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CHRONIQUE DES TEMPS SORDIDES
Pourquoi je ne voterai pas le 10 octobre Par Ma�mar FARAH [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 14 - 07 - 2005

Un jeune me disait r�cemment : "Je n'irai pas aux urnes parce que mes parents ont vot� des dizaines de fois et cela n'a rien chang� � leur vie... Au contraire, ils vivent plus mis�rablement apr�s chaque scrutin.." Je n'ai m�me pas cherch� � commenter ce qu'il venait de dire. Apr�s tout, me suis-je dit, ce jeune ressemble � tous ces manifestants de Kabylie qui luttent depuis plus d'une ann�e pour la dignit�, celle de tous les Alg�riens.
Ce jeune fait partie de cette grande masse de ch�meurs qui errent quotidiennement dans les d�dales d'une male vie marqu�e par une grave crise morale qui les jette dans la spirale de la drogue et de la violence. Le tout dans un d�cor plant� depuis des ann�es et qui ne cesse de se d�grader, un environnement domin� par les puissants, ceux qui ont le pouvoir et l'argent. Ce sont souvent les m�mes et lorsqu'ils ne sont pas les m�mes, ils trouvent vite le moyen de se donner la main pour construire un monde fait sur mesure pour eux, un monde qui exclut tous ces jeunes... Alors, entre les tentacules d'une bureaucratie paralysante et l'exclusion sociale, il n'y a plus de place pour l'espoir... Une jeunesse sans espoir, c'est ce qu'il y a de pire dans un pays, c'est le signe le plus probant de l'�chec des politiques gouvernementales, parce que l'espoir, pour vivre, n'a pas besoin de moyens colossaux... L'espoir na�t d'abord de la certitude d'�tre gouvern� par des gens honn�tes et sinc�res. A tous les niveaux. Si cette certitude venait � manquer, si l'on a l'impression que ceux d'en haut balancent leurs discours sans conviction, juste pour jeter de la poudre aux yeux des gens qui les �coutent, si l'on se fait � l'id�e que rien ne se fera de concret pour am�liorer ses conditions de vie, si l'on sait d'avance, et quelle que soit la politique annonc�e, que les riches continueront de s'enrichir alors que les pauvres s'enfonceront davantage dans la pauvret�, si l'on ne voit pas de changement au niveau du comportement des puissants qui s'arrogent tous les droits, si l'on continue � trembler devant le policier et le gendarme alors que l'on n'a rien fait, si l'on est oblig� de donner de l'argent pour des services publics gratuits, si l'on ne tente m�me plus de chercher du boulot parce que l'on sait que les postes seront distribu�s aux belles filles et aux connaissances, on campera sur ses positions radicales : le refus de tout ce qui est politique parce qu'il sent le politicien, le doute, voire le d�sespoir. Alors pourquoi voter ? Oui, au fond, pourquoi accomplir un geste qui ne changera rien � votre existence mais qui, par contre, compte beaucoup pour ceux qui nous gouvernent puisqu'ils le comptabiliseront comme un soutien � leur politique. Et cela, je ne le ferai jamais comme ce jeune des bas quartiers d'une grande ville du nord du pays, un quartier bouff� par les constructions anarchiques (mais l�gales!), laid comme une plaie et triste comme une tra�n�e gris�tre sur les flancs d'une colline d�bois�e et jaun�tre. On est loin de certains quartiers hupp�s, comme ce Club (oui, c�est un v�ritable club) des Pins, l� o�, en principe, les jeunes devraient aller massivement au scrutin du 10 octobre. Mais, curieusement, beaucoup d'entre eux aussi seront absents des bureaux de vote. Et savez-vous pourquoi? Parce que ces fils � papa ont �t� envoy�s � Londres, Paris, Gen�ve ou dans quelques universit�s de renom aux Etats-Unis. Leurs papas, qui tiennent des discours si beaux sur l'avenir de ce grand pays, n'ont m�me pas confiance dans son syst�me �ducatif. Comment les croire alors ? Et si ce que je dis n'est pas vrai, je vous mets au d�fi de prouver que vos enfants, tous vos enfants, fr�quentent les m�mes universit�s que les n�tres! Chiche ! Je ne parlerai pas de cette grave injustice qui fait que nos malades errent dans les couloirs de ces h�pitaux sales, surcharg�s et parfois sans m�dicaments alors que les v�tres sont envoy�s dans les plus grandes cliniques europ�ennes, souvent pour de petits bobos ! Voil� pourquoi je ne vous donnerai pas ma voix. Je la r�serverai aux responsables honn�tes qui donneront l'exemple en disant � leurs enfants : "Non, mon fils, tu vas �tudier ici avec les enfants du peuple. Et si bourse � l'�tranger devrait �tre allou�e, elle le serait pour les meilleurs..." Ils diraient � leurs femmes : " Nous avons de bons professeurs, il y a des cliniques priv�es ici qui n'ont rien � envier � celles de l'Europe. Non ! Tu n'iras plus chez ton dentiste l�-bas !" Ils le feront comme des hommes en tapant sur la table ! Ce jour-l� je voterai pour leur dire de loin, de mon quartier sale et poussi�reux, que l'espoir existe � nouveau. Oui, ce jour-l�, ils peuvent compter sur ma voix et l'interpr�ter comme un appui � leur politique. Mais en attendant, ils ne font rien pour m�riter ma voix. Non, je n'irai pas voter et ce n'est pas un acte anti-national comme ils le disent. Au contraire, c'est l'acte le plus r�fl�chi puisqu'il me met en face de ma conscience, loin des turbulences de la politique et des engagements militants, dans le silence propice aux r�flexions qui engendrent les grandes d�cisions. Avez- vous vu comment ils interpr�tent cet acte solennel et grave que nous avons pris en parfaite connaissance de notre statut de citoyen et en harmonie avec nos convictions? La mani�re dont ils parlent de mon acte � la t�l�vision est honteuse. Ils utilisent un langage stalinien, sorti des poubelles de l'histoire, qualifiant ce que je consid�re comme un acte patriotique en termes bas, proches de l'insulte. Parlons de la Kabylie : ils utilisaient ce m�me langage � la veille du 30 mai pour parler de l'attitude du FFS qui avait boycott� les l�gislatives. Subitement, le FFS n'est plus le m�me : que d'�loges aujourd'hui de la bouche du ministre de l'Int�rieur ainsi que des pr�sentateurs TV! Comment les croire? A propos de Kabylie, je ne peux que m'incliner � la m�moire des martyrs de la citoyennet�, ces m�mes qui ont �t� fauch�s � la fleur de l'�ge alors qu'ils auraient pu, en ce 14 septembre, arpenter joyeusement les chemins qui m�nent aux lyc�es. Non, je ne les oublierai jamais et c'est aussi par fid�lit� � leur m�moire que je ne glisserai pas d'enveloppe dans leur urne et ce n'est pas mon probl�me si elle est trafiqu�e ou pas ! Nous n'avons plus peur des assembl�es islamistes, alors inutile d�agiter cet �pouvantail ! �a ne marche plus ! Au fond, islamistes ou pas, notre classe politique a besoin de changement. Et surtout pas dans la continuit� ! Nous avons besoin d'une nouvelle classe politique qui aura � c�ur d'apporter toute son �nergie et son engagement au profit des t�ches de r�novation sociale, en mettant en �uvre une politique de d�veloppement qui aura pour objectif la modernit�, l'am�lioration des conditions �conomiques et sociales, la renaissance culturelle, plus d'�galit� et de justice dans la r�partition des richesses. Une classe politique qui �uvrera plus pour l'int�r�t des citoyens, tous les citoyens, que pour construire des palaces et chercher une place au soleil l�bas! Nous avons besoin de moraliser nos m�urs politiques et cela concerne la majorit� comme l'opposition. Je ne voterai pas pour des gens qui pensent plus au marbre import� pour leurs villas qu'� l'alimentation en eau potable de mon quartier ! Toi, l'ami qui me lis, je ne te demanderai pas de faire comme moi. Je n'utiliserai pas cette tribune pour faire campagne pour l'abstention. C'est le r�le de certains partis qui ont choisi librement cette voie mais qui seront censur�s par la t�l�vision. Si tu as la conviction que ton bulletin va changer les choses dans le sens d'une meilleure prise en charge de tes probl�mes locaux, n'h�site pas. C'est ton devoir de voter pour la liste de ton choix. Je respecte ton acte comme je respecte celui de ces millions qui iront le 10 octobre glisser une enveloppe dans l'urne avec l'espoir que cela va leur apporter du bien. C'est notre petite conception de la d�mocratie. Ce 10 octobre, j�ai choisi de ressembler � mes fr�res de Kabylie et je les assure que nous serons en communion pour c�l�brer notre acte patriotique, sans violence, sans haine, afin que tous nos autres fr�res sachent que votre combat n'est pas dirig� contre le reste de la Nation, ni contre nos valeurs communes, mais qu'il s'inscrit dans le cadre de la lutte s�culaire de ce peuple pour l'�mancipation, la dignit� et la libert�. Je suis certain que la r�volution citoyenne sortira grandie ce 10 octobre, pour peu que vous soyez unis et que vous �vitiez de r�pondre � la provocation. Faisons de ce 10 octobre une grande journ�e de combat pacifique pour la vraie d�mocratie.
M. F.
P. S. : Durant l�interm�de estival, synonyme de vacances, nous vous invitons � revisiter certaines chroniques. Celle-ci fut publi�e en septembre 2003 dans� Le Matin ! Merci � Benchicou d�avoir accept� ce papier. A voir ce qui se passe avec les �indus occupants� des APC, nous avions raison de ne pas participer � la mascarade ! Ils avaient tort. Ils le prouvent aujourd�hui. Ils ont des probl�mes avec le FFS qu�ils caressaient dans le sens du poil � la veille de ces �lections. Oui, nous avions raison, Mohamed Benchicou. La t�l�vision et les ministres avaient tort. Plus de la moiti� des �lecteurs n�ont pas particip� � ces �lections. Nous sommes fiers d�appartenir � cette vraie majorit�.


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