Dans une Alg�rie qui ne jure que par le satellite et les programmes �trangers � fran�ais et arabes principalement �, les nouvelles technologies vont apporter du nouveau. Mais tant que la loi emp�chera les cha�nes priv�es d�exister, il restera comme un arri�re-go�t d�amertume� Depuis que le pr�sident Bouteflika avait mis fin aux sp�culations sur l�ouverture du champ audiovisuel alg�rien, � lors d�un d�bat pour la campagne des pr�sidentielles du 8 avril 2004 �, le dossier semblait d�finitivement clos. Beaucoup d�Alg�riens pensaient que leur pays ratait l� une occasion en or de rattraper les d�mocraties occidentales ou, � tout le moins, de s�aligner sur les politiques de ses voisins tunisien et marocain qui avaient vot� des lois autorisant la lib�ralisation du secteur audiovisuel. Et bien que la cr�ation de canaux priv�s ne signifie pas forc�ment espace d�mocratique �largi (il n�y a qu�� voir ce qui se passe au Moyen-Orient), cette ouverture n�en signifie pas moins la fin d�un certain monopole �tatique sur la culture et sa diffusion via le m�dia le plus populaire : la t�l�vision. D�autres relevaient le paradoxe de voir le pays qui a �t� le plus loin sur la voie des r�formes d�mocratiques en Afrique du Nord se priver de cette bouff�e d�oxyg�ne qui aurait permis � une culture mill�naire et diversifi�e de s��panouir davantage, dans la diversit� et la libert�. Depuis, on n�a pas beaucoup parl� du paysage audiovisuel alg�rien, si ce n�est � travers une cha�ne dont on a surm�diatis� le lancement, alors qu�il s�agit d�une simple ��mission� hebdomadaire de deux heures (!) �mettant � travers le programme satellite connu sous le nom de la Locale. N�anmoins, il semble que, depuis quelques mois, une id�e plus ou moins pr�cise appara�t dans les horizons incertains du PAA. D�abord, il y a cette information officielle du lancement d�un prochain bouquet num�rique. Actuellement, il existe deux cha�nes satellite (Canal Alg�rie et la Troisi�me) qui �mettent ensemble sur Hot Bird, mais aussi sur NSS7 dans le cadre d�un bouquet incluant la cha�ne terrestre (crypt�e en Bliss pour des questions de droits de diffusion) et une vingtaine de radios num�riques nationales et r�gionales (voir encadr�). La Troisi�me de son c�t� diffuse sur Arabsat 2 (26 degr�s Est) en direction du monde arabe. Outre l�Europe, le Proche-Orient et l�Afrique, Canal Alg�rie �met, depuis un peu plus d�une ann�e, en direction de l�Am�rique, de l�Asie et de l�Australie, � travers le bouquet mondial Arabsat. La cha�ne amazighe� Si sur le plan de la diffusion et des moyens techniques mobilis�s pour assurer un rayonnement mondial et toucher les Alg�riens l� o� ils se trouvent, le bilan est plut�t positif, il n�en reste pas moins que sur le plan du contenu, l�Alg�rie accuse un immense retard qui se traduit par une situation peu reluisante : une seule cha�ne terrestre, appel�e d�ailleurs par la presse locale �l�Unique�, et deux cha�nes satellite qui sont souvent fusionn�es, pour les besoins des journaux t�l�vis�s, des discours pr�sidentiels, des rencontres sportives et lors du passage d��missions importantes. En fait, la principale difficult� de gestion de ces cha�nes vient du fait qu�elles ont �t� cr��es avec des objectifs qui ne r�pondent plus � leur mission actuelle. Ainsi, la Troisi�me, destin�e en principe au monde arabe, se retrouve en �doublon� avec Canal Alg�rie sur Hot Bird � en fait cette derni�re �tait orient�e au d�part vers les �migr�s en Europe � et le t�l�spectateur ne comprend toujours pas pourquoi ces deux canaux passent souvent le m�me programme. Une refonte totale s�impose, avec une strat�gie et des objectifs clairs. Depuis peu, on parle de plus en plus d�un futur bouquet alg�rien dont les contours se pr�cisent de jour en jour. Ce dont on est certain pour le moment, c�est qu�il englobera, outre ces deux fameuses cha�nes qui ont tout int�r�t � se rationaliser, un canal berb�re et un autre pour la jeunesse et les �nouvelles connaissances�. Pour ce qui est de la cha�ne amazighe (vieille langue du Maghreb d�clin�e en plusieurs versions r�gionales), elle r�pond au souci de satisfaire pleinement les revendications identitaires de la Kabylie. Cette cha�ne sera en concurrence directe avec Berb�re TV. Mais les fans de cette derni�re disent que la nouvelle venue sera certainement marqu�e par le dirigisme et une certaine forme d�autocensure. Quant � ses animateurs, ils rejettent tout cela d�un revers de la main : �Nous sommes s�rs que cette premi�re cha�ne berb�re �mise depuis un pays berb�re s�imposera rapidement.� S�ils gardent secr�tes les grandes lignes de la programmation, des indiscr�tions permettent n�anmoins d�en conna�tre quelques d�tails. La cha�ne va fonctionner comme une entit� autonome avec des rendezvous d�information dans les diff�rentes langues berb�res de l�Alg�rie (kabyle, chaoui, mozabite, tergui), mais elle puisera dans l��norme stock de la t�l�vision alg�rienne pour rediffuser d�anciens programmes doubl�s en berb�re. Et c�est l� o� elle risque d�avoir une longueur d�avance sur sa concurrente parisienne. A c�t� de cette cha�ne, les bribes d�informations recueillies �voquent la cr�ation d�un canal jeunesse dont on ignore les contours mais qui s�adressera visiblement aux adolescents et aux universitaires. Les technologies nouvelles et la d�couverte constitueront les principaux axes de la grille. Certaines sources ont parl� de la possibilit� d�inclure une cha�ne sportive et une autre de news, mais aucune information cr�dible n�est venue �tayer cette nouvelle. Le pays le plus �parabolis� Ce bouquet num�rique dont le lancement pourrait intervenir cet �t� ou, au plus tard, vers la fin de l�ann�e 2005, utilisera certainement le satellite pour toucher le maximum de foyers. Il faut savoir qu�en Alg�rie, le nombre de paraboles d�passe tr�s largement celui des antennes r�teau, cas unique dans le monde. Ce pays a �t� classifi�e au d�but des ann�es 90 comme le plus �parabolis�e � de la plan�te. Donc, l�utilisation du satellite permettra � ce bouquet de remplir convenablement son r�le, tout en touchant la communaut� alg�rienne � l��tranger. Mais cela posera n�cessairement des probl�mes li�s aux droits de diffusion de certaines �missions (sports notamment) et longs m�trages. Enfin, on n�en est pas encore l�. Mais la grande nouveaut� ne r�side pas l�. A la fin d�cembre, dans un message adress� aux participants � l�assembl�e g�n�rale de l�Union des radios et t�l�visions des Etats arabes (ASBU), le pr�sident Abdelaziz Bouteflika donnait enfin quelques �claircissements sur le futur paysage audiovisuel alg�rien, en pr�cisant notamment : �Le gouvernement est en train d��laborer un dossier complet pour red�finir le paysage t�l�visuel national avec pour objectif un plus grand int�r�t pour la culture nationale amazighe, la jeunesse et les nouvelles connaissances, le tout dans le cadre de la r�alisation de ce qui est commun�ment appel� la t�l�vision num�rique terrestre.� Le mot est l�ch� : TNT ! Si le pays r�alise cet objectif dans les plus brefs d�lais, il sera l�un des tout premiers � le faire sur le continent africain. Mais il faudra faire face � des difficult�s extr�mes, comme l�immensit� du territoire. Comme pour la diffusion analogique terrestre, il faudra installer des t�tes de r�seaux aliment�s par satellite, des r��metteurs qui ne pourront assurer une bonne qualit� de la transmission que s�ils sont en tr�s grand nombre. Le co�t de cette TNT sera ph�nom�nal et certains se demandent s�il n�est pas pr�f�rable de l�exclure au profit exclusif du satellite, d�autant plus que ce dernier sera obligatoirement utilis� pour la distribution du signal. Un peu comme dans le cas d�Atlantic Bird (5 degr�s Ouest) qui livre le signal de la TNT fran�aise aux r��metteurs r�gionaux. T�l�phonie par l�ADSL Quoi qu�il en soit, et en attendant d�en conna�tre un peu plus sur cette TNT �voqu�e par le chef de l�Etat, il faut rappeler que l�Alg�rie est en train de rattraper petit � petit le retard monstre qui l��loignait, non seulement de l�Europe, mais aussi de ses voisins tunisien et marocain. Avec la lib�ralisation du champ Internet, une multitude de providers priv�s s�est install�e pour le plus grand plaisir des internautes d��us par la bureaucratie de l�unique op�rateur �tatique : le Cerist. Depuis quelques mois, l�ADSL est venue renforcer cette option en permettant aux foyers et aux entreprises de b�n�ficier du haut d�bit. Les connexions, sujettes � des coupures intempestives au d�but, sont en train de s�am�liorer et les prix baissent peu � peu (19 euros par mois pour une connexion de 125 k/s et pr�s de 40 euros pour celle de 250 k/s). Qui dit ADSL, dit nouvelles applications comme la t�l�phonie IP ou la t�l�vision par la prise t�l�phonique. Au milieu de ce printemps, l�agence officielle de presse, APS, rapportait que quatre fournisseurs d'internet ont proc�d� � la signature de contrats avec l'Autorit� de r�gulation de la poste et des t�l�communications (ARPT), les autorisant � commercialiser la t�l�phonie via internet au public alg�rien. L'Eepad, Last Net, Web.Com et SLC Alg�rie ont �t� les b�n�ficiaires de ces contrats. La t�l�phonie via l�ADSL est une technologie toute r�cente qui bouscule les communications traditionnelles en offrant tarifs bas � et m�me gratuits ! � aux utilisateurs. Cette solution, qui est d�j� op�rationnelle dans d�autres pays, n�a pas encore connu un d�but d�application s�rieux partout, et m�me dans certains pays en avance sur le plan num�rique. Situation qui peut s�expliquer par la volont� des pouvoirs de prot�ger les op�rateurs publics et priv�s de la t�l�phonie traditionnelle car l�ouverture aux nouvelles technologies signifie parfois concurrence redoutable. Les communications t�l�phoniques via internet n�utilisent plus le vieux syst�me analogique de transmission connus sous le nom de RTC. Elles empruntent le r�seau internet, sous le protocole �IP� (Internet Protocol) qui a l�avantage de ne pas encombrer les lignes puisqu�il passe par les m�mes �tuyaux� qui transportent internet au PC. Avec les hauts d�bits qui rendent internet disponible 24 heures sur 24 et � bas prix, il est possible de r�duire consid�rablement les co�ts des abonnements t�l�phoniques et de les rendre forfaitaires pour une dur�e illimit�e ! Esp�rons que les op�rateurs choisis joueront le jeu et ne transformeront pas ces licences en nouveaux monopoles. Ainsi, l�Eepad, par exemple, op�rateur ADSL d�j� en ligne, pourrait proposer tr�s bient�t des services de t�l�phonie par internet qui bousculeraient totalement nos habitudes de consommation t�l�phonique. Des forfaits �internet haut d�bit +t�l�phonie sur ADSL� seront propos�s � des Alg�riens quelque peu incr�dules. Entre le mobile dont les tarifs touchent le plancher et la t�l�phonie fixe qui s�approche du plafond (en attendant la commercialisation des lignes Orascom), cette nouvelle r�volution ne peut �tre que la bienvenue. Une offre �haut d�bit+forfaits t�l�phoniques+TV ADSL� ? Il restait, pour boucler la boucle, la TV par ADSL. A la fin du mois d�avril, le patron de l�Eepad annon�ait au forum du quotidien gouvernemental El Moudjahid qu�il avait obtenu l�autorisation d�utiliser sa plateforme ADSL pour diffuser des programmes de t�l�vision. Et pour �clairer la lanterne des Alg�riens, un peu chavir�s par le flot ininterrompu des nouvelles technologies, les journalistes sont oblig�s de puiser dans les lexiques et les d�monstrations pour bien expliquer � leurs lecteurs qu�il ne s�agit pas de streaming, mais de la v�ritable t�l�vision via ADSL, comme celle de l�-bas (comprenez la France). La t�l� on-line, au d�bit tr�s lent et perturb�, avec ces arr�ts sur image intempestifs et ces coupures de son qui peuvent durer des minutes, les Alg�riens connaissent pour s��tre connect�s aux t�l�s via le web. Quant � celle qui utilise l�ADSL, elle est d�une tout autre qualit� qui n�a rien � envier � celle de la transmission num�rique par sat, avec un son st�r�o et m�me dolby quand l�utilisateur le diffuse. Le signal utilise simplement le c�ble de l�ADSL et il n�est pas n�cessaire d�avoir un PC ou de s�abonner � internet pour la recevoir. Un poste de t�l�vision classique fait l�affaire et il suffit simplement de s��quiper d�un petit bo�tier qui jouera le r�le de r�cepteur num�rique. Ce terminal ADSL, ou plus commun�ment le d�codeur num�rique, �d�crypte� le signal et le transmet au t�l�viseur par une prise p�ritel ou RCA. Il peut �galement �tre reli� � un magn�toscope ou � un syst�me audio. Parfois le d�codeur de la TV par ADSL est en m�me temps un modem ADSL dot� de plusieurs fonctions (terminal t�l�phonique et d�codeur MPEG2). Dans le cas d�autres op�rateurs, il faut disposer, en plus du d�codeur TV, d�un modem ADSL. Qu�en est-il de nos modems actuels, ceux utilis�s par exemple dans les connexions Eepad ? Ils ne seront d�aucune utilit� pour la t�l� par ADSL. Au moment o� le pays va engager ces chantiers prometteurs, le monopole �tatique sur le secteur audiovisuel restera comme une ar�te � travers la gorge car il emp�chera la libre concurrence et sera un frein � la cr�ation de programmes concurrentiels, sans lesquels les nouvelles t�l�visions ne seraient plus que des tuyaux sans �me, juste bonnes pour transporter les �missions et �uvres de fiction supervis�es par les censeurs, ainsi que des contenus �trangers que l�on peut d�j� recevoir par satellite. M. F. - Cet article a �t� publi� dans le num�ro de juin de la revue parisienne T�l� Satellite.