Le march� de l�automobile en Alg�rie poursuit une courbe ascentionniste qui surprend parfois les plus avertis. Les importations ont consid�rablement accru, l�offre ne cesse de se diversifier avec des marques inconnues faisant souvent leurs premiers pas dans l�automobile, et la r�glementation alg�rienne tarde � prendre les devants pour prot�ger surtout le client alg�rien. Autant de th�mes que nous avons abord� avec Michel Tranche, directeur g�n�ral de Renault Alg�rie, qui a exprim� longuement son analyse sur un march� en pleine mutation et qui demeure � la recherche de ses rep�res. Fin observateur et connaissant parfaitement le monde de l�automobile alg�rien pour l�avoir v�cu des ann�es durant, il nous livre ses impressions avant de tirer sa r�v�rence � la fin du mois en cours. Le Soir Auto : L��volution du march� de l�automobile en Alg�rie suscite bien de l�int�r�t. Qu�est-ce que cela vous inspire comme analyse ? Michel Tranche : Le march� affiche pour les huit premiers mois de l�ann�e 2005 une forte croissance. Il faut pond�rer, cependant, cette observation par une seconde. L�analyse de cette croissance, mois par mois, montre qu�elle est surtout marqu�e par les chiffres du premier trimestre (+62%) pendant lequel la CNEP a continu� de servir du cr�dit aux acqu�reurs d�automobiles alors que depuis la fin du mois de f�vrier l�augmentation des ventes n�a cess� de s�att�nuer pour passer de +84% en f�vrier � +6% au mois d�ao�t. Chez les concessionnaires dont nous faisons partie, les ventes sont estim�es � 105 000 v�hicules pour les huit premiers mois 2005, soit une hausse de 37% par rapport � la m�me p�riode de l�ann�e 2004. Pour la fin de l�exercice, les pr�visions sont de l�ordre de 150 000 unit�s. Si l�on ajoute � ces chiffres, les importations de v�hicules d�occasion, ceux dits de �moins de trois ans� qui ont fortement augment� cette ann�e du fait de la perspective d�interdiction de cette facult�, atteignant un taux de +35 % pour le premier trimestre et de + 47% pour le second trimestre, et qui pourraient d�passer les 80 000 v�hicules d�ici la fin du mois de septembre, on atteindrait un chiffre d�importations exceptionnel de 230 000 v�hicules. Cela constituerait, � coup s�r, un score d�exception. Par r�f�rence, avant 1998 et l�av�nement du cadre l�gal et fiscal dans lequel nous �voluons actuellement, la moyenne annuelle des importations �tait d�un cinqui�me du chiffre actuel. Depuis cette date et jusqu�� la fin de l�ann�e 2004, cette moyenne avait doubl� atteignant un chiffre l�g�rement inf�rieur � 100 000 unit�s par an dont 60% pour les concessionnaires et 40% pour les particuliers. Un chiffre qui repr�sente toutefois moins de la moiti� des volumes attendus pour 2005. Imaginez donc l�explosion. Et cela m�me au moment o� la CNEP suspend sa formule cr�dit v�hicule ! A ce propos, le retrait de la CNEP du cr�neau financement des v�hicules n�a pas �t� sans incidence sur vos ventes. Quelle est votre appr�ciation ? L�arr�t du cr�dit CNEP que nous venons d��voquer est un des deux facteurs, sans doute le premier en importance, qui ont fortement influenc� le march� en 2005. Cela a perturb� le fonctionnement qui nous avait permis d�acqu�rir la premi�re place en 2004. Nous �tions l�un des premiers, sinon le premier utilisateur de ce mode de financement et, par cons�quent, nous avons le plus fortement p�ti de sa suspension, nos ventes par cr�dit se sont r�duites d�une vingtaine d�unit�s par jour. De 37 par jour en moyenne sur l�ann�e 2004 (environ la m�me valeur en pourcentage de ventes) elles se sont �tablies � 16 depuis le mois d�avril. Les ventes au comptant, gr�ce aux op�rations commerciales r�alis�es, retrouvent leur niveau ant�rieur alors que nous subissons de plein fouet le coup de frein des ventes � cr�dit. Compte tenu de la diminution de leurs moyens, les clients ont probablement r�duit leurs ambitions en se tournant vers des v�hicules de plus petits gabarits � moindre co�t. Le relais pris par les autres organismes financiers n�a pas encore les r�sultats escompt�s. Peut-�tre est-ce le fait d�un maillage territorial encore insuffisant, de limites pos�es par les �tablissements bancaires et les agences, aux r�serves pos�es par les clients eux-m�me vis-�-vis des banques �trang�res ou encore � un manque d�information ? Le constat est que les organismes pr�teurs n�ont pas encore repris le march�. C�est l� une situation conjoncturelle qui devra trouver sa solution. Le 26 septembre 2005, la loi sur l�interdiction des v�hicules de moins de 3 ans prend pleinement son effet (aucun d�douanement possible � partir de cette date). Selon vous, quels seront les effets � court, moyen et long termes ? C�est probablement le deuxi�me �l�ment impactant le march� de cette ann�e. La proximit� de l�interdiction des v�hicules d�occasion a provoqu� un attrait suppl�mentaire pour ce type d�importation et, les acheteurs ont accru leurs achats de v�hicules d�occasion. Notre position, traditionnelle, de leader sur ce march� (47% des entr�es au premier trimestre) nous met, comme pour la CNEP, � la premi�re place des marques touch�es par ce ph�nom�ne. Les acheteurs ont pr�f�r� acheter nos v�hicules d�occasion. Ils sont, � mes yeux, victimes des rumeurs tr�s vivaces sur les march�s tels que ceux de l�automobile. Celles-ci font acheter des v�hicules non pas de plus ou moins bonne qualit�, les usines sont les m�mes (le premier client de la Turquie c�est � et de loin � l�Europe) et les contr�les aussi et donc la qualit� des produits assembl�s est de m�me niveau quelle que soit la localisation de leur production. En revanche, pr�vus pour les march�s europ�ens, leur d�finition est moins �robuste� car b�n�ficiant d�un environnement plus �prot�g�, chaleur, poussi�res, r�seau routier, carburant... Dans nos r�gions, ces v�hicules se trouvent plus expos�s et moins prot�g�s, alors qu�ils sont acquis � des prix plus �lev�s ! Si l�on peut trouver quelque chose de bon � cette interdiction c�est que, au moins pour les v�hicules d�occasion, ce ph�nom�ne devrait cesser. D�autant que les r�seaux se sont maintenant install�s depuis suffisamment longtemps pour que les clients puissent avoir le choix. L��volution, sur une longue p�riode, montre d�ailleurs que, il est vrai, aid�e par l��volution du taux de change qui a fortement rench�ri le prix des importations d�origine europ�enne, la part des importations des particuliers dans l�alimentation du parc automobile alg�rien s�est r�duite. Si l�on se r�f�re aux chiffres communiqu�s nous constatons que cette part est pass�e de 64% (du volume global des importations) en 2001 � 36% en 2004 cette tendance � la baisse peut d�noter une confiance accrue dans les concessionnaires install�s en Alg�rie. Cependant, ce march� est rest� important (70 000 v�hicules en 2004). Comment les acheteurs vont-ils s�organiser apr�s la fin de cette ann�e ? C�est une question � laquelle tous les concessionnaires r�fl�chissent. Quelles parts se tourneront vers les concessionnaires ou vers le march� de l�occasion, vers quelles segments et quelles marques ? C�est une �affaire � suivre�� et nous sommes tous tr�s vigilants pour observer les comportements qui seront adopt�s par ces clients. Croyez-vous qu�il y a l� une opportunit�, pour le march� de l�occasion, de s�organiser et d�aller vers une professionnalisation ? Est-ce que Renault Alg�rie envisage de s�y impliquer ? C�est une �volution qui semblerait assez naturelle. Elle ne me para�t pas prioritaire au regard du d�ficit actuel de moyens apr�s-vente. Ce dernier est � mes yeux la premi�re pr�occupation et nous entreprenons actuellement un certain nombre d�actions qui doivent acc�l�rer la d�marche d�investissement dans l�entretien et la r�paration des v�hicules des marques que nous commercialisons. Il reste cependant que d�s qu�il sera possible les r�seaux vont s�atteler � professionnaliser ce march� au b�n�fice de la client�le. L�arriv�e de la marque Dacia n�est pas pass� inaper�ue : une image de marque qui se consolide, un v�hicule qui a fait ses preuves (la Solenza), et maintenant la Logan qui marque de plus en plus sa pr�sence. Est-ce que cela n�a pas �t� sans incidence sur les volumes de vente des v�hicules des autres marques que le groupe commercialise, et l� nous pensons � la Clio Classic ? Et comment g�rez-vous cette concurrence qui semble s��tablir (si c�est le cas) entre les marques d�un m�me groupe ? Dacia ne cesse de progresser depuis son int�gration au groupe Renault. Au premier semestre 2005, Dacia a vendu 79 068 v�hicules au total, soit une hausse de 89,5 % par rapport � la m�me p�riode de l�ann�e 2004. 67 859 unit�s ont �t� des v�hicules particuliers et 11 209 des v�hicules utilitaires. Les ventes de Solenza, dont la fabrication a �t� arr�t�e fin mars, ont atteint 4 808 unit�s, tandis que celles de la gamme de v�hicules utilitaires ont repr�sent� 10 828 unit�s. Le premier semestre 2005 a confirm� la forte progression de Dacia � l�international. Les livraisons � l��tranger ont atteint 16 305 v�hicules, soit autant que le niveau des exportations que Dacia a r�alis� sur toute l�ann�e 2004. Depuis le mois de juin, Logan est commercialis�e en Europe de l�Ouest. Tant en Roumanie, qu�� l�international, le principal vecteur de cette progression est le mod�le Logan, dont les ventes ont totalis� 61 417 unit�s sur les six premiers mois de l�ann�e. Du 1er janvier au 30 juin, en Roumanie, 47 127 clients sont devenus propri�taires d�une Logan. A l�international, sur cette p�riode, Dacia a vendu 14 290 Logan. Depuis le lancement commercial en septembre 2004, le nombre de Logan vendues a atteint 84 459 unit�s. D�j� devenu la nouvelle voiture nationale en Roumanie, Logan a permis � Dacia de d�passer tous les records semestriels de vente de son histoire. Sur le march� roumain, 62 763 v�hicules de la marque ont �t� livr�s entre le 1er janvier et le 30 juin, soit plus que le niveau des ventes enregistr� sur l�ensemble de l�ann�e 2003. En Alg�rie, l�objectif que nous nous sommes fix�s pour la Logan est d�atteindre un taux de p�n�tration de 5%. Depuis son lancement en Alg�rie en mai 2005 Renault Alg�rie et son r�seau ont pleinement jou� leur r�le ; Logan est disponible aussi bien � Alger, qu�� Tlemcen, Annaba ou Gharda�a. C�est un pari que nous nous �tions fait, il est en phase d��tre r�alis� : la Logan est l�, la client�le aussi. Notre ambition est forte sur Logan et notre offre s��largira au diesel d�ici � la fin de l�ann�e. Le lancement de Logan correspond �galement � la renaissance de la marque Dacia. Avant son lancement, Dacia a pu roder son outil industriel, commercial et affirmer sa nouvelle identit�, avec des v�hicules comme Solenza, la motorisation diesel sur le pick-up... Dacia affiche ouvertement son appartenance au groupe Renault : elle s�appuie sur son savoir-faire et sur son organisation tant au niveau industriel qu�au niveau commercial. La marque a d�sormais tous les attributs pour rassurer les clients. Un produit nouveau, con�u par Renault, moderne, fiable et accessible. Une organisation commerciale p�renne avec la disponibilit� du service et de la pi�ce de rechange dans un r�seau professionnel et reconnu. Le client alg�rien a eu avec la commercialisation de la Solenza � appr�cier les avanc�es de la marque depuis son entr�e dans la groupe Renault. Concernant la deuxi�me partie de votre question, les �tudes confirment que l'objectif poursuivi de doter Logan d'une personnalit� tr�s diff�rente est atteint si bien que Logan et Clio Classic ne s�duisent pas la m�me client�le. De plus, leurs niveaux de prix et d��quipements seront tr�s diff�rents. Ces deux v�hicules ne sont pas en concurrence sur le march� alg�rien. En revanche, nous sommes pragmatiques et observons les �volutions de la demande pour nous y adapter. Les chiffres de facturation que nous communiquons ne refl�tent pas toujours ceux de la demande. Il faut souvent les interpr�ter et ce que je dis est valable pour toutes les marques, � la lumi�re de l�offre. Certains mod�les et particuli�rement dans les segments que vous citez souffrent tr�s fortement des ruptures d�approvisionnement. Les chiffres actuels, par exemple, de Logan sont alt�r�s par un d�lai d�approvisionnement relativement long (succ�s mondial oblige) de la version haute. Nous avons appris que votre mission en Alg�rie touche � sa fin, que tirez-vous comme enseignement du chemin parcouru depuis votre installation � la t�te de la filiale Renault Alg�rie ? Concernant Renault Alg�rie, l�entreprise a commenc� son activit� au milieu de l�ann�e 1998 et a naturellement connu des taux de croissance �lev�s. Retenons que, depuis sa premi�re ann�e pleine d�activit� (1999), ses moyens se sont multipli�s par plus de 5 et ses r�sultats (volumes et chiffre d�affaires) par plus de 7. Les effectifs de la filiale �taient de 52, aujourd�hui ils sont � 250. Le volume de ventes quant � lui est pass� de 3 205 � 22 000 en 2004 La part de march� Renault Alg�rie qui �tait de 6% est pass�e en 2004 � 23% dans un march� qui, lui, est pass� de 30 000 v�hicules a pr�s de 117 000. Le r�seau, quant � lui, est pass� de 9 agents � 37 avec un effectif qui d�passe 1 000 personnes. Mais ces chiffres n�illustrent pas la d�marche mise en place qui se cristallise dans un projet d�entreprise orient� essentiellement �clients�. Renault repr�sente aujourd�hui une des premi�res marques automobiles du pays, la premi�re si l�on tient compte de l�ensemble des importations des huit derni�res ann�es. Elle a comme mission de maintenir durablement les marques qu�elles commercialisent sur le podium et pour cela elle se base sur un r�seau qui est aujourd�hui r�parti � travers tout le territoire alg�rien. Un r�seau qui se professionnalise de plus en plus et qui est en passe de devenir r�f�rence dans le paysage de l�automobile en Alg�rie s�appropriant les valeurs de l�entreprise et en retrouvant des m�thodes commerciales perdues de vue qui sont celles de la passion, du plaisir, de l�engagement, de la responsabilit� de la comp�tence, de la qualit�, du leadership et de la modernit�. L�entreprise s�est aussi dot�e aujourd�hui de moyens d��tude de march�, d�indicateurs de satisfaction client�le, d�observation de la concurrence, de tableaux de bord et d�outils de communication internes et externes. Elle soigne aussi particuli�rement l�investissement formation, le d�veloppement de la responsabilit� et de l�autonomie formation, la polyvalence. Quant aux le�ons que j�en tire, ce sont des �volutions fortes en mati�re de comportement : la priorit� au client, les notions de service, de qualit� L�engagement � la �promesse� � client relatif � l�apr�s-vente, un professionnalisme qui gagne non seulement les r�seaux de distribution mais aussi leur environnement : les m�dias en sont un brillant exemple. Et aussi un management des affaires du r�seau de plus en plus professionnel, moins familial avec des engagements financiers plus �lev�s dans lesquels les banques ne sont plus vues seulement comme un mal oblig�. Les bienfaits de la concurrence, de plus fortes et saines tensions sur les commer�ants, le consum�risme� Et un personnel et des partenaires qui acceptent ces nouvelles r�gles du jeu et qui m�ont gratifi� d�engagements � des niveaux rarement vu ailleurs. Cela marque forc�ment. Si vous me demandez comment moi j�ai chang�, la question est plus �nigmatique. La vari�t� de mon parcours et mon �ge m�ont montr� que d�une mani�re g�n�rale, et quels que soient l�endroit et la population, on attend toujours de l�autre qu�il change et s�adapte et que nous sommes les moins bien plac�s pour savoir comment et � quel degr� l�on change soi-m�me. Je crois beaucoup aux bienfaits de la mixit� et donc si j�ai chang�, j�ai acquis un peu de la personnalit� alg�rienne. Soyons optimiste et esp�rons que j�ai pris le meilleur, une certaine noblesse et du recul sur les choses. De la patience et de l�humour. De la solidit� et disons� une am�lioration de mes facult�s d�adaptation.