C'�tait assur�ment � l'honneur de ces lointains a�n�s de nos actuels �tudiants de vouloir c�l�brer avec faste l'un des plus mythiques sigles du combat national. Les outrages du temps s'acharnant � clairsemer leurs rangs, il fallait bien que, dans l'urgence, ils se donnent rendez-vous et que s'organise autour des survivants une �amicale d'anciens universitaires militants�. Mais pour quoi faire, dira ton ? Simplement pour s'affranchir enfin du �devoir de r�serve� et payer sa d�me � la v�rit� historique. Eux qui ont v�cu durant un demi-si�cle les p�rip�ties de ce pays et qu'on obligea � couvrir par le silence plus d'une imposture ont aujourd'hui une dette � honorer vis-�-vis des futures g�n�rations. Parler et �crire surtout. On les pensait � l'abri des contingences de pouvoir et l'on attendait d'eux qu'ils fassent preuve de positive subjectivit� afin d'en finir avec les interpr�tations, erron�es et justement officielles, du pass�. Il n'en fut rien h�las � Tlemcen o� l'on se contenta des orgues de la flagornerie, de la claque des pl�nums et de la r�daction de motions de soutien. Dire apr�s cela que les fr�res fondateurs de l'UGEMA vieillissent tristement est un euph�misme. Eux qui incarn�rent, avec plus ou moins de bonheur dans les carri�res, l'�lite de l'Etat apr�s avoir �t� le moteur intellectuel du combat anti-colonial, les revoil�, � un �ge canonique, en train de courir apr�s les signes de reconnaissance. Oserons-nous penser qu'ils ont un d�ficit de sagesse et de quant-�-soi ? Ce d�tachement qui permet de laisser � la post�rit� des manuels d'histoire sa part de v�rit� et �galement payer son �cot pour se d�douaner de ses propres erreurs. Ont-ils oubli� que la critique et l'autocritique font partie de cet accomplissement personnel ? C'est � cette hauteur qu'ils �taient attendus et l'on fut surpris qu'ils aient conserv� leurs habits d'arlequins. Qu'une c�l�bration se tienne sous le plus haut patronage de l'Etat n'exclut ni la distance ni la r�serve en la mati�re. Car au-del� des honneurs (m�rit�s par ailleurs et humainement gratifiants), ces vieux clercs, jadis incontestables militants, sont plus redevables aujourd'hui � l'histoire qu'� tous les pouvoirs. Pour cela il leur suffisait de se convaincre qu'il y a un temps pour toute trajectoire politique et ne pas se pr�ter aux c�l�brations orchestr�es en dehors d'eux. Les effets d'une telle surm�dicalisation ne se sont pas fait attendre. Et c'est une lettre de leur sigle qui sera la th�se de nouvelle �id�ologie� du pouvoir � la recherche d'une filiation, d'une �conformit� historique, voire d'un h�ritage et de sa plus-value, � investir dans une campagne. A l'origine de la cr�ation de l'UGEMA. En juillet 1955, un d�bat de fond divisa les �tudiants sur cette notion �ethnoculturelle � connot�e par le �M� de musulman, qui allait par la suite s'imposer. L'union, devenue le relais actif et la p�pini�re intellectuelle du FLN, sera certes estampill�e �musulmane� sans pour autant se caract�riser par un sectarisme outrancier. Dans le contexte de la structuration des moyens de mobilisation de l'�poque, elle r�pondait exclusivement � une n�cessit� tactique notamment pour anticiper sur le risque de noyautage et le rapport du nombre entre Alg�riens de diff�rentes confessions. Jamais, au grand jamais ce distinguo devait � lui seul d�finir l'identit� nationale. Si cela avait �t�, que cette r�f�rence n'�tait pas de circonstance, comment alors expliquer a posteriori que le dernier congr�s de l'UGEMA tenu � la rentr�e scolaire de 1962 ait ent�rin� la disparition de ce sigle et son remplacement par celui de l'UNEA ? C'est-�-dire d�barrass� de toute connotation religieuse. Cela suffit � suspecter la dissertation officielle d'occultation de la r�alit� et reprocher � certains anciens dirigeants de ce mouvement de �complicit� dans ce travestissement de tribune. Autant dire qu'il fallait � des messieurs comme Bela�d Abdeslam, Reda Malek ou Mouloud Belhouane de corriger � chaud certaines de ces assertions. Or, l'on sait que l'auteur de ces derni�res qui ne manquait pas d'arri�re-pens�es eut, lui, le m�rite d'articuler ses allusions au sujet de la r�conciliation sur cette donn�e secondaire et ancienne. Ce que l'on appelle une construction erron�e pour un objectif r�el. Cette mise au point n'ayant pas eu lieu, l'on peut par cons�quent se poser toutes les questions � propos de ces historiques du mouvement estudiantin et craindre que d'ici � mai 2006 (le chef de l'Etat a d�j� propos� un �congr�s� � l'occasion du cinquantenaire du 19 Mai 1956), cette �amicale� ne devienne un comit� de campagne politique. Les ingr�dients et les interpr�tations ne sont-ils pas d�j� r�unis pour faire de la symbolique religieuse, contenue dans le sigle de l'UGEMA, un intangible exemple de notre identit� ? Il reste � designer Bela�d Abdeslam comme chef d'orchestre, lui qui administra en juillet 1955 ce rajout du �M� � cette union. �Modernit� sans occidentalisation et islam sans Etat th�ocratique �, martelait pr�cis�ment le chef de l'Etat � Tlemcen. Voil� qui ne diff�re gu�re des credos �labor�s dans les ann�es trente (1) et que l'on ne manquera pas d'exhumer comme des dogmes r�nov�s. Ainsi il leur suffira de d�rouler l'histoire en boucle et d'en extraire quelques v�rit�s d'�poque pour en faire de nouvelles. Ces respectables �grands fr�res de l'intelligence� que l'on invite, seront-ils politiquement soudoy�s au cr�puscule de leurs destins afin de jouer aux ma�tres sorciers, dans une pi�ce qui divise le pays ? Nous ne croyons pas un instant qu'un seul d'entre eux n'ait pas lu dans sa jeunesse studieuse et militante le pamphlet d'un certain Julien Benda sur �la trahison des clercs�. Cette intelligentsia qui se couche dans les lits des pouvoirs s'engage � ses c�t�s et amplifie ses poncifs au lieu de scruter les bas-fonds et t�moigner pour les authentiques d�tresses. Il d�non�ait la compromission institutionnelle et admirait a contrario les engagements moins r�mun�rateurs. De ce millier d'universitaires alg�riens ayant fr�quent�, au milieu du si�cle dernier, les �amphis�, rares �taient ceux qui d�sert�rent leur communaut�. Mais leur patriotisme �tait �galement un engagement de classe sociale d�s l'instant o� ils �taient convaincus que l'ind�pendance politique et la fin de l'exploitation individuelle �taient un tout. Ce qui, par la suite, s'av�ra tragiquement inexact. Mais qu'importe, ils poursuivront cet id�al en composant avec les oligarchies successives avec le m�me espoir que leur probit� serait un facteur mod�rateur de la rapine. Aux postes de ministre, d'ambassadeur et de wali, ils furent les seuls � d�velopper une culture de l'Etat et avoir un sens aiguis� de sa glorieuse servitude. Eux qui avaient rencontr� dans leurs �tudes l'id�al du bien public. Globalement, ils sont demeur�s dans l'accomplissement muet du devoir, ce qui leur vaudra souvent le statut � double tranchant de �caution�. Pour le meilleur comme pour le pire, ils agirent comme un miroir aux alouettes aupr�s de tous les jobards de la soci�t� et retard�rent souvent la mise � nu du r�gime. C'est qu'ils avaient du cr�dit alors qu'ils savaient que c'en �tait une tromperie � r�p�tition. Il est certain que chez chacun d'entre eux des probl�mes de conscience devaient se poser et qu'ils avaient � r�soudre individuellement. Depuis une d�cennie au moins, leur �engagement� s'apparentait � de la compromission. Ou, si par hasard, leur carri�re parvenait � surmonter certaines r�pugnances intellectuelles ils s'inventaient des postures de victimes. Grands clercs mais jamais d�cideurs, — a-t-on jamais vu l'un d'entre eux coopt� au sommet ? — aussi, seront-ils dor�navant dans le reniement de leur pass� toutes les fois o� ils seraient tent�s de reprendre du service. A partir de leur retraite, ces caciques ne feraient-ils pas œuvre utile en inscrivant cette initiative dans un strict souci de t�moins de l'histoire ? Vaccin�s intellectuellement contre la glorification surfaite, l'on aimerait beaucoup que de leurs r�unions naisse une fondation qui publierait ses annales sous le seul contr�le du magist�re de l'universit�. Loin de la sph�re politique ils �viteraient des parrainages semblables � celui de Tlemcen. Ces anciens de l'UGEMA devraient rapidement changer de perspectives et f�conder pour le bien de tous, leur capital exp�rience. Peut-on r�ver par avance � un d�bat contradictoire entre Harbi et Abdeslam sur les origines de ce �M� de la controverse ; et fermer ainsi la porte � tous les faussaires de l'histoire ? En tout cas l'auteur de Aux origines du FLN s'est d�j� exprim� sur le sujet et reproche � Abdeslam de �simplifier les faits quand il soutient aujourd'hui que ce d�bat opposait communistes et nationalistes�. (1). N'y a-t-il pas meilleure occasion pour confronter les points de vue et soustraire ainsi une page de l'histoire aux explications hasardeuses. Exit les strat�ges et les officines, les anciens de l'UGEMA pourront alors d�cr�ter qu'ils ne seront en mission command�e que pour le compte de l'histoire. Quant au reste il n'est que mauvaise litt�rature politique. Des tracts. B. H. (1) In Une vie debout , de Mohamed Harbi pages 160, 161 et suivantes.