurs pays africains et même européens. Rares sont les pays qui ont notre expérience en matière de prise en charge chirurgicale de la surdité et la mise en place de l'implant cochléaire. Au moment où certains Africains en sont à leurs débuts dans ce type de pathologie, les services hospitalo-universitaires algériens ont réalisé plus de 3 500 interventions chirurgicales en dix ans. Record égalé par très peu de pays européens et seulement proportionnellement par deux grands pays africains.
Ce congrès international de notre spécialité se déroule tous les 4 ans dans un pays élu. Certains pays ayant l'expérience dans des manifestations de cette envergure se lancent le défi de l'organiser et se préparent plusieurs années auparavant en mettant en œuvre tous les moyens dont dispose la ville ou la région. Un cahier des charges des plus rigoureux doit être scrupuleusement respecté pour pouvoir être éligible. Des délégations d'experts sont désignées et passent en revue tous les aspects économiques et sécuritaires (capacité d'accueil, nombre d'hôtels par classement, nombre de salles de conférences, restaurants, lieux de loisirs, les établissements de santé et la qualité de prise en charge des soins). Le choix d'un pays et d'une de ses villes est indissociablement lié à des critères objectifs qui sont communs quel que soit le niveau de son développement, à savoir la stabilité sociopolitique et essentiellement l'aspect sécuritaire. Il est aussi en rapport avec le standing et les capacités de ses infrastructures touristiques et ses activités culturelles. Il va sans dire que pour une rencontre scientifique, l'environnement universitaire et intellectuel est déterminant, ses universités, ses centres de recherche, ses bibliothèques, la richesse de ses productions scientifiques, la performance de ses TIC et le fort débit de l'internet.
En marge de cette rencontre, l'élection du prochain congrès Ifos a vu 5 pays se porter candidats. Le Canada avec comme ville Vancouver, cité des plus modernes dont la qualité de vie de ses habitants serait la plus élevée au monde, représentant l'Amérique du Nord avec plein d'atouts ; l'Argentine dont la ville de Buenos Aires, ville artistique pour l'Amérique latine ; Tokyo, la ville impériale qui n'a plus à être présentée pour le Japon, et le Maghreb avait un pays en liste avec Marrakech, ville touristique, le Maroc, censé représenter à la fois l'Afrique et le monde arabe. Voilà qu'un autre pays représentant les monarchies du Golfe est candidat mais faisant partie du monde arabe.
Quels autres critères de choix pour nous, Algériens, et pour quel pays allons-nous voter ? Les critères géographique, historique, culturel, linguistique et religieux sont-ils suffisants pour le choix du pays organisateur ? Un seul pays est à même de les réunir. Toutefois, quelle que soit la voix mise à contribution par nous, tout en tenant compte de nos principes d'engagement, cela n'était pas suffisant. La promesse de plusieurs pays africains a volé en éclats pour le représentant du continent ; quant aux pays arabes et musulmans, ils étaient divisés et n'arrivaient pas à choisir un seul candidat. Après l'élimination du Maroc et du Japon, 3 pays restaient en lice, la force du choix revenait aux pays d'influence européenne et au monde anglo-saxon, à savoir Vancouver. Quant à Dubaï, malgré les points d'apparence commune — la langue et la religion ferait qu'on appartiendrait au même monde —, il fallait qu'ils aient besoin de notre voix qui a constitué l'unique raison de rapprochement du collègue émirati pour nous rappeler que nous sommes frères, le temps du vote. Mais la richesse et la modernisation de leur ville n'ont pas suffi à leur faire remporter l'élection. Quant à l'Argentine, elle se classa en troisième place et ce fut un classement logique malgré la solidarité des pays d'Amérique latine. Quant à nous, ORL algériens, nous rêvons qu'un jour la génération future permettra que notre pays, membre de l'Ifos, grâce à la clairvoyance de notre collègue et ami occupant la haute fonction de ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, sera un jour candidat pour un congrès mondial.
En attendant, la communauté ORL algérienne, grâce à la sagesse de ses aînés et à la volonté de la génération montante, s'est portée candidate et a été élue pour organiser le congrès international des pays d'expression française regroupant 35 pays. Un stand algérien était ouvert pendant tout le congrès de l'Ifos pour informer que notre pays organise, dans une année, sa première rencontre internationale des pays francophones. Alger sera la capitale internationale de l'ORL les 10, 11 et 12 mai 2018, l'hôtel El-Aurassi sera la citadelle d'hébergement, le temple de la science, le nec plus ultra de la gastronomie algérienne, le phare éclairant de nuit notre ville millénaire avec sa plus belle baie du monde et guidant et recevant les bateaux de voyageurs et touristes venant par mer. Quant à nous, ORL de tout âge de l'ensemble de notre grand et beau pays, soyons tous mobilisés pour la réussite de ce rendez-vous historique.
O. Z.
* Chef de service ORL/CCF, CHU Béni-Messous. Faculté de médecine, Université d'Alger


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