Les r�formes de la justice, engag�es depuis pr�s de quatre ans, ont pour objectif principal de consacrer l'ind�pendance du pouvoir judiciaire. Pourtant, une instruction du ministre de la Justice, garde des Sceaux, adress�e aux magistrats pr�sidents des principales cours du pays, semble aller � contresens de ce principe. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Cette instruction minist�rielle adress�e le 23 f�vrier 2005 au premier pr�sident de la Cour supr�me, au pr�sident du Conseil d'Etat et aux pr�sidents et procureurs g�n�raux de l'ensemble des cours du pays, exige de ces derniers "une prise en charge effective des pr�occupations des citoyens". Cela est bien entendu le souhait de tout un chacun, si ce n'est que cette instruction d�coule de recommandations d'une simple structure d'accueil install�e au niveau de la chancellerie. "Les nombreuses dol�ances des citoyens, recueillies par la cellule d'�coute du minist�re de la Justice, ont attir� notre attention sur l'exigence de l'intervention des responsables des structures judiciaires afin que ces pr�occupations soient prises en charge. Les citoyens ne doivent plus rester dans l'expectative et l'attente prolong�e sans que leurs situations ne soit r�gl�es, cela porterait pr�judice � l'institution judiciaire pour laquelle l'Etat a consenti d'important efforts pour sa r�forme". "Les citoyens ne prendraient pas attache avec la cellule d'�coute, ou tout autre service de l'administration centrale, s'ils disposaient d'une r�elle prise en charge de leurs pr�occupations au niveau des instances judiciaires", peut-on lire dans l'expos� des motifs de cette instruction minist�rielle. Tayeb Bela�z pr�cise �galement que "ces pr�occupations entrent dans le cadre des activit�s quotidiennes des tribunaux et des cours, et se d�roulent selon le principe de l'�valuation du travail effectu� et de l'appr�ciation des aptitudes de ceux qui sont cens�s l'accomplir". Les "graves insuffisances et d�rives" recens�es par la cellule d'�coute, sur la base des dol�ances et plaintes des citoyens, ont trait � la non-application des d�cisions de justice, aux retards dans le traitement des affaires, aux probl�mes d'accueil et � la disparition de documents des dossiers judiciaires. Le ministre de la Justice dresse un constat accablant de son secteur et rejoint ainsi les conclusions du rapport de la Commission nationale de la r�forme de la justice finalis� en 2000. En quatre ans, la situation de ce secteur est rest�e inchang�e malgr� le vent de r�formes qui souffle sur ce secteur. Mais selon des magistrats cette "situation" ne peut justifier le fait que le ministre adresse une instruction aux juges pour exiger d'eux qu'ils "prononcent des jugements de qualit�s et appliquent la loi en respectant le droit � la d�fense". Contact�s � ce sujet, des sp�cialistes en droit public sont formels : "Le ministre de la Justice a la pr�rogative de saisir les procureurs g�n�raux et les procureurs de la R�publique, magistrats repr�sentants du minist�re public mais les principes de s�paration des pouvoirs et d'ind�pendance du pouvoir judiciaire ne permettent pas � la chancellerie d'interf�rer dans l'activit� des magistrats. Le garde des Sceaux ne peux, en aucun cas, instruire le premier pr�sident de la Cour supr�me, le pr�sident de la Cour d'Etat et les pr�sidents des cours". D'ailleurs, la l�gislation alg�rienne est tr�s claire � ce sujet. "Le juge n'ob�it qu'� la loi (…) Le juge est prot�g� contre toute forme de pressions, interventions ou manœuvres de nature � nuire � l'accomplissement de sa mission ou au respect de son libre arbitre", pr�cisent les articles 147 et 148 de la Constitution. L'article suivant stipule que "le magistrat est responsable devant le Conseil sup�rieur de la magistrature et dans les formes prescrites par la loi, de la mani�re dont il s'acquitte de sa mission (art149)". L'appr�ciation de la qualit� des jugements prononc�s n'est pas non plus du ressort du ministre de la Justice mais revient au Conseil d'Etat, organe r�gulateur de l'activit� des juridictions administratives. "Le Conseil d'Etat �tablit un rapport g�n�ral annuel qu'il transmet au pr�sident de la R�publique et porte sur l'appr�ciation de la qualit� du jugement de juridiction administrative dont il a �t� saisi ainsi que sur le bilan de ses propres activit�s, une copie dudit rapport est transmise au ministre de la Justice", stipule l'article 06 de la loi organique n�01 du 30 mai 1998 relative aux comp�tences, � l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat. Dans la situation actuelle, la proc�dure l�gale a �t� invers�e puisque c'est le pr�sident du Conseil d'Etat qui est saisi par la chancellerie. Contact� au sujet de cette instruction, le secr�taire g�n�ral du Syndicat national des magistrats a avou� ne pas en avoir pris connaissance. "J'�tais en d�placement � l'�tranger ces derniers temps, donc je n'ai pas d'id�e pr�cise sur le contenu de ce document. Mais il me semble que le ministre de la Justice a un droit de regard sur son secteur. D'autant qu'une instruction n'est pas une ordonnance", pr�cisera Djamel A�douni, pour qui ce document officiel n'est suppos� �tre qu'une s�rie de recommandations. Pourtant, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, se montre intransigeant � ce propos : "J'accorde une attention particuli�re � la diffusion et au strict respect de cette instruction. Et je tiens � �tre inform� de tout laxisme quant � son application."