�a va vite, �a ! Tr�s vite, m�me. �a file comme une fus�e. Comme la fameuse fus�e de Kateb Yacine quand, enfin, le miracle est suppos� avoir fini par la faire d�coller. Enfin� Chez nous, le pouvoir � un panel de noms, toujours les m�mes, interchangeables qui se survivent depuis des lustres ! - fonctionne selon le principe math�matique des vases communicants. Qu�il se gourre un brin dans les proportions, ce n�est qu�une erreur d��chelle. Sur le fond, il ob�it � cette m�canique atavique de la peur du vide. Lavoisier aurait trouv� en nos timoniers une illustration � l��tat brut de son fameux principe. Nos guides, dont toute la coll�gialit� s�oriente vers le singulier (Un seul h�ros, le Guide !), transforment tout ce qu�ils peuvent. Ce sont d�excellents transformateurs. �La science de gouverner est toute dans l�art de dorer les pilules�, ironisait Adolphe Thiers. Le pouvoir rel�che 2200 d�tenus teint�s au henn� et il condamne le chroniqueur Hakim La�lam � six mois de prison ferme. Quel lien ? Si le rapport quantitatif est litt�ralement ubuesque, le principe de base est sauf. Il n�a pas le sens des proportions, on le voit bien. Il n�a pas non plus celui de la mesure. Gracier 1000 terroristes, exon�rer de toute poursuite 1200 pr�sum�s terroristes et, pour faire bonne mesure, condamner un journaliste, c�est rien que de la p�dagogie � tirs r�els. On sait que les 2200 gus lib�r�s dans le cadre de l�application de la Charte pour la paix et la r�conciliation nationale, sont, au bas mot, pr�sum�s coupables de r�bellion � l�autorit� de l�Etat, de violences collectives, d�assassinats pour certains et, pour l�ensemble, de r�gression. De quoi Hakim La�lam est-il coupable, lui ? D�avoir align� des mots l� o� ceux qu�on lib�re ont �tal� des cadavres. Comme Benchicou. Comme Dilem, qui totalise quelque 9 ans de prison ferme. Comme les 18 journalistes qui risquent d�alourdir la facture carc�rale. De l� � croire que, dans le royaume d�Ubu, il est plus gratifiant d��tre terroriste que journaliste, il n�y a qu�un bruit d��crou, un claquement de balle creuse ou un feulement de couteau sorti de son fourreau. Si l�on peut s��tonner de la double �normit� intrins�que de chacun de ces deux faits, on ne doit, en revanche, pas �tre surpris qu�ils proc�dent d�une m�me logique. D�ailleurs, pour nous en faciliter la lecture, ce m�me pouvoir commet d�autres faits dont l�interconnexion r�v�le un ensemble d�une remarquable coh�rence. On fait taire la presse dissonante qui, pure co�ncidence, milite pour la s�paration du religieux et du politique. On lib�re des terroristes, militants av�r�s de l�islamisme politique. On ferme les �coles priv�es � coups de matraque. On diffuse par les radios et les t�l�s publiques les appels � la pri�re. On interdit, par voie de justice, les syndicats autonomes. Eh bien ! tout cela veut dire que plus l��conomie se lib�ralise au profit des forces de la mondialisation financi�re et au d�triment des couches les plus fragiles de la population alg�rienne, plus l�autoritarisme s�impose dans les secteurs des m�dias, de l��ducation, des syndicats et m�me des cultes. Le pluralisme qu�assume parfaitement le mod�le lib�ral, en Alg�rie, c�est Tintin ! Il faut peut-�tre que quelqu�un se d�voue pour expliquer � nos gouvernants que �a ne marche pas comme �a. Qu�on ne peut pas, d�un c�t�, pousser le lib�ralisme jusqu�au bradage des hydrocarbures au profit des multinationales et, d�un autre c�t�, imposer le mod�le obsidional nord-cor�en m�tin� de religiosit�. Un cocktail capitalistico-bazaro-dictatorio- th�ocratique ! Un mod�le unique, inimit� et inimitable, qu�on devrait enseigner dans les instituts d��tudes politiques pour montrer que l�hybridation peut g�n�rer des monstres de foire. �a donne ceci : l��rection de fortunes faramineuses en un clin d��il et, le d�veloppement continu et inexorable du nombre de d�tenus d�opinion. Il e�t �t�, bien s�r, plus simple que les choses soient plus simples, comme le disait si brillamment mon vieil ami Lapalisse. Si le capitalisme d�brid� s�accompagnait d�une lib�ralisation politique et m�diatique r�elle, on pourrait piger. Mais, du coup, on ne comprend plus rien. Ou on comprend tout. Hasard du calendrier ? La m�me semaine, la Libye lib�re 84 fr�res musulmans d�tenus depuis la fin des ann�es 90, tandis que la Tunisie rel�che 1600 prisonniers dont quelque 80 militants du parti Ennahda. Qu�est-ce qui justifie ce mouvement de fond de r�habilitation de l�islamisme ? En vertu de quels indicateurs internationaux cette concomitance entre la r�pression du babil d�mocratique et l�augmentation du volume des cris islamistes intervient-elle dans ces trois pays du Maghreb, et en particulier en Alg�rie toujours en avance, en bien comme en mal, sur ses voisins ? �a n�a peut-�tre rien � voir, mais il y a comme une sympathie manipulatoire de l�Oncle Sam, rebaptis� en vernaculaire Aamou Za�m, pour l�islamisme, � la condition qu�il ne soit ni celui, nucl�aire, de l�Iran, ni celui, kamikaze, du Hamas palestinien, ni encore celui, contrefait, de la Syrie d�Assad. La compassion bigote des Etats-Unis pour le monde musulman outr� par les caricatures danoises, c�est gros comme un derrick. En vertu d�une d�clinaison de l�islamisme par palier de mod�ration d�cid� quelque part aux Etats-Unis, on cache un islamisme par un autre. Contre le hasard d�mocratique plein d�impromptus, parsem� d�al�as, on promeut le vieux nationalisme religieux, messianique, rentier, reposant comme un hamac. Il ne pr�sente aucun risque pour les int�r�ts lib�raux et, au nom de l�unicit�, arase toute pluralit� politique, culturelle, confessionnelle, linguistique. Un, c�est plus facile � b�illonner. On continue � r�pondre � la question pos�e par Kateb Yacine dans �Mohamed, prends ta valise� : �Et maintenant/ Que vous l�avez, ce drapeau/ Comment allez-vous faire pour le partager ?�