Il y a des moments fortement embl�matiques. Notre retour au Soir d�Alg�rie, apr�s une infid�lit� ind�pendante de notre volont� (comme on disait � la TV de papa), se d�roule, � notre confusion, sous moult signes de m�diatiques amiti�s. Il y a quelques jours, comme vous l�a narr� Arezki Metref, dans la bonne ville de Toulouse, se r�unissait une cohorte d�amis de l�Alg�rie en un lieu pittoresque pour se pencher sur son �Kabylie Story�. D�hom�riques chroniques parues en feuilleton dans les colonnes du Soir. De ce dernier, il en est question encore � propos d�une douloureuse comm�moration et d�un regrett� caricaturiste. Et ce avant de d�velopper ce qui devra constituer la substantifique moelle, nous l�esp�rons, de cette chronique. La comm�moration, c�est �videmment celle de l�attentat contre la Maison de la Presse Tahar-Djaout, il y a dix ans, qui a martyris�, outre passants et riverains, trois journalistes du Soir, sans parler des d�g�ts mat�riels. Nous �tions � bien des encablures de l��v�nement, � l�abri mais happ� par �l�exil nationalit� id�elle� (�la ghorba� au menu de la sympathique �mission ��a me dit� sur Canal Alg�rie, dans la soir�e du samedi dernier). La distance, sans jeu de mots, s�cr�te la distanciation qui rep�re le d�tail l� o�, auparavant, la proximit�, voire l�adh�sion ne rendait perceptible que la ligne g�n�rale et qui en d�finitive n�est qu�une �illusion d�optique�. Je ne dirai pas nous vivons dans un �village global�, cela fait aujourd�hui clich�. Par raccourci, je parlerai de civilisation du �mail�, ce mot de vieux fran�ais (qui signifiait malle qui servait � transporter le courrier) intercept�, revu et corrig� par les descendants de Shakespeare � sur lequel nous reviendrons plus loin. Le caricaturiste n�est autre que le regrett� Mohamed Dorbhan. C�est ainsi qu�il m�est parvenu en Garonnie un message d�Alger m�annon�ant qu�un hommage �tait donn� � la nouvelle galerie du Noun (salut S�nac !) au caricaturiste �voqu� plus haut. Il s�agit de Mohamed Dorbhan qui, outre ce talent, en d�clinait tant d�autres : la peinture, l�art de la chronique (Cf. son Bloc-notes qu�il signait s c�ans) ... et des aptitudes de litt�rateur qui restent m�connues. Dans la plaquette publi�e l�ann�e derni�re, un ami t�moignait de l�existence �d�un roman in�dit dont le personnage principal �tait un inspecteur de police, un fr�re h�las encore m�connu de l�inspecteur Tahar et du commissaire Llob de Yasmina Khadra, sans parler de son incursion-�clair dans le quatri�me art avec l��criture d�une pi�ce o� il pourfendait les maires indignes de l��poque� (Am�ziane Ferhani). La caricature, quelque temps auparavant, il avait cess� de la taquiner, �lucide et m�me d�une froide lucidit� devant l�horreur annonc�e. Il l�avait pressentie. Il n�a plus dessin�. Comme si son �uvre s��tait achev�e en s�accomplissant dans le r�el� (Abdelkrim Djilali). Et nous voici enfin parvenus au �Beyt el gassid�, les caricatures �vikings� parues dans un royaume donn� comme �pourri� dans une pi�ce de th��tre de William Shakespeare (laquelle ? Une question � poser dans une �ni�me mouture arabophone de �Questions pour un champion�). Ce dernier est lui-m�me objet de suspicion r�troactive : des relents d�antis�mitisme ont �t� d�cel�s dans son Marchand de Venise. A ce propos, un grand metteur en sc�ne, Peter Brook, a d�clar� : �Je ne la monterai jamais tant qu�il y aura un antis�mite au monde.� Avec Othello ou le Maure de Venise, �tranglant, par jalousie, la belle Desd�mona, il n�est pas exempt d�arabophobie r�trospective, ou pour le moins d�antif�minisme, en attendant qu�il soit un jour prochain qualifi� de perfide homophobe. On trouvera bien des preuves d�une telle sournoiserie dans une �uvre sans pareille. Mais Shakespeare a-t-il vraiment exist� ? Deux fr�res ennemis, enfants d�un m�me Proph�te, Abraham, Sidna Ibrahim El-Khallil, lesquels n�en finissent pas de d�frayer la chronique pour une question o� le seul champion, selon une lecture m�diatique consensuelle, reste Dame la mort. Au moins depuis Oslo, la capitale norv�gienne o� furent n�goci�s secr�tement les accords de paix entre l�OLP et Isra�l et dont on ne retrouve pas, para�t-il, les actes pour cause de dispersion. Dame la Mort, repr�sent�e en des temps moyen�geux, dans une sorte de caricature avant la lettre, avec une immense �faulx�. Le genre suppose avant tout le sens de la d�rision, de l�humour. Mais ainsi qu�un ma�tre �s satires, Pierre Desproges, l�affirmait en un bel aphorisme : �On peut rire de tout mais pas avec n�importe qui�... C�est pour cela certainement que la publication norv�gienne a pr�sent� ses excuses dans des colonnes de presse alg�riennes. Nous avouons avoir souri dimanche matin tr�s t�t en �coutant la revue de presse d�une radio hexagonale qu�un hebdomadaire marocain, Tel Quel (Bonjour Sollers et sa �France moisie�) s�interrogeait pourquoi ne pouvait-on pas repr�senter le Proph�te, Sidna Mohamed ? La r�ponse idoine est, bien entendu, de la comp�tence des docteurs de la foi. Pour notre part, nous nous posons simplement la question si nos confr�res marocains caricaturent � tout-va le jeune souverain marocain, si appr�ci� par les m�dias europ�ens pour ses sages r�formes d�mocratiques auxquelles il ajoutera prochainement, sans doute, le d�p�rissement du baisemain apr�s le refus du harem. (qui valut quelques g�nes, sauf erreur, qui est humaine, � des confr�res du royaume ch�rifien...). Sans parler de leurs honorables homologues maghr�bins et r�publicains. Ce que je sais, en revanche, de source concordante, c�est que Dilem, en d�pit de tous ses dilemmes judiciaires, caricature all�grement les autorit�s civiles et militaires, exhort�es du temps du parti unique (aujourd�hui, nous ne sommes plus dans la confidence) dans les ordres de mission � apporter leurs concours au journaliste accr�dit� par leurs organes (fort peu nombreux au demeurant et partant peu encombrants). Lecteur, tu l�auras compris, sans peine, dans cette chronique, il s�agira de m�dias et de leurs connexions multiples, en somme des d�pendances, au sens �tymologique : b�timents annexes d�un ch�teau. Nous sommes toujours dans le jargon journalistique. Ne parle-t-on pas de �b�ti� d�une page de journal ? Sans eux, il n�y aurait ni litt�rature, ni th��tre, ni musiques, ni arts plastiques et encore moins de communication et de politique. L�univers serait une immense auto-caricature, s�il ne l�est d�j�. Alors pour conclure, je vous recommande une caricature de Mohamed Dorbhan qui sera peut-�tre visible � la galerie du Noun. On y voit un couple enlac� faisant face � un policier, plut�t plein de bonhomie, matraque � la main, se grattant la t�te, finalement d�sarm� par la tendre d�termination d�une bulle : �l�Amour Ya Si !� �L�amour Monsieur !� Mais y-a-t-il encore place pour l�humour ?