Les ruptures de stock récurrentes des médicaments prescrits pour le traitement du cancer viennent aggraver le cas des patients déjà épuisés par le fardeau de cette maladie, lourde à porter sur tous les plans. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Un climat lourd régnait, hier, dans les différents services du Centre Pierre-Marie-Curie (CPMC) à Alger. Dans cet établissement de santé prenant en charge des patients atteints de cancer, les sourires sont aux abonnés absents. Les patients, pour la plupart des femmes, affichent plutôt des mines défaites et tristes. Les yeux figés, certaines d'entre elles ont le visage pâle et sans aucune expression. Ici, les discussions se font rares et très discrètes. Les plus loquaces mettent beaucoup de temps avant d'engager une discussion avec les voisines des sièges de la salle d'attente. Généralement, elles se limitent à quelques questions sur le type de tumeur, leur gravité et les traitements. «C'est vous qui venez consulter ?», «Vous avez quoi ?», «Depuis combien de temps ?», sont les questions les plus fréquentes. Certaines se contentent de réponses brèves tandis que pour d'autres, c'est l'occasion de «dégager» leur angoisse. Alors, elles ne se retiennent pas pour raconter dans le détail leur histoire avec le cancer. Déjà suffisamment lourde à porter, cette maladie est, ces derniers mois, aggravée par des ruptures de stock récurrentes de traitements. Une mauvaise nouvelle que nombre de patients ignorent pour le moment. «Même s'il y a manque de médicaments, personne nous le dira. Ils vont juste reporter notre rendez-vous à une date ultérieure sans nous expliquer le pourquoi», dira une quinquagénaire. Résidant à Hamadi à l'est de la capitale, elle est arrivée avec sa fille atteinte du cancer du sein, au CPMC, tôt le matin. Dotée d'un courage à toute épreuve, elle attend patiemment que sa fille termine sa séance de traitement. Selon l'association El-Amel d'aide aux personnes atteintes de cancer, des produits de chimiothérapie (drogues de chimio) manquent depuis plusieurs mois à l'exemple de certaines chimiothérapies de base en rupture depuis déjà quatre mois. La preuve : «Nous recevons des ordonnances de malades qui viennent de plusieurs wilayas nous voir pour leur trouver les traitements prescrits par leur médecin traitant», affirme la secrétaire générale de l'association, Mme Hamida Kettab. Affichant son incompréhension, elle fait remarquer que ces traitements sont des produits non officinaux qui ne peuvent être procurés en dehors de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH). Face à cette rupture qui perdure, des patients soumis à ce type de chimiothérapie interrompent leur traitement après quelques séances alors que leur vie en dépend sans pour autant compter le côté économique de ces ruptures. «Le patient est obligé de refaire son traitement de chimiothérapie de nouveau», explique-t-elle encore. Pour la SG de l'association, ces ruptures sont le résultat direct d'une «mauvaise gestion» et du «non-respect» des prévisions annuelles des chefs de service par la pharmacie et la PCH. Mme Kettab évoque également l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) de certains médicaments indiqués dans le traitement du cancer, qui n'a pas été signée depuis plus d'une année. «L'ATU concerne les produits qui ne sont pas encore enregistrés. La direction de la pharmacie du ministère de la Santé explique ce retard par un éventuel enregistrement de ces produits. Seulement, en attendant, les malades payent de leur vie», regrette-t-elle.