Qui croire, apr�s les reports successifs � six mois durant � du vote par les d�put�s du projet de loi contre la corruption ? Apr�s que l�on eut fait croire que le projet de loi avait d�j� �t� vot�. Apr�s que le ministre de la Justice lui-m�me l�ait annonc� � ses homologues des pays arabes, le mois dernier au Caire. Voil� que le bureau de l�Assembl�e populaire nationale (APN) annonce dans un communiqu� officiel la reprise des pl�ni�res d�s le mardi 3 janvier 2006, mais sans indiquer l�ordre du jour des s�ances : mais l�information est donn�e en catimini � la presse priv�e qui annonce que le vote du projet de loi contre la corruption interviendra d�s le 1er jour des travaux de l�APN. Qui croire ? Et dire que ce projet de loi est pourtant tr�s en retrait par rapport � la Convention des Nations unies contre la corruption de 2003, convention ratifi�e par l�Alg�rie en avril 2004 et qui l�oblige � adapter sa l�gislation interne. Faut-il mettre 2 ans pour aboutir � une loi tr�s indigente, d�autant plus que la dite convention est entr�e en vigueur depuis le 14 d�cembre dernier pour les 38 pays qui l�ont ratifi�e ? Est-ce que le gouvernement Ouyahia ne veut plus entendre parler de ce projet de loi dont le vote par les d�put�s est sans cesse report� depuis juin dernier ? Le ministre de la Justice, dont le d�partement a pilot� l��laboration du document � grands renforts m�diatiques de longs mois durant, reste �trangement silencieux : en a-t-il trop fait ou trop dit, ou lui a-t-on signifi� la fin du brouhaha autour de ce projet de loi, mission accomplie ? Puis la confusion a �t� savamment entretenue : on a m�me fait croire pendant ces derniers mois que le projet de loi avait �t� vot� ! M�me la radio d�Etat a �t� tromp�e, l�ayant annonc�e � plusieurs reprises. Au d�but du mois de d�cembre, le ministre de la Justice lui-m�me s�est mis de la partie en faisant croire dans son discours � la r�union des ministres arabes de la justice au Caire que l�Alg�rie avait vot� cette loi ! A moins que ces reports successifs du vote soient le r�sultat d�une tr�ve entre les diff�rentes factions du pouvoir qui s�affrontent par grosses affaires de corruption interpos�es ? Un rappel chronologique s�impose pour essayer de comprendre ce qui se passe. En avril 2004, l�Alg�rie ratifiait par d�cret pr�sidentiel la Convention des Nations unies contre la corruption qui avait �t� adopt�e � New York en octobre 2003. Les instruments de cette ratification furent enregistr�s aux Nations unies au mois d�ao�t 2004. Cette ratification oblige le gouvernement alg�rien � adapter la l�gislation � cette convention. Le gouvernement a r�duit cette adaptation � l��laboration d�un avan-projet de loi anti-corruption, processus qu�il n�a cess� de fortement m�diatiser pendant pr�s d�une ann�e jusqu�� son d�p�t � l�Assembl�e nationale. L'ind�pendance de la future agence anti-corruption lourdement hypoth�qu�e Confirmant l�absence de volont� politique, le gouvernement a pr�sent� son projet � l�Assembl�e nationale en juin 2005, dans une totale discr�tion, face � un h�micycle vide, en pleine session du baccalaur�at et dans la pr�cipitation : � peine 2 semaines s��taient �coul�es entre l��tude de l�avant-projet par la commission juridique et sa soumission en pl�ni�re ! En juin dernier lors du d�bat � l�Assembl�e nationale, la plupart des d�put�s qui sont intervenus � issus pourtant de la majorit� de l�alliance dite pr�sidentielle � n�ont pas cach� leur scepticisme vis-�-vis de la d�marche gouvernementale, et la suite des �v�nements ne leur a pas donn� tort. Des amendements avaient m�me �t� propos�s : ils devaient �tre trait�s par la commission juridique, le vote a �t� report� une premi�re fois, � la veille de la cl�ture de la session de printemps de l�Assembl�e nationale, puis programm� pour le d�but de la session d�automne en septembre. Fin ao�t, � l�annonce de l�ouverture de la session d�automne, le vote de ce projet de loi est programm�. Puis une nouvelle fois, sous le pr�texte, annonc� officiellement, de l�implication et de la mobilisation des d�put�s pour la campagne du r�f�rendum du 29 septembre 2005, ce sont les travaux des deux chambres parlementaires qui sont carr�ment suspendus, et donc le vote du projet de loi contre la corruption report� une seconde fois, sans pour autant cette fois-ci que l�on annonce une nouvelle programmation. Puis il y eut le mois de Ramadhan, et la pr�sentation aux d�put�s du projet de loi de finances 2006. A quand le vote de l�avant-projet de loi contre la corruption ? La multiplication des reports traduits on ne peut mieux, s�il y avait encore des doutes, le peu d�empressement � l�adopter et l�absence de volont� politique dans ce sens. Quant au contenu de ce projet de loi anti-corruption, c�est l�image d�une coquille vide. Le document en lui-m�me est tr�s en retrait par rapport � la Convention des Nations unies. Juste deux aspects � titre d�exemple. Premier exemple : l�ind�pendance de la future agence anti-corruption. Tous les indicateurs dans le projet vont � l�encontre de cette ind�pendance. Deuxi�me exemple et non des moindres : le r�le de la soci�t� civile est r�duit � sa plus simple expression, et ce n�est pas une surprise de la part d�un pouvoir liberticide, autoritaire et policier. Et que dire de la notion de prescription tr�s restrictive et par trop permissive dans le projet de loi : du genre on efface tout et on� recommence ! La culture de l�amnistie et de l�impunit� est dans l�air du temps des gouvernants et des puissants du moment. Un peu de courage politique, �Messieurs que l�on nomme les grands�, faites voter ce projet de loi malgr� tout, m�me si ce vote sans cesse retard� a dilapid� tout le b�n�fice issu de la ratification de la Convention des Nations unies par l�Alg�rie, parmi les premiers pays au monde. Le discr�dit � tant au plan national qu�international est depuis longtemps largement consomm�. M�me les meilleures lois du monde, ce qui est loin d��tre le cas, n�y changeront rien. L�effectivit� des lois sur le terrain est au c�ur du d�bat. De toutes les mani�res, la lutte contre la corruption est avant tout une affaire de mobilisation citoyenne, de pratiques d�mocratiques, de libert� d�expression, de libert� de la presse, de respect des droits de l�homme, de progr�s et de justice sociale : nous en sommes encore tr�s loin en Alg�rie.