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Les Rohingyas du Myanmar
La conscience internationale interpellée
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 09 - 2017


Par Mostefa Zeghlache
«Le monde est dangereux non pas à cause de ceux qui veulent faire du mal. Mais de ceux qui les regardent faire du mal.»
(Albert Einstein)
Pour les Rohingyas musulmans du Myanmar (ex-Birmanie), les années se succèdent et se ressemblent dans leur fondement dramatique et tragique. Cette minorité birmane forte de 1,3 million d'âmes subit depuis de nombreuses années, notamment depuis l'indépendance de la Birmanie en 1948, les conséquences d'une véritable politique de génocide, quand bien même certains esprits bien pensants à l'ONU préfèrent parler «seulement» d'épuration ethnique, menée par les autorités birmanes appuyées en cela par les extrémistes et le clergé bouddhistes.
Depuis l'instauration d'une dictature militaire dans ce pays en 1962, la situation de cette communauté a empiré à tous points de vue, jusqu'à ce qu'elle soit déclarée apatride dans son propre pays, en 1982. Elle n'a même plus le statut de minorité nationale comme les 135 autres minorités birmanes pour prétendre à une quelconque protection nationale et vivre en paix ses spécificités culturelles, linguistiques et religieuses. Tout comme sa situation actuelle l'exclut de fait de la protection prévue par la législation internationale, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l'ONU de décembre 1966 et la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ethniques, religieuses ou linguistiques de l'ONU de 1993.
Aujourd'hui, malgré le départ de cette junte du pouvoir en 2011 et l'instauration d'un régime civil mais où les militaires gardent la haute main sur les ministères de la Défense, l'Intérieur et des Frontières, dirigé par la lauréate du prix Nobel de la Paix, en 1991, Mme Aung San Suu Kyi, «conseillère d'Etat», le sort de cette communauté musulmane ne s'est pas amélioré, loin s'en faut.
Les évènements de 2012, de 2016 et ceux ayant actuellement cours, depuis août 2017, le confirment.
C'est la situation dramatique de cette communauté qualifiée par l'ONU de la «plus persécutée dans le monde» qui nous a poussé à nous inquiéter de son sort et publier notre première contribution le 1er juillet 2017 dans les pages du Soir d'Algérie. La récente résurgence de ce drame dans de nouvelles proportions toujours plus graves que les précédentes et la relative inertie de la communauté internationale, notamment les pays arabo-musulmans et à travers eux l'OCI, motivent la publication, aujourd'hui, de ce complément d'article.
La répression menée, de longue date et plus particulièrement en 2012, par les militaires et les groupes armés d'extrémistes bouddhistes contre la communauté Rohingya a poussé certains jeunes membres de cette dernière à décider de recourir à la résistance armée. Dans ce contexte, ils ont proclamé, en octobre 2016, la création de l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan (ASRA), appelée en arabe «Harakat El Yaqin» (Mouvement de la Foi), et dont l'objectif est la défense des droits de leur communauté persécutée.
Dès sa constitution en octobre 2016, le mouvement lança les premiers assauts contre des postes de police, entraînant une riposte violente et disproportionnée des forces gouvernementales.
Poursuivant l'action armée, malgré la faiblesse de leurs moyens et le déséquilibre des forces avec l'armée régulière et les milices bouddhistes, ces éléments armés de machettes et de couteaux s'en sont pris, en août 2017, à des postes militaires et de police. Les affrontements ont entraîné la mort de 400 personnes dont 370 Rohingyas et poussé à l'exil plus de 400 000 d'entre eux, principalement vers le Bengladesh. Le flux de réfugiés se poursuit actuellement dans de pénibles conditions.
Néanmoins et afin de permettre à l'aide humanitaire de parvenir à destination —l'Etat de Rakhine (ou Arakan) étant interdit d'accès par les militaires, tant à la presse qu'aux organisations d'aide humanitaire —, l'ASRA a décrété un cessez-le-feu unilatéral et appelé les autorités birmanes à faire une «pause humanitaire». Ces dernières ont répondu par un cinglant «nous ne négocions pas avec les terroristes».
Dans un contexte où la violence prime sur le «dialogue», beaucoup d'espoirs étaient fondés sur la dirigeante et prix Nobel de la paix, Mme Aung San Suu Kyi, afin de peser de son poids politique et moral et de son aura internationale, pour tenter de trouver une solution à un problème humanitaire qui émeut plus d'une personne dans le monde. Ces espoirs ont été vite déçus par l'attitude de cette dernière qui, contre toute attente, continue à nier la réalité des faits, s'agissant notamment du processus de nettoyage ethnique en cours qui se pratique au nom de son gouvernement et d'une prétendue pureté raciale birmane dont seraient exclus les musulmans rohingyas.
Réagissant à la campagne médiatique mondiale autour de la question rohingya, Mme Suu Kyi «dénonce l'iceberg de désinformation... donnant une vision trompeuse de la crise». Selon elle, cette «désinformation vise à créer un tas de problèmes entre les différentes communautés dans le but de promouvoir les intérêts des terroristes». Rien que cela !
Et pourtant, la Dame de Rangoon déclarait l'année dernière devant l'Assemblée générale de l'ONU qu'elle «s'opposait fermement aux préjugés et à l'intolérance», défendait les droits de l'Homme et demandait à la communauté internationale de «se montrer compréhensive et constructive à ce sujet». Dans les faits, elle persiste dans son soutien unilatéral à la répression militaire contre les civils Rohingyas et ceux qu'elle qualifie de «terroristes». En effet, certains responsables bouddhistes tentent de faire passer l'ASRA pour une organisation terroriste islamique.
Ce dont se défendent ses membres qui revendiquent la légitime défense de leur communauté, sans plus.
Conséquence logique de son manque d'objectivité et de courage politique, «Mme Aung San Suu Kyi est donc devenue la cible de nombreuses critiques, y compris au sein de la communauté internationale à l'image du dalaï-lama qui la prie de "tendre la main à toutes les composantes de la société..., dans un esprit de paix et de réconciliation". C'est aussi le sens de l'appel que lui ont lancé d'autres lauréats du Nobel de la paix dont Malala Yousafzada et Desmond Tutu. Avec d'autres lauréats, ils ont adressé une lettre ouverte au Conseil de Sécurité de l'ONU l'appelant à des "actions audacieuses et décisives". Mal à l'aise dans son rôle, Mme Aung San Suu Kyi a annulé un déplacement pour l'Assemblée Générale de l'ONU en cours, préférant tenir un discours chez elle, le 19 septembre, consacré à la situation dans l'Etat de Rakhine. Devant le Parlement à Naypyidaw, elle a prononcé un discours dans lequel elle ne souffle mot sur la sauvage répression militaire et se contente de dire qu'elle est «profondément désolée pour les civils pris au piège». Sans pudeur aucune, elle a ajouté : «Nous sommes prêts à commencer la vérification des identités (des réfugiés) en vue d'un retour.» Sachant pertinemment qu'en matière d'identité, les Rohingyas en sont la communauté la plus dépourvue au monde.
Ce qui disqualifierait la quasi-majorité d'entre eux du retour à leurs foyers ! Enfin, elle nie l'exode massif des Rohingyas vers le Bengladesh en révélant que la grande majorité des musulmans de l'Etat de l'Arakan «n'ont pas fui», estimant que 50% d'entre eux vont bien. On s'interroge alors sur le sort des «autres» 50% !
Par ailleurs, une pétition qui a recueilli plus de 300 000 signatures circule sur la Toile demandant le retrait de son prix Nobel. Les responsables suédois ont expliqué que cela n'était pas possible.
Que fait pendant ce temps la communauté internationale, à l'image de l'ONU ?
C'est à l'initiative de la Grande-Bretagne et de la Suède que le Conseil de sécurité a évoqué, à huis clos, le mercredi 13 septembre 2017, la situation des Rohingyas. A cette occasion, le Conseil s'est contenté de «réclamer» aux autorités de Myanmar «des pas immédiats» pour faire cesser une «violence excessive contre la minorité Rohingya, dans l'ouest du pays. De même, le Conseil a appelé «le gouvernement birman à tenir ses engagements de faciliter l'aide humanitaire dans l'Etat de Rakhine».
En mai 2017, une résolution onusienne demandait une enquête sur les violences militaires contre les Rohingyas. Mme Aung San Suu Kyi s'était «désolidarisée» de la résolution estimant qu'elle «n'est pas en équation avec ce qui se passe réellement sur le terrain» ! En juin 2016, un rapport des Nations unies dénonçait les «discriminations systématiques et les violations des droits de l'homme» commis contre la communauté des Rohingyas.
Malheureusement, les membres permanents du Conseil de sécurité ne semblent pas mesurer à sa juste proportion la dramatique situation des Rohingyas.
Les clivages au sein du Conseil sont illustrés par l'attitude de deux de ses principaux membres, les Etats-Unis et la Chine. Si les premiers se sont déclarés «préoccupés» par cette situation, la Chine, premier investisseur étranger au Myanmar, a «loué les efforts du pays pour préserver la stabilité de son développement national».
De même on n'hésite pas à Washington à rappeler le «travail» accompli par la commission installée en août 2016 par Aung San Suu Kyi, présidée par Kofi Annan, ex-secrétaire général de l'ONU, chargée de proposer une voie de dialogue entre les communautés musulmane et bouddhiste. Mais ses recommandations, dont celle sur la révision de la loi de 1982 sur la citoyenneté, demeurent lettre morte à ce jour.
Quant au secrétaire général de l'ONU, A. Guterres, il a lancé un appel aux «autorités birmanes à suspendre les activités militaires et la violence et à faire respecter la loi». A la question d'un journaliste sur le nettoyage ethnique en cours, il a répondu : «Pensez-vous trouver un meilleur mot pour décrire la situation ?» Il est rejoint en cela par le haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, qui a clairement évoqué un «exemple classique de nettoyage ethnique», condamné par la législation internationale.
Les ONG ne sont pas plus tendres avec les autorités birmanes à l'image de Human Rights Watch qui les accuse d'«avoir commis des crimes contre l'humanité...» et de «terroriser la population qui est déplacée de force».
D'autre part, un rapport de la Commission européenne qui traite des tensions entre les communautés bouddhiste et musulmane au Myanmar explique que le fond du problème est la volonté d'accaparement, par les bouddhistes – par tous les moyens, y compris la violence et la terreur — des terres et autres ressources appartenant aux Rohingyas.
Un rapport de l'Université de Yale publié en octobre 2016 indique qu'il existe de «solides preuves» de génocide contre les Rohingyas en Birmanie.
Dans le camp occidental, le drame des Rohingyas commence à prendre une nouvelle connotation un peu plus offensive contre les autorités birmanes. Dans ce contexte et en marge des travaux de l'Assemblée générale de l'ONU, le président français, M. Macron, a annoncé sur la chaîne TMC que «la France prendra l'initiative, avec plusieurs de ses partenaires du Conseil de sécurité» pour que les Nations unies condamnent ce «génocide qui est en cours, cette purification ethnique» et que «nous puissions agir de manière concrète».
Comme on peut le constater, tout indique que la situation actuelle de la communauté Rohingya est suffisamment dramatique pour créer autour d'elle une sorte d'unanimité, en termes de solidarité et de soutien.
Mais les actes qui pourraient conduire les autorités et la population bouddhiste à se prêter avec facilité à une issue politique de cette pénible situation font défaut. Les pressions sur les autorités birmanes dans ce sens demeurent faibles, éparses et contre-productives, y compris de la part de l'Organisation de coopération islamique (OCI) et des Etats musulmans individuellement.
Depuis des années, l'OCI ne cesse d'«exprimer sa vive inquiétude», de «lancer des appels à la communauté internationale», en particulier à l'ONU et son Conseil de sécurité, et de fournir une assistance humanitaire que refusaient les autorités jusqu'à une date récente.
Aussi ce ne fut pas une surprise qu'à l'issue de son dernier sommet sur «La science, la technologie, l'innovation et la modernisation dans le monde islamique», tenu à Astana, au Kazakhstan, les 10 et 11 septembre courant, un chapitre du communiqué final soit consacré à la question des Rohingyas.
Comme à l'accoutumée, l'OCI y fait part de sa «grave préoccupation concernant les récents actes brutaux systématiques de la part des forces armées contre la communauté musulmane des Rohingyas», actes qui, selon elle, constituent «une violation grave et grossière du droit international». Elle réclame «une enquête complète et indépendante sur les cas établis de violations des droits de l'Homme» pour «amener les coupables devant la justice».
La fermeté du communiqué de l'OCI n'empêchera sans doute pas les génocidaires militaires, les extrémistes bouddhistes et leurs soutiens politiques du gouvernement et du parti d'Aung San Suu Ky de dormir ! Car, outre les condamnations d'usage de la politique gouvernementale, le communiqué de l'OCI ne pose pas le problème rohingya en termes de droit à la citoyenneté pour cette communauté, apatride dans son propre pays, ni n'évoque, ne serait-ce que par une simple allusion, une quelconque volonté de traîner les dirigeants civils et militaires birmans devant la Cour pénale internationale afin qu'ils soient jugés pour leurs crimes. Pour rappel, les autorités birmanes ont refusé l'ouverture d'un bureau de l'OCI dans leur pays.
S'agissant des Etat musulmans, la passivité alliée à la rhétorique sans suite ne diffère nullement d'un dirigeant à l'autre. Par contre et considérant la «rivalité par communiqués» que se livrent certains pays musulmans tels l'Iran, la Turquie et l'Arabie Saoudite sur cette question, il est aisé de percevoir une volonté de récupération politique de ce drame avec pour décor de fond une prétention inavouée au leadership dans le monde musulman.
Dans ce contexte, les Turcs qui tiennent un rôle de premier plan au sein de l'OCI sont les plus actifs.
Dès le début de la crise, le 8 août 2017, le ministre turc des Affaires étrangères s'est rendu au Myanmar porteur d'une aide humanitaire du Croissant-Rouge turc destinée à «probablement plus de 50 000 musulmans et bouddhistes qui ont dû fuir leurs maisons». Les autorités birmanes ont accepté l'aide de ce pays musulman en signe de fléchissement de leur position sur cette question.
A la fin du mois d'août, ce fut le tour d'Emine Erdogan, épouse du chef d'Etat turc, de se rendre dans les camps des réfugiés au Bangladesh, accompagnée d'une délégation comprenant notamment le ministre des Affaires étrangères, la ministre de la Famille et des Politiques sociales et la députée d'Istanbul Ravza Kavakci Kan. La délégation a fourni une aide humanitaire aux réfugiés. Pour sa part, le chef d'Etat turc, Erdogan, s'est entretenu avec Aung San Suu Kyi au téléphone, «l'exhortant à changer de position vis-à-vis des Rohingyas».
Pour sa part, l'Iran a opté pour un discours plus offensif.
Emboîtant le pas au guide suprême Ali Khamenei, les autorités iraniennes ont condamné «le génocide des musulmans au Myanmar». Le guide iranien a dénoncé l'attitude d'Aung San Suu Kyi, estimant que les violences contre la communauté Rohingya marquent «la mort du prix Nobel de la paix». Les autorités iraniennes ont lancé un appel aux pays musulmans, notamment la Turquie, pour une action internationale commune en faveur des musulmans birmans.
Enfin, les autorités saoudiennes, dont le pays abrite le siège de l'OCI, ont aussi «lancé un appel à la communauté internationale pour agir et mettre fin aux actes sauvages, aux violations des droits de l'Homme et à l'épuration ethnique» dont est victime la communauté musulmane des Rohingyas.
Par ailleurs, on ne peut parler de la réaction du monde musulman au génocide rohingya sans évoquer celle des pays du Maghreb, et plus précisément le Maroc et l'Algérie. Le premier a envoyé au Bangladesh, le 16 septembre courant, un convoi humanitaire aérien. A cette occasion le ministère marocain des Affaires étrangères a publié un communiqué soulignant que «l'action humanitaire (marocaine) vise à soutenir les efforts de ce pays frère (Bangladesh) pour faire face à l'afflux massif de réfugiés issus de la minorité musulmane des Rohingyas en provenance du Myanmar».
S'agissant de l'Algérie, les autorités semblent, à ce jour, se contenter d'une simple déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères du 8 septembre 2017 pour exprimer la solidarité du peuple algérien avec les musulmans persécutés du Myanmar. La déclaration comporte trois points essentiels : exprime la «préoccupation de l'Algérie face aux violences perpétrées à l'encontre de citoyens birmans de confession musulmane», lance un appel au gouvernement birman «à prendre les mesures qui s'imposent pour faire la lumière sur ces violations» et protéger les victimes. L'appel est aussi lancé «à la communauté internationale pour mettre un terme définitif à la violence exercée contre cette population vulnérable... et prévenir le drame humanitaire» des Rohingyas.
Tout un «programme» composé de vœux pieux à l'image de ceux similaires exprimés par d'autres pays musulmans, vœux qui ne régleront en aucun cas la situation dramatique des Rohingyas et n'empêcheront certainement pas les autorités militaires du Myanmar de poursuivre leur «œuvre» génocidaire à l'encontre de leurs propres compatriotes de confession musulmane.
En ce début du XXIe, siècle est-il concevable que la communauté internationale puisse se prêter, par son inertie coupable, au rôle de spectateur outré par un génocide digne du Moyen-âge ?
Désormais, les nouvelles technologies de communication permettent la circulation de l'information d'un pôle du globe à l'autre, à la vitesse de l'éclair. Ceci a pour conséquence qu'aucun crime du genre de celui qui se commet contre les Rohingyas ne s'ignore à travers le monde. Mais est-ce suffisant pour mettre un terme aux souffrances d'une communauté persécutée pour ses origines ethniques réelles ou supposées et pour sa foi ? Les déclarations doivent être suivies d'actes.
L'ONU et en particulier son Conseil de sécurité ont le devoir de mettre la pression sur le régime birman pour que les militaires soient dessaisis de la gestion de ce dossier au profit du pouvoir civil en coordination avec les différents organismes internationaux compétents.
Le boycott international qui avait abouti à la mise en place d'un régime civil du temps où Mme Aung San Suu Kyi dirigeait la résistance contre le pouvoir militaire pourrait être reproduit, notamment sur le commerce des armes et de toute coopération militaire ou de technologie sensible ayant un rapport avec la défense et la sécurité.
Dans ce cadre, le gouvernement britannique a donné l'exemple en suspendant, il y a une dizaine de jours, son assistance militaire à la Birmanie «jusqu'à ce qu'il y ait une résolution acceptable de la situation». Toutes les autres puissances, notamment occidentales et la Chine, devraient en faire autant sur la base d'une résolution de l'ONU.
S'agissant des atteintes répétées aux droits de l'Homme en Birmanie, une mission d'enquête devrait être déléguée par le Conseil de sécurité avec pour objectif de faire la lumière sur les événements et proposer des moyens de mettre fin à la violence. La possibilité de faire comparaitre les auteurs des violations des droits de l'Homme devant la justice internationale devrait être envisagée.
Un boycott économique pourrait être lancé, notamment sur les produits énergétiques dont sont exportateurs certains pays musulmans. Les pays musulmans membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) devraient sensibiliser cette organisation régionale dont est aussi membre Myanmar pour qu'elle presse les autorités birmanes afin qu'elles prennent les mesures nécessaires pour protéger toutes les minorités nationales dont celle des Rohingyas.
Dans tous les cas, les pays musulmans dont l'Algérie devraient jouer un rôle prépondérant dans la sensibilisation et la mobilisation de la communauté internationale sur ce drame.
Ce rôle ne s'explique nullement par la seule raison que la victime soit une communauté musulmane.
Il s'agit de marquer la solidarité avec une communauté humaine, outre le fait qu'elle soit musulmane, persécutée pour ce qu'elle est et en raison de sa foi. S'agissant des sanctions contre le régime birman, les pays musulmans individuellement ou au sein de l'OCI devraient en être les précurseurs et donner l'exemple pour le reste du monde.
La communauté internationale, notamment les pays musulmans, devraient apporter l'assistance nécessaire au gouvernement du Bangladesh dont les moyens sont modestes pour prendre seul en charge le flux des réfugiés qui avoisine les 500 000 personnes.
Mme Aung San Suu Kyi et son gouvernement devraient être obligés de prendre en charge le rapatriement de tous les réfugiés et leur réinstallation dans leurs foyers et leurs biens.
Une des mesures urgentes du gouvernement serait l'abrogation de la loi de 1982 sur la citoyenneté comme le propose la commission Annan.
Dans ce cadre, la nationalité birmane doit être restituée sans conditions à la communauté musulmane Rohingya, partie intégrante du peuple birman.
Les victimes rohingyas des exactions militaires ou d'extrémistes bouddhistes devraient être justement indemnisées des préjudices qu'elles ont eu à subir.
Un dialogue national inclusif entre les différentes composantes humaines et sociales de la société birmane est la seule voie qui permettra non seulement à la communauté musulmane Rohingya de récupérer ses droits fondamentaux en tant que composante nationale parmi d'autres du pays, mais aussi et surtout au pays de poursuivre sa démocratisation et son développement harmonieux grâce à la bonne volonté de tous ses citoyens birmans, sans distinction d'origine ethnique, de religion ou de culture.
Dans ce drame humain à grande échelle sorti droit du Moyen-âge, il est aisé de déceler derrière les manifestations de haine et de rejet de l'autre une volonté dissimulée de certains prédicateurs autoproclamés qui usent de la sensibilité religieuse sincère du citoyen croyant à des fins bassement politiques et économiques.
Les extrémistes bouddhistes usent de ce stratagème pour stigmatiser, avec l'aide de militaires fanatiques et avides de pouvoir et la complicité éhontée des dirigeants politiques, une frange importante de leur peuple au seul prétexte déclaré qu'elle est musulmane et non d'origine birmane. L'objectif inavoué demeure l'expulsion et l'expatriation des citoyens birmans rohingyas pour prendre possession de leurs terres et des modestes moyens d'existence qu'une vie ingrate leur a donnés au prix d'un dur labeur. Et pourtant, le bouddhisme dans son essence première promeut, tout comme l'Islam, l'amour et le respect du prochain quelle que soit son origine ethnique ou sa manière de prier. Dans ce contexte, les hommes sont-ils disposés à écouter la voix de la sagesse ?
En cette heureuse occasion du nouvel an de l'Hégire 1439, une pensée particulière de solidarité est adressée à la communauté musulmane des Rohingyas.


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