Voici une ethnie qui semble avoir été oubliée des dieux: ce sont les Rohingyas! Depuis les débuts de l'été, ils font l'actualité des médias internationaux, victimes d'une répression que les commentateurs - y compris les Nations unies - n'hésitent plus à qualifier d'épuration ethnique. En effet, la situation de cette minorité du Myanmar (nom officiel de la Birmanie) empire de jour en jour, malgré les dénonciations unanimes dans le monde. En fait, l'armée birmane y mène, depuis août dernier, des opérations de représailles d'une violence sans précédent, bouleversant le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui a condamné une «épuration ethnique» de la minorité rohingya. Ce n'est pas nouveau en fait. Dès 1962, avec l'arrivée des militaires au pouvoir, la situation des Rohingyas avait brutalement changé. L'homme fort de l'époque, le dictateur Ne Win, entreprit à son arrivée au pouvoir, une politique de «birmanisation» du pays par l'élimination de ceux qui n'étaient pas birmans. Les Rohingyas reconnus comme «minorité» nationale en 1948, vont tout perdre en 1982, en se voyant enlever la nationalité birmane, devenant de fait des «apatrides». Dès lors, la situation des Rohingyas, qui sont des musulmans, s'est encore compliquée dans un pays majoritairement bouddhiste. Ainsi, les musulmans rohingyas sont exclus de la liste des 135 ethnies officiellement reconnues par l'Etat birman. En fait, après que la nationalité birmane leur a été retirée en 1982, de nombreux obstacles ont été érigés face aux Rohingyas qui sont soumis à de nombreuses restrictions: ils ne pouvaient voyager ou se marier sans autorisation, ils n'ont accès ni au marché du travail ni aux services publics (écoles et hôpitaux). Une «non-existence» est dès lors imposée aux Rohingyas dont les choix, qui leur sont offerts, sont restreints, les poussant en fait à s'expatrier. Ceci explique sans doute cela, mais pas tout. Car ce qui se passe au Myanmar sort de l'ordinaire et n'a d'équivalent que la situation des Palestiniens dans les territoires occupés, qui font face aux mêmes brutalités de l'occupant israélien. Toutefois, au Myanmar, la venue à la tête de l'Etat d'une prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, avait laissé espérer l'amélioration des conditions de vie des Rohingyas, avec une meilleure prise en compte de leur situation. Il semble bien que cela n'a pas été le cas dès lors que la chef de l'Etat, qui a longtemps observé le mutisme - elle doit s'adresser aujourd'hui dans un discours à la nation au peuple birman - ne fait pas mystère du fait que sa priorité demeure les bons rapports que son gouvernement entretient avec l'armée, partie prenante et pivot du pouvoir au Myanmar. Du coup, pour la dirigeante birmane, le problème des Rohingyas devient accessoire, sinon facultatif qui ne doit pas, selon elle, interférer dans l'équilibre des pouvoirs au Myanmar. De fait, Aung San Suu Kyi, accuse la presse mondiale et les ONG internationales de «désinformation». Dénonçant un «génocide», l'ONG américaine, Human Rights Watch (HRW) a appelé l'Assemblée générale de l'ONU - dont les travaux s'ouvrent aujourd'hui - à prendre des sanctions ciblées contre le Myanmar et à lui imposer un embargo sur les armes. En fait, ce qui se passe au Myanmar, contre la minorité rohingya, n'est pas une surprise et n'est qu'une répétition, plus médiatique, du sort qui est celui des minorités dans le monde telles que les Pygmées, les Tziganes, les Roms, les Tatars... Ils sont des milliers de minorités (ethnique, linguistique, religieuse...) aux quatre coins de la planète qui n'ont pas leur place dans leur pays d'adoption, rejetés par les uns et les autres, réprimés quand ils ne sont pas simplement victimes d'épuration. Ainsi va le monde!