J'avais d�cid�, il y a quelques jours, de faire une concession � ceux qui me reprochent de voir le monde arabe tout en noir et stri� de larges bandes vertes, fa�on Tchernobyl. Ce qui est la r�alit� puisque les bandes vertes du nouveau "Vieux de la montagne" en cessent de s'�tendre. J'avais donc r�solu de m'�loigner de la politique, pour quelques temps, pour mettre en valeur ce qu'il y a de positif dans cet univers sinistr�, c'est-�-dire la beaut� et le fol optimisme de ses femmes. Las ! La politique m'a rattrap� alors que je n�gociais ce virage d�licat qui consiste � voir des raies de lumi�re dans un long et obscur tunnel. Samedi dernier, l'obscurit� m'a happ� au centre du Caire. Deux femmes en "niqab" ont tent� de mitrailler un autobus transportant des touristes �trangers. "M�thode tch�tch�ne", a comment� notre confr�re Echarq Al Awsat, oubliant que si les Tch�tch�nes en sont arriv�s l�, ils le doivent aussi aux Arabes. Qu'importe ! Laissons aux Tch�tch�nes la paternit� du terrorisme f�minin et m�me celle des attentats suicide. Puisque de toutes les mani�res, il y aura toujours la m�me r�ponse : "C'est la faute aux Am�ricains et aux Juifs." Remarquez que les Arabes ne protestent jamais de leur propre innocence apr�s un acte de violence int�griste. Ils se font les avocats de l'Islam, en criant l'innocence d'une religion, alors qu'ils sont au banc des accus�s. Ah, qui dira l'Islam, couverture commode et alibi �ternel des peuples en panne hors de la bande d'arr�t d'urgence ? Pourtant, la revendication des deux attentats du Caire sur Internet confirme toute la suspicion que l'on peut ressentir � l'�coute du discours islamiste. Le groupe se r�clame du "Martyr Mohamed Atta", l'ex�cutant principal des attentats du 11 Septembre. Il proclame que ces "attaques" ont "�branl� les d�fenses des nouveaux pharaons et frapp� la prog�niture des singes et des sangliers". Ceci s'adresse �videmment aux chr�tiens (am�ricains ?) et aux juifs (isra�liens ?). Ces images d�valorisantes ne viennent pas du fond des �ges. La plupart des invocations recourent au m�me vocabulaire. Et comme ils sont friands de langage ch�ti� et de concepts nouveaux, les Alg�riens sont en pointe dans ce domaine. L'insulte et l'invective racistes se pratiquent � ciel ouvert, de Bab-El-Oued � Montreuil. Le quotidien �mirati Al Itihad s'�tonnait d'ailleurs la semaine derni�re de la violence des propos dans certaines mosqu�es. Le chroniqueur Turqui Dakhil raconte que m�me en territoire �tranger, le discours ne change pas. Il affirme avoir entendu aux Etats-Unis m�mes des imams vouer les chr�tiens et les juifs au naufrage, appeler la st�rilit� sur leurs �pouses, etc. Je sais bien qu'il y a des pasteurs adventistes qui disent pis que pendre des musulmans. Mais imaginez un seul instant qu'un pr�dicateur chr�tien loue la salle Harcha et appelle sur nous la col�re divine, apr�s nous avoir trait�s de tous les noms d'oiseaux ? Dans le cas de l'Egypte des groupes entiers succombent � ce langage, au point que la communaut� copte est oblig�e de se boucher les oreilles pour ne pas entendre et, surtout, pour ne pas r�pondre. Il n'y a donc aucun �tonnement � apprendre que les trois attentats du mois d'avril au Caire portent la signature de la m�me famille. Comme les maffieux siciliens, les int�gristes �gyptiens tuent aujourd'hui en famille. L'une des auteurs de l'attentat manqu� de la place Seyida A�cha, Nadjat Yousri Yacine n'est autre que la sœur de Ihab Yousri Yacine. Ce dernier est le kamikaze, et l'unique victime d�c�d�e, de la place Abdelmoneim Riadh. Ihab �tait recherch� comme complice dans l'attentat du quartier Al Azhar, le 7 avril dernier. L'auteur avait �t� identifi� comme �tant Hassan Bashandi. On a d'ailleurs retrouv� sa carte d'identit� sur le corps de Yousri Yacine dont il �tait un proche parent. Enfin, et pour compl�ter ce touchant portrait de famille, sachez que l'autre terroriste en "niqab" �tait en "relation sentimentale" (1) avec Ihab Yousir Yacine. Par un hasard �trange, quelques jours avant l'acte manqu� de Seyida A�cha, notre confr�re �gyptien Khaled Mountassar publiait un article pr�monitoire sur le magazine Elaph. Il proclamait que le "niqab" �tait "un danger pour la s�curit� et une porte ouverte sur le crime". Dans ce long pamphlet contre cet accoutrement vestimentaire qu'il qualifie de "tente noire" et r��dit� par Elaph ce dimanche, Khaled Mountassar r�clame l'interdiction du "niqab". "Jusqu'� quand, dit-il, le niqab s'imposera � notre soci�t� comme un cancer ? Et si quelqu'un s'�l�ve contre ce ph�nom�ne, on lui r�pond : "Tais-toi ! le niqab est le symbole de la vertu." Mais si vous interrogez un officier de police sur ce qui lui cause le plus de d�sagr�ment dans son m�tier, il vous r�pondra sans ambages : "C'est le niqab !" En effet, il transforme en une seconde un �tre humain en fant�me. Le plus �reintant est de traquer un fant�me ou plusieurs. Et si la soci�t� se transforme en fant�mes, c'est la s�curit� int�rieure qui va s'effondrer. Nous deviendrons comme l'Am�rique qui traque un chat noir dans l'obscurit� des cavernes de l'Afghanistan". Khaled Mountassar cite maints exemples de l'usage du niqab � des fins criminelles. Il rappelle notamment les �meutes estudiantines d�clench�es par la r��dition du livre de Ha�dar Ha�dar Un festin pour les algues de mer. Ce jour-l�, pr�cise-t-il, des meneurs int�gristes se sont camoufl�s en "niqab" et ont provoqu� des incidents sanglants avec la police. "Avant d'�tre un habit, note encore le journaliste �gyptien, le niqab est un symbole qui peut se d�coder ainsi : ‘Je suis dans une position plus haute et je jouis de plus de consid�ration que vous, � exhibitionnistes (2) et je suis la seule croyante'". Evoquant justement l'aspect religieux, Khaled Mountassar souligne que le "niqab" n'est pas une prescription religieuse. "Tout le monde a peur d'approcher ce point sensible sous pr�texte que celles qui l'exhibent sont attach�es � la vraie religion. Le niqab, affirme-t-il, n'a rien � voir avec l'authenticit� religieuse et nous le d�montrerons par des textes juridiques. Et comme le niqab a quitt� les livres de th�ologie pour les dossiers de la police judiciaire �gyptienne, des services secrets talibans et am�ricains, il nous appartient d'investir ce terrain min� et d'affronter le probl�me avec courage." Le journaliste �num�re alors une s�rie de Hadiths et de Versets pour appuyer ses dires (3) et, se rappelant qu'il est psychologue, il conclut : "Cette illusion de la l�galit� du niqab est entretenue par des hommes qui souffrent d'obsession sexuelle, de jalousie artificielle et d'un manque de confiance. Ces gens se r�fugient dans le ghetto des exc�s verbaux et des effets ostentatoires ex�crables. Ils nous entra�nent dans un climat de schizophr�nie aigu�. Ainsi toute personne tent�e de s'adonner au d�sordre nous menace en proclamant qu'il suit la vraie religion et qu'il en a le monopole. En r�alit�, il menace la soci�t� et les individus et, avant tout, il est une menace pour la religion." A. H. (1) Il faut admirer cette singuli�re pudeur des mots, lorsqu'il s'agit de parler d'amour et de relations charnelles. Malheureusement, cette pudeur s'�tend aussi aux autres domaines de la vie, en politique par exemple. (2) Lorsque les islamistes ne se sentaient pas forts, ils disaient "saffirate" pour parler des femmes qui ne portent pas le "hidjab". Comme ils ont conquis des pans entiers de la soci�t�, ils parlent de "moutabaridjate", en attendant un mot plus cru qu'ils utilisent dans leurs conclaves. (3) Personnellement, je suis en d�saccord avec ceux qui se laissent entra�ner sur le terrain de la th�ologie avec les int�gristes. En attendant le r�formateur esp�r�, on peut dialoguer mais sur l'Agora ath�nien.