L'Association professionnelle nationale de l'industrie automobile et mécanique (Upiam) a occupé le devant de la scène la semaine écoulée à l'occasion de la tenue de ses premières assises. Dans un langage franc et direct, sa présidente, Latifa Turki Liot, revient dans l'entretien qu'elle nous a accordé sur l'actualité dans le secteur de la sous-traitance et sur les divergences qui le secouent. Le Soir d'Algérie : Pouvez-vous nous faire une présentation de l'Union professionnelle de l'industrie automobile et mécanique (Upiam)? Latifa Turki Liot : L'Upiam est une association professionnelle nationale présente dans 14 wilayas et compte parmi ses membres les opérateurs publics et privés qui interviennent dans le secteur de l'industrie automobile et mécanique. Cette union a connu une première phase depuis sa fondation en 1992 avec des membres opérant essentiellement en tant que sous-traitants des donneurs d'ordres nationaux. Un nouveau bureau exécutif, constitué de huit membres dont 4 opérateurs publics, a été constitué en 2017 afin d'accompagner les mutations dans ce secteur et consolider le lien avec les donneurs d'ordres nationaux mais aussi internationaux. Le secteur automobile, comme vous le savez, connaît une nouvelle trajectoire avec l'implantation de plusieurs autres constructeurs internationaux. Pouvez-vous nous synthétiser les objectifs assignés à ces 1res assises de l'industrie automobile ? En un mot, «dépassionner» les débats sur ce secteur pour pouvoir avancer sur du concret et du factuel, loin de toute polémique ou spéculation. Nous avons en effet, durant cette année, tous pu lire ici et là des déclarations sur ce secteur, qu'elles émanent d'institutions, de donneurs d'ordres, d'experts... Un taux d'intégration locale qui serait de 15% pour certains, 30% pour d'autres, un cahier des charges qui semble être le point focal de cette industrie et qui est tant attendu par les opérateurs du secteur, etc. Nous avons sur un autre volet des sous-traitants, qui, eux, sont sur le terrain et qui sont frustrés d'attendre d'être homologués par les donneurs d'ordres internationaux. Il était donc nécessaire de tout «mettre à plat» pour pouvoir avancer sur l'essentiel. Comment fonctionne cette industrie ? Comment les donneurs d'ordres procèdent-ils pour homologuer les sous-traitants ? Quelles sont les filières stratégiques à prioriser pour nous permettre d'être compétitifs par rapport à nos voisins, etc. Ce sont ces sujets qui ont été débattus entre les donneurs d'ordres présents et leurs sous-traitants et qui ont pu déterminer les manquements des uns et des autres. En un mot, comprendre où on en est pour pouvoir définir tous ensemble un cap. Peut-on connaître les conclusions auxquelles sont parvenues ces 1res assises ? L'urgence de sortir du simple débat sur le taux d'intégration pour mesurer notre avancement dans ce secteur et c'est là un point qui mérite toute notre attention. Nous sommes en effet dans un processus qui positionne le cahier des charges comme étant la cheville ouvrière du secteur. Avoir un cadre réglementaire qui fixe certaines conditions d'exercice dans ce secteur est un atout, c'est certain. Toutefois, une filière industrielle ne se construit pas uniquement autour d'un cahier des charges. Une filière industrielle ne se construit pas en deux ans. Quels mécanismes mettre en place pour attirer les Tier 1 ? Quelles filières stratégiques prioriser de façon progressive ? Comment les constructeurs pourraient accompagner les sous-traitants ? Ce sont ces sujets qui devraient être formalisées entre les trois parties afin d'aboutir à des indicateurs qui devraient aller au-delà du simple taux d'intégration tels que le nombre de sous-traitants homologués, le nombre d'emplois créés, le chiffre d'affaires généré par branche d'activité, etc. Nous avons en effet constaté durant ces assises que les deux parties (sous-traitants et donneurs d'ordres) exprimaient finalement les mêmes attentes pour autant ils n'arrivaient pas toujours à s'entendre ou même ne se connaissaient pas dans certains cas. Le contrat de filière permettrait cette convergence de vues. Quelle serait la position de l'Upiam à l'égard de la démarche du gouvernement visant à développer une industrie automobile nationale ? Aurait-il fallu commencer d'abord par la création d'un tissu de sous-traitants compétitif et créer de la sorte les conditions pour une plus grande intégration locale ? Le tissu de sous-traitants existe déjà. Mais il y a deux composantes majeures dont il faut tenir compte pour pouvoir drainer ces sous-traitants autour des donneurs d'ordres. D'abord, la mise en place d'un écosystème automobile, suit une hiérarchie (Tier 1, Tier 2, Tier 3...) et encore une fois on ne peut pas déroger à la règle : un sous-traitant censé fournir un opérateur dans les Tier 1 ne peut pas fournir le donneur d'ordres directement. De fait, si les opérateurs Tier 1 ne sont pas implantés en Algérie, on ne peut pas solliciter les sous-traitants qui gravitent autour. Ensuite, l'homologation d'un sous-traitant est un processus qui suppose la maîtrise de plusieurs volets. Savoir «fabriquer une pièce» n'est pas le seul critère retenu par le donneur d'ordres pour être homologué. La qualité, le management, la performance financière sont autant de volets aussi importants que le volet technique. Ce sont là les exigences normatives du secteur auxquelles le sous-traitant doit répondre. Et enfin, je conclurai que le gouvernement a pris à bras-le-corps le secteur de la sous-traitance au travers de plusieurs actions concrètes déployées par son ministère de tutelle, le ministère de l'Industrie et des Mines. Je reste toutefois convaincue qu'on risque de «stagner» si on ne se dirige pas vers un cadre plus global que le cahier des charges qui régit cette activité. Doit-on positionner l'Upiam comme un partenaire des pouvoirs publics, voire même une force de proposition concernant les questions liées à l'industrie automobile, notamment dans son volet sous-traitance ? L'Upiam a toujours été une force de proposition dans ce secteur. Et même si nous n'avons pas toujours communiqué, plusieurs de nos propositions ont d'ores déjà été prises en compte par le ministère de l'Industrie et des Mines. C'est dans cette continuité que nous proposons la mise en place d'un contrat de filière qui réunirait le gouvernement par le biais de son ministère de l'Industrie et des Mines, les constructeurs ou l'association qui les représente et les sous-traitants par le biais de l'Upiam. Cette proposition avait d'ailleurs fait l'objet d'une publication par l'Upiam, retenue par la Banque mondiale dans le cadre du 9e Symposium international sur le dialogue public-privé organisé par cette institution à Tunis en mai dernier. Le contrat de filière serait le socle sur lequel reposerait notre industrie automobile, et on ne pourra pas dans cinq ans s'accuser les uns les autres d'avoir manqué à nos engagements étant donné que nous serions tous partie prenante de celui-ci.