Synthèse Sarah Raymouche A travers cet éclairage, Soirmagazine explique la notion du mariage en lui-même au sein de la société algérienne et qu'est-ce que cela implique comme impact sur le psychique de la personne. Quelle est la place du mariage dans la société algérienne ? Zahia Ouadah-Bedidi, chercheure à l'Institut national d'études démographiques à Paris, explique : «Le mariage dans la tradition musulmane et dans la législation algérienne constitue le principe de base de la famille et sert ainsi de plate-forme à toute l'organisation des rapports entre les individus et la société (AARDES, 1977 ; Boutefnouchent, 1982). Le mariage est une institution fortement recommandée par l'islam. Il est considéré à la fois comme un devoir religieux, un acte social et juridique, et un acte personnel ayant pour objectif amour et affection (Bourayou et Belhadri, 2000). Les bienfaits reconnus au mariage dépasseraient cependant la dimension personnelle. En effet, ayant une grande valeur religieuse et spirituelle, notamment par son pouvoir à attirer la grâce divine, le mariage serait profitable à la société tout entière. Chez les musulmans, le mariage est une sunna, c'est-à-dire une tradition du Prophète, importante à suivre. Dans la société algérienne, le mariage a toujours été considéré comme une étape incontournable de la vie d'un individu.» Psychologiquement, ça change quoi d'être marié ? Sophie Cadalen, psychanalyste, spécialiste du couple, relève dans une interview : «On peut prétendre que se marier ne change rien, et pourtant il aura ses effets, différents selon chacun. Il n'est qu'à voir le nombre de mariages blancs qui virent en ‘‘vrais mariages'', comme si la force du signifiant ‘‘mariés'' influait sur les sentiments. Le mariage donne un nouveau statut légal, il inscrit le couple dans une réalité officielle, il formalise des devoirs et des droits de l'un par rapport à l'autre. Il est aussi un choix affiché, celui de faire notre route ensemble. Ce qui n'empêchera pas ce cheminement de se faire en toute décontraction. A moins d'être rattrapé par des associations inconscientes souvent héritées de nos environnements : le mariage sera alors synonyme de perte de légèreté, de routine obligée, plus de contraintes que de plaisir... Nous amenant malgré nous à reproduire l'aspect pénible du mariage, en oubliant l'enthousiasme qui l'avait décidé.» La peur de l'engagement est-il identique pour la femme et l'homme ? Dans psychologue.net, il est expliqué que la gamophobie se définit comme une peur incontrôlable et irrationnelle du mariage. Cette peur peut affecter le couple. On a pu observer que, traditionnellement, les hommes étaient plus sujets à la gamophobie, notamment lorsqu'il y avait encore un assez grand laxisme social envers l'homme et le fait qu'il pouvait passer par plusieurs couples. Pour autant, cela ne touche pas que les hommes, et il semble que de plus en plus de femmes ont peur de se trouver dans la posture traditionnelle qui soumet la femme mariée. Cela peut générer une peur du mariage, et les femmes vont boycotter leurs partenaires de manière inconsciente. La gamophobie/Les raisons de cette peur : - Certaines craintes des conséquences du mariage augmentent l'angoisse, particulièrement chez les jeunes. L'une des plus communes est la peur d'être dans l'incapacité de réaliser certaines expériences de vie en s'engluant dans un couple un peu «traditionnel». - Certains ne désirent pas non plus s'unir à une personne car, même en lui étant fidèle, ils aiment séduire, cela leur permet de se sentir vivant. - Mais on s'accorde souvent à dire que, ce qui sous-tend le plus cette peur globale du mariage, c'est la peur de l'échec. Une peur qui peut trouver ses origines dans l'enfance ou dans la jeunesse, par exemple si la personne a été témoin de disputes fréquentes entre les parents. Une crainte qui va en augmentant si le couple parental se trouvait dans une situation d'inégalité, vécue par les enfants comme indigne et injuste. Les enfants ont alors peur de répéter ce schéma dans leur propre couple. Mais comment se remettre d'une rupture ? Se donner du temps est probablement la première chose à faire, parce que toute rupture est une trajectoire qui passe par une série d'affects : colère, haine, dépression, fantasmes d'abandon, etc. Gérard Tixier, psychiatre et psychanalyste, conseille d'«utiliser son intellect pour discerner les émotions qui nous submergent. La douleur est inévitable, mais il faut s'obliger à faire le tri dans ce magma pour se rendre compte que, par exemple, à la souffrance présente se mêle l'écho des souffrances de séparations anciennes, comme le divorce de ses parents ou des ruptures précédentes. Et aussi pour ne pas amalgamer le manque de l'autre et la souffrance narcissique due au fait que la rupture abîme l'image que l'on a de soi. Repérer ce que l'on vit est la seule façon de demeurer sujet de son histoire et de n'endosser ni le rôle de la victime, ni celui du coupable». «Et si l'on n'y arrive pas tout seul, poursuit Gérard Tixier, il ne faut pas hésiter à se tourner vers un tiers : quelqu'un qui a déjà vécu ça, la famille ou un psychothérapeute.» Comment expliquez que certaines personnes disent «non» au dernier moment ? Et est-ce que cela traduit du courage ? Les psychologues expliquent qu'il existe une vraie pression sociale autour du mariage comme autour de la maternité d'ailleurs. Cette pression sociale pousse alors à prendre en compte les choix de la «société» plutôt que ses volontés personnelles. Il peut aussi s'agir du conjoint qui pousse l'autre à se marier alors qu'il ne le souhaite pas vraiment. C'est au pied du mur qu'on se rend compte de ses réels désirs et c'est pour cette raison qu'on dit «non» au dernier moment. Extrêmement ! Car la personne qui dit soudainement non devant une assemblée subira le regard de son conjoint, de sa famille, de ses amis, mais aussi la culpabilité des frais engagés pour un mariage. Elle sera sûrement jugée. C'est plus courageux de dire non le jour J plutôt que de faire annuler son mariage quelques mois après. n