Aux derni�res nouvelles, la r�cente et unique cha�ne de t�l�vision priv�e tunisienne se porterait plut�t mal. Hannibal TV, lanc�e en grande pompe le 13 f�vrier 2005, �tait la premi�re cha�ne ind�pendante � voir le jour en Tunisie. Lors d�une analyse effectu�e au mois de mai, Hannibal TV (Arabsat et Nilesat) ne r�coltait que 5,4% d�audience, devanc�e par la cha�ne publique TV7 (40,6%) et Rotana Cin�ma (13,9%). Au mois d�avril, l�audience de Hannibal �tait de 2,7%. Les responsables de cette cha�ne trouvent que les chiffres de ces sondages sont trop �volatiles� et c�est pourquoi ils annoncent une nouvelle analyse qui doit �tre effectu�e par le sp�cialiste de la mesure d�audience TV : m�diam�trie. Pourquoi cette cha�ne, promise � un bel avenir, conna�t-elle autant de rat�s � son lancement ? En fait, les mauvais scores de l�audience ne sont pas les seules difficult�s d�Hannibal TV qui serait agit�e par de nombreux probl�mes qui, en s�accumulant, risquent de menacer la survie de l�entreprise. Selon des articles de presse, la cha�ne a tendance � changer trop fr�quemment son personnel et l�on signale qu�une grande partie de l�effectif initial aurait �t� licenci�e. D�autre part, ces m�mes sources font �tat de difficult�s financi�res qui se traduisent par des probl�mes de paiement ou �la remise en cause d'accords pris par la cha�ne�. Le promoteur de la cha�ne, Larbi Nasra, est attaqu� de toutes parts et il faut dire qu�il a plus de d�tracteurs que d�amis. Ses ennemis se font de plus en plus, comme si cette premi�re perc�e dans la muraille de l�audiovisuel public avait cr�� une esp�ce d�alliance sacr�e. Il est vrai que beaucoup d�int�r�ts sont en jeu� R�cemment, M. Larbi Nasra se plaignait des �obstacles qui lui sont dress�s, quotidiennement, et qui l'emp�chent de mener � bien sa t�che d'information�. A titre d�exemple, le responsable de la cha�ne Hannibal TV a accus� la FTF (F�d�ration tunisienne de football) d�interdire � ses reporters de prendre des images dans les vestiaires et sur la main courante des stades. En fait, ces mesures coercitives apparaissent comme un moyen de r�duire l�impact des �missions sportives de Hannibal TV qui ont vol� la vedette � la cha�ne publique. D�ailleurs, ces difficult�s ont �t� d�nonc�es par des organisations professionnelles et syndicales qui les consid�rent comme une atteinte � la libert� d�expression. Un ton conventionnel Mais un regard critique sur la programmation livrera d�autres cl�s pour comprendre ce mauvais d�part. Tr�s attendue par les Tunisiens qui esp�raient y voir autre chose que ce qu�ils ont l�habitude de voir sur Tunis 7, ils ont �t� fortement d��us par le ton conventionnel d�Hannibal TV qui cherche visiblement � ne pas trop se d�marquer du discours dominant afin de ne pas avoir de probl�mes de ce c�t�-l�. Les deux �missions qui �chappent � ce sombre tableau sont un programme sportif et un talk show. Et puis, il y a le nerf de la guerre. Et l�, �a ne suit pas. Evidemment, en lan�ant une cha�ne t�l�, on ne s�attend pas � engranger tout de suite des recettes publicitaires qui permettraient d��quilibrer les finances. C�est connu : un tel projet met g�n�ralement trois � cinq ann�es avant de conna�tre l�embellie financi�re. Nous l�avons vu en Europe o� s�est cr�� un nombre impressionnant de cha�nes qui ont trouv� peu � peu leur chemin. Mais la comparaison est tout � fait impossible � faire puisque les recettes publicitaires restent marginales au Maghreb et elles vont essentiellement au secteur public qui domine presque totalement le paysage audiovisuel maghr�bin. Une cha�ne satellitaire est un gouffre financier. Outre les charges traditionnelles li�es � l�activit� t�l�visuelle, il faut ajouter des sommes importantes pour la location des transpondeurs satellite. C�est pourquoi, l�ouverture du champ audiovisuel tunisien, salu�e par tous les hommes politiques et les observateurs, n�est pas le s�same qui va permettre du jour au lendemain l��closion de nombreuses cha�nes priv�es. Des mesures d�accompagnement et d�aide sont n�cessaires. Et parmi celles-ci, un soutien actif et cons�quent pour permettre � ces cha�nes � du moins celles se pr�sentant sous une forme g�n�raliste � d��mettre sur le hertzien leur donnerait plus de chances de percer et d�attirer les recettes publicitaires sans lesquelles il serait vain de croire dans le succ�s de tels projets. On sait que la publicit� est l�unique moyen de financement de ces cha�nes et le satellite n�est pas en mesure d�offrir un taux de p�n�tration global, seul en mesure de convaincre les annonceurs. L�autre moyen de s�assurer des ressources financi�res est le cryptage. Mais le piratage est tel dans nos contr�es qu�une entreprise de ce genre serait vraiment hasardeuse. Les exp�riences pr�c�dentes ont de quoi �chauder les promoteurs les plus audacieux. En Tunisie, Canal Horizons �mettait sur le r�seau hertzien et avait r�ussi en peu de temps � attirer un nombre important d�abonn�s. A l��poque, on ne comprenait pas tr�s bien comment cette filiale de Canal + avait r�ussi � s�implanter comme une cha�ne pratiquement nationale alors que la loi sur la lib�ralisation du secteur audiovisuel n�avait pas encore vu le jour ! Mais, passons. Canal Horizons sera tu�e par le piratage. En Tunisie et au Maroc aussi o� le d�funt Serge Adda lui pr�voyait pourtant un avenir radieux. Un pays pr�curseur En fait, le secteur audiovisuel a connu par le pass� des mutations importantes qui se sont traduites par l�implantation de cha�nes �trang�res dans le cadre de la coop�ration avec des pays europ�ens et la particularit� venait du fait que ces cha�nes utilisaient le r�seau hertzien national avec des d�bordements qui faisaient la joie des Alg�riens et des Libyens qui n�avaient pas encore le plaisir de recevoir les images satellite. Outre la RAI qui diffusait les programmes de sa premi�re cha�ne en VHF, la Tunisie avait permis � Antenne 2, puis � France 2 d��mettre en UHF sur l�ensemble du territoire tunisien, en utilisant des r��metteurs install�s par la France dans le cadre d�une coop�ration culturelle encourag�e par le d�funt pr�sident Bourguiba. La Tunisie aura donc �t�, d�s les ann�es soixante-dix, le premier pays du Maghreb � s�ouvrir sur l�audiovisuel europ�en d�une mani�re officielle, sans attendre l�arriv�e du satellite et de ses images �impos�es� par le ciel. Cette politique a permis de former toute une g�n�ration � la culture audiovisuelle. L�apprentissage des langues italienne et fran�aise n��tait pas le moindre des avantages d�une telle formule. Et cela ne co�tait pas un sou � l�Etat tunisien qui, dans cette affaire, n�a pas r�agi comme aurait pu le faire n�importe quel pouvoir autoritaire. En effet, qui dit arriv�e d�images venues d�ailleurs, dit diminution de l�impact de la cha�ne publique nationale qui est g�n�ralement consid�r�e dans nos pays comme un appareil de propagande. Il faut reconna�tre au pouvoir tunisien de l��poque le m�rite d�avoir ouvert une fen�tre sur un monde ext�rieur souvent jug� comme subversif, � une �poque o� il �tait tr�s facile de s�enfermer chez soi comme le faisaient d�ailleurs la majorit� des pays du Tiers-Monde. Toutes ces consid�rations ont fait que l�on attendait beaucoup de la premi�re cha�ne priv�e tunisienne qui porte le nom d�un h�ros que nous nous partageons et qui a marqu� de son empreinte l�histoire de l�Afrique du Nord et de l�Europe du Sud : Hannibal. Il n�est jamais trop tard pour bien faire Cette culture t�l�visuelle qui a donn� de si probants r�sultats au niveau de la cha�ne publique o� l�on s�active, depuis un peu plus de trois d�cennies, � innover et � chercher la perfection en prenant ce qu�il y a de meilleur chez les autres en l�adaptant � la r�alit� tunisienne ; cette culture t�l�visuelle appr�ci�e qui s�affirme d�une mani�re �clatante aujourd�hui encore dans des productions haut de gamme empreintes de professionnalisme et d�audace, laissait pr�sager un d�part tonitruant d�Hannibal TV qui porte les espoirs de la t�l�vision priv�e maghr�bine en gestation au Maroc et en projet en Alg�rie (en attendant que les pouvoirs publics suivent la voie des Tunisiens et des Marocains). Dommage que ce projet n�ait pas suivi la trajectoire que nous lui souhaitions tous et ses faux-pas, s�ils font la joie de quelques avantag�s qui ont peur de perdre leurs privil�ges, nous laissent un arri�re-go�t d�amertume. Mais il n�est jamais trop tard pour bien faire et c�est aux autorit�s tunisiennes qu�il appartient de r�agir pour sauver le projet en l�int�grant dans leurs grandes campagnes nationales comme un acteur av�r� du paysage audiovisuel en gestation. Un b�b� ne peut marcher tout seul : ses premiers pas sont toujours soutenus par les parents. Alors� FIN NDLR : ces deux articles ont �t� publi�s dans la revue parisienne T�l� Satellite, �ditions des mois de juillet et septembre 2005.